Chaque « Mbakazi », personne chargée du convoiement des marchandises entre Uvira et Bujumbura, travaille pour une « Mabuja » (patronne) qui réceptionne sa marchandise dans la capitale burundaise. Les « Mbakazi » n’ont souvent pas d’autres sources de revenus.
<doc4618|left>Elles sont plus de 300 femmes recensées à l’Association des Femmes sans soutien, chargées du convoiement des marchandises entre Uvira et Bujumbura. Les « Mbakazi » (donne-moi un job en langue shi ou mashi), est l’un des surnoms collés à ces femmes. Celles-ci cherchent effectivement du travail dans la cité de Mulongwe, et souvent avec agressivité. Réveillées tôt le matin, elles se pointent aussitôt au coin de l’avenue Kalehe. C’est ici qu’elles commencent une harassante journée de travail qui ne connaît de repos que le soir venu.
Au niveau de l’avenue Kelehe, les « Mbakazi » accueillent, harcèlent voire engueulent l’un ou l’autre grand commerçants auprès duquel elles sollicitent du boulot.tre collègues qui se disputent le marché. Cette attitude s’observe même entre collègues qui se disputent le marché. Etant de simples intermédiaires, ces femmes veillent sur la bonne traversée du colis, d’une frontière à l’autre. Les tissus wax, friandises, et autres produits manufacturés échangés entre le Burundi et la RDC par Gatumba, qu’elles escortent, appartiennent à des tierces personnes. De grands commerçants recrutent les « Mbakazi » de leur choix au niveau de cette avenue.
Au jugé, ou selon des facteurs qui ne sont guère faciles à discerner, la «Mabuja » (patronne en kirundi) choisit sa « Mbakazi ». Et, une fois ce choix opéré, la quantité des produits à escorter est déterminé par la « Mbakazi ». La « Mabuja » se rend ensuite à Bujumbura. C’est là qu’en principe elle attend son colis confié à cette personne de confiance.
Une piste d’obstacles
Qu’elles sont téméraires ces femmes qui n’hésitent pas à jouer au chat et à la souris, avec le fisc et autres administrations. Dès qu’elle a arraché son marché, par bravoure parfois, la « Mbakazi » se lance dans un parcours du combattant. Aussitôt sa marchandise complaisamment déclarée à la douane de son pays, la Congolaise se confie à un collègue Burundais. Ce dernier est un autre maillon la chaîne. Dans la brousse, à travers des pistes à rats, il coltine le colis jusqu’à Gatumba, à l’abri de la vigilance de l’autre administration douanière et autres services intéressés.
Si la quantité apportée n’exige pas le service de ce Burundais ou par témérité, la « Mbakazi » n’hésite pas de se lancer dans l’aventure. Elle s’enroule de ces tissus neufs aux mollets, hanche et abdomen. Et comme un robot, elle va à l’assaut des postes administratifs. Sans trop de difficultés, elle franchit la douane dont l’accès lui est assuré par sa carte de membre de leur association. Mais sa bête noire est Office burundais des Recettes (OBR). Ce service a déjà ruiné plus d’une de ces commerçantes : sa tarification et ses méthodes d’actions demeurent sujettes à caution pour cette catégorie d’opérateurs économiques. Ceux-ci relèvent notamment la taxation flottante et exorbitante qui frise l’arbitraire.
Pour une pièce achetée à 10$ en RDC, se plaignent ces femmes, l’OBR taxe facilement 28.000 Fbu ; soit 20$ au taux actuel de 140 Fbu, le dollar. « Pire encore, ce tarif n’est pas connu d’avance ni maîtrisé », poursuivent-elles.
Tant que je n’ai pas encore franchi la barrière de ce service (OBR), confie Mama Mapasa, je ne suis pas sûre de toucher les 40.000 Fbu de Mabuja. Ce montant est la prime que perçoit la convoyeuse, pour 20 pièces wax livrées à la propriétaire, à Bujumbura », rapporte notre source. Mama Mapasa précise, cependant, qu’une convention tacite entre parties (Mbakazi-Mabuja) réglemente les tarifs de ce trafic. Et tout le monde semble satisfait.
Ce métier, apparemment réservé aux femmes mûres, rapporte. Pas gros, certes, mais assez pour maintenir le foyer à flot. Plusieurs « Mbakazi » sont grands-mères, responsables au foyer et parfois avec filles-mères et enfants scolarisés à leur charge. Veuves ou mariée à un chômeur, elles s’en sortent, tant bien que mal, grâce à cette activité. Cette dernière est leur seule source de revenu.