Vendredi 25 octobre 2024

Société

Le trafic des mineurs burundais : un enfer terrestre en Tanzanie

Le trafic des mineurs burundais : un enfer terrestre en Tanzanie
Des miraculeux de retour au pays

Des réseaux inconnus organisent des déplacements d’enfants mineurs burundais vers la Tanzanie. Ceux-ci sont contraints de travailler dans des conditions inhumaines. Exploités dans des chantiers et des champs, ces enfants ne sont pas scolarisés et sont exposés aux abus dans l’indifférence générale.

Depuis des années, des enfants mineurs sont exploités en Tanzanie comme main-d’œuvre bon marché. Conduits par des réseaux criminels non identifiés, ils sont souvent âgés de 12 à 16 ans.

Ils quittent leurs familles et délaissent le système éducatif. Piégés par des promesses de travail rémunérateur, ils sont confrontés à une réalité bien plus sombre : travail épuisant dans les champs ou les chantiers, salaires minimes voire inexistants, violences physiques et émotionnelles.

Un jeune, victime, originaire de la colline Runyoni, commune Musongati en province de Rutana, est parti à l’âge de 12 ans. « Mes parents n’étaient pas en mesure de payer ma scolarité. J’ai dû partir malgré mon âge », confie-t-il.

Ces enfants sont piégés de manière cruelle. Ils sont attirés par des trafiquants venant de Tanzanie qui leur promettent des opportunités. Le jeune raconte le calvaire que vivent ces enfants.

« Un homme est venu et m’a dit que là-bas, on pourrait gagner de l’argent pour aider nos familles », ajoute-t-il. « On signait des contrats de 8 mois à un an, appelés Mkataba. On vivait dans de mauvaises conditions, sans nourriture suffisante ni eau potable, juste la pâte de maïs toujours. On dormait à même le sol dans les champs où nos patrons avaient construit des tentes. Le patron nous battait si l’on se plaignait ou si l’on travaillait lentement ».

Les parents interpellés

La Solidarité de la Jeunesse pour la Paix et l’Enfance, SOJPAE en sigle, reconnaît que la traite des enfants est un problème. « Les garçons travaillent dans des champs de tabac et dans l’élevage en Tanzanie, alors que c’est une jeunesse qui a encore besoin d’être éduquée et instruite ». Comble du malheur, poursuit-il, arrivés là-bas, ils subissent beaucoup de tortures comme la confiscation de leurs documents de voyage pour qu’ils ne s’échappent pas à leurs employeurs, qui ne paient rien.

« Quand ils parviennent à s’échapper, ils sont blessés ou meurent en cours de route ; d’autres se retrouvent emprisonnés faute de pièces d’identité », explique David Ninganza, un des dirigeants de la SOJPAE. Il cite le recrutement de ces jeunes par des gens de la même communauté comme la racine de ces maux.

C’est pour cette raison qu’il interpelle les responsables administratifs à travailler sur cette problématique et conseille aux parents de ne pas se laisser duper par d’autres parents malveillants qui n’envoient pas leurs propres enfants. Un appel est également lancé aux services de renseignement aux frontières pour qu’ils soient plus vigilants.

L’Association pour la Formation des Enfants et la Protection des Vulnérables (AFEPV) affirme que ce trafic des mineurs burundais vers la Tanzanie constitue une violation flagrante des droits de l’enfant et soulève des inquiétudes majeures sur la sécurité et le bien-être de ces enfants vulnérables.

Olivier Gacuti, le coordinateur des programmes à l’AFEPV s’est exprimé sur la question : « Ces jeunes, souvent issus de milieux défavorisés, sont exposés à des conditions de vie inhumaines, incluant des travaux épuisants, l’absence de salaire, et une nutrition insuffisante ».

Plusieurs actions doivent être envisagées pour lutter contre cette traite. Citons, entre autres, la sensibilisation et l’éducation en informant les communautés locales sur les dangers du trafic et les droits des enfants ; le renforcement des lois grâce à la collaboration entre les deux États, le Burundi et la Tanzanie ; la mise en place de structures d’accueil pour les enfants secourus ou qui s’échappent des réseaux de trafic.

Cela inclut un accès à des soins médicaux, un soutien psychologique, et une réinsertion sociale ainsi qu’une réunification familiale. Il nous faut aussi investir dans des programmes offrant des alternatives viables aux familles vulnérables.

Une lutte qui engage tout le monde

Selon Ferdinand Simbaruhije, porte-parole de la FENADEB (Fédération Nationale des Associations Engagées dans le domaine de l’Enfance au Burundi), le phénomène de traite d’enfants prend de plus en plus une ampleur inquiétante.

À titre indicatif, au cours des trois derniers mois, la fédération dont il est porte-parole a enregistré 109 enfants expulsés de Tanzanie et 182 enfants retournés d’eux-mêmes au Burundi.
« La Tanzanie n’est pas la seule destination. Les autres pays frontaliers du Burundi constituent également des cibles pour ces enfants, mais la Tanzanie reçoit beaucoup d’enfants », souligne-t-il.

Il poursuit en disant que non seulement l’enfant vendu et exploité perd son instruction et sa famille, mais aussi ses droits sont bafoués. Bien que le Burundi dispose de législations visant à lutter contre la traite, ces textes ne sont pas appliqués, une triste réalité.

Le trafic des enfants n’est pas un phénomène nouveau

La pauvreté au sein des familles, le manque de respect des lois par certains prestataires, la faible implication de la communauté, l’insuffisance des services sociaux de base et le manque d’équipement des services existants sont des facteurs favorisant cette exploitation des mineurs.

Face à ce fléau, la fédération recommande le renforcement de l’application des lois existantes par le gouvernement burundais, la mise en place de programmes de lutte contre la pauvreté pour les familles pauvres, l’engagement des communautés, et la surveillance des frontières pour que les enfants ne partent pas.

Lorsque la question fut soulevée lors de l’émission publique tenue le vendredi 11 octobre 2024 à Bururi, Pierre Nkurikiye, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, a été formel : « Le problème des enfants qui sont conduits dans les pays limitrophes, surtout en Tanzanie ou d’autres pays, dans le but de leur trouver un emploi ne date pas d’hier. C’est une réalité qui existe depuis des lustres. C’est un délit. Le trafic des êtres humains est puni par la loi ».

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