La gestion des états et des hommes repose essentiellement sur la confiance que la majorité des citoyens mettent en leurs dirigeants. A y regarder de près sur notre continent, très peu de leaders réussissent à capter cette adhésion populaire. Et bien souvent, cela relève d’un petit accroc dans le système de gouvernance qui finit par emporter le système en place. Et cette épine au pied s’y plante généralement au début d’un mandat politique. Cela n’a l’air de rien à première vue, mais au fil du temps l’équipe au pouvoir se rend compte que le petit grain de sable est en train d’enrailler toute la mécanique de gouvernement.
Parce que Hosni Moubarak en Egypte et Ben Ali avant lui en Tunisie n’ont pas mesuré le degré de frustration de la rue face à leur mode de direction dictatorial, leurs régimes sont tombés comme des châteaux de cartes. Au début, ce fut comme une brise insolite et inoffensive ; puis, ce fut aussi puissant que le sirocco qui dévaste tout. C’était hier…
Demain, qui sait si au Mali où une transition se réorganise et une guerre se prépare à partir d’un remaniement ministériel aux relents putschistes on se dirige vers la paix ou on reste sous la férule militaire qui ne dit pas son nom?i Même le successeur de Cheick Modibo Diarra, le nouveau premier ministre Diango Cissoko a reconnu à RFI que l’éviction de son prédécesseur « n’était pas catholique » ! Qui sait si au Ghana la contestation de Nana Akufo-Addo, leader de l’opposition, n’entraînera pas le pays à la dérive d’autant que ce pays si stable jusqu’à présent va commencer à exporter du pétrole ?ii Qui peut dire que la réélection de Jacob Zuma en Afrique du Sud est en gage de paix et de développement quand, même au sein de l’ANC, on crie à la corruption et la paupérisation de la majorité noire ?
Il peut paraître anodin qu’une opposition s’agite, que des militaires se mutinent, des rébellions s’organisent. Mais si ces contestations ne trouvent pas rapidement de solution juste et concertées, très vite ou avec lenteur selon les caractéristiques de chaque nation elles se transforment inéluctablement en violence fatale pour le pouvoir en place.
Malheureusement le pouvoir absolu ne fait pas que corrompre, il aveugle tout autant ses dirigeants. Le salut ne peut donc provenir de ceux-là qui n’ont plus ni vision, ni volonté de l’acquérir car désormais seuls comptent pour eux l’appât du gain, la conservation et l’exercice d’un pouvoir même condamné à plus ou moins brève échéance. Le salut ne peut provenir de ces gouvernements « d’union nationale » dans lesquels tout est amalgamé où l’on y défend une chose et son contraire. Des gouvernements dont l’objectif ultime est la prédation. Le salut ne viendra pas non plus de la puissance de l’argent ou des armes ; les deux imposent les intérêts de ceux qui les possèdent, jamais les valeurs de liberté et de dignité. Le salut viendra des citoyens qui lutteront ensembles pour leurs droits individuels et collectifs de façon pacifique, intelligente, vigilante et permanenteiii. C’est Mandela qui écrit ceci : « (…) the breakthrough is never the result of individual effort. It is always a collective effort and triumph”.iv
Traduction libre : “(…) la réussite n’est jamais le fruit d’un effort individuel. Elle est toujours le fruit d’un effort collectif. »
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i Lire l’interview de Gilles Yabi, {Mali : militariser la société n’est pas une solution}, in www.slateafrique.com
ii Larcher, L., {Au Ghana, l’élection présidentielle est contestée par l’opposition}, in www.La-Croix.com
iii Krumova, K., {Des Elections truquées pour une démocratie fragile en Afrique}, in www.epochtimes.fr
iv Mandela, N., Conversations with Myself, New York, Picador, 2010, p. 330