Les pouvoirs publics accusent les médias libres d’envenimer la situation au Burundi. Pour Athanase Karayenga, expert en journalisme, c’est un comportement normal qui prouve le pouvoir des médias.
Pourquoi cet acharnement du pouvoir contre les médias?
C’est une tactique vieille comme le monde. Il est tellement plus facile de s’en prendre au porteur de mauvaises nouvelles plutôt qu’aux responsables des faits incriminés. En fait, accuser les médias burundais, c’est leur faire le compliment qu’ils sont devenus importants, influents et incontournables puisqu’ils influencent considérablement l’opinion publique. Les médias sont le quatrième pouvoir, selon la formule consacrée. Il faut assumer ce pouvoir et l’exercer sans honte, sans culpabilité mais avec un grand sens de la responsabilité, en respectant les règles de l’éthique et de la déontologie des médias. Si les médias burundais respectent ces règles, ces accusations n’auront aucune conséquence fâcheuse. Il faut les ignorer superbement.
Est-ce une simple coïncidence si nous sommes dans une période électorale?
Oui et non. Il est vrai que les esprits s’échauffent un peu plus pendant les périodes électorales. Mais il existe une constante dans la relation complexe entre les pouvoirs publics et les médias libres. Les premiers exercent un pouvoir légitime conféré par le vote des citoyens et les autres exercent, au nom de ces mêmes citoyens, une liberté essentielle relevant des droits humains fondamentaux. Ces deux pouvoirs sont souvent en opposition et même en contradiction. Les gouvernants n’acceptent pas que les médias soient porteurs de contestation, de remise en cause de leurs actions. Cette confrontation permanente entre les deux pouvoirs est saine et les conflits qu’elles provoquent peuvent trouver des solutions dans le dialogue et le respect mutuel.
Quelles sont les conséquences probables d’un tel acharnement?
Il ne faut pas s’en alarmer ni singulariser cette confrontation. Si les pouvoir publics burundais ne vont pas jusqu’à interdire les médias libres, cette confrontation restera profitable au citoyen burundais. En effet, celui-ci peut comparer les points de vue présentés par les médias gouvernementaux et ceux proposés par les médias libres. Le citoyen burundais peut ainsi se faire une opinion équilibrée sur la gestion de la République.
Quelle doit-être la réaction des médias face à cette position du pouvoir?
Surtout garder le calme et doubler de vigilance afin que l’éthique et la déontologie des médias soient scrupuleusement respectées. En outre, pour renforcer la crédibilité et la légitimité des médias libres burundais, il faudrait que ceux-ci se dégagent du piège du fait divers même dramatique, de l’anecdote croustillante, des déclarations polémiques entre acteurs politiques plus ou moins talentueux. Il serait urgent, en effet, que les médias libres développent un journalisme de paix et d’investigation en profondeur. De paix pour ne pas relayer systématiquement la violence verbale ou physique des uns et des autres. D’investigation en profondeur pour identifier et éclairer les véritables enjeux et défis de la société burundaise.
@Kirahinda Joseph,
Manier l’information avec précaution veut dire quoi? Mr KARAYENGA dit que le harcèlement des médias (ce que fait sans cesse le pouvoir CNDD-FDD) est une tactique vielle comme le monde… ! Il insiste sur le fait de vaincre la peur et de travailler de façon professionnelle déontologique en respectant l’éthique journalistique….Que voulez-vous encore mais surtout, que proposez-vous à la place…. ! Tomora tumenye aho uhagaze… !
Concernant ce qui s’est passé en 1972, vous êtes très impartial…Savez-vous que la personne qui vous écris, d’ethnie Tutsi, a perdu plus de 18 cousins, ses oncles, son pères et plusieurs autres membres de sa famille dans la maudite nuit du 29 au 30 Avril 1972 ? Manier aussi le mensonge avec prudence. La vérité de 1972 devrait être recherchée par la Commission Vérité et Réconciliations mais le pouvoir Hutu du CNDD-FDD traine les pieds à la mettre en place pour des raisons qui lui sont propres… !
@KARABAGEGA Etienne.
1. Honneur à l’expert Athanase: ce qu’il a dit est correct et équilibré. Si l’information donnée est le fruit d’une investigation et non des rumeurs de la rue, elle est salutaire et elle est un ingrédient nécessaire dans la démocratie.
2. Mais le titre de l’article était : « Le syndrome du mauvais messager »; et dans mon intervention je soulignais que le MESSAGE n’est jamais neutre, qu’il peut faire des ravages dans les masses, et j’ai donné quelques exemples: victimes au Burundi, victimes au Rwanda, la meme arme: la radio.
Il y a « syndrome du mauvais messager », quand on s’en prend à l’instrument porteur du mauvais message dont il n’est pas responsable (tuer la poule qui a chanté, lapider le hibou qui annonce la mort, éteindre la radio, changer de canal à la TV…): d’habitude, on le fait parce qu’on ne peut pas atteindre l’émetteur, auteur du message. Mais dans le cas burudais, le MESSAGER (ici, jounaliste) est non seulement celui qui porte le message, mais surtout celui qui le produit. Il ne peut pas se considérer tout simplement comme un présage inconscient (imburizi), mais il doit assumer sa responsabilité et s’interroger sur l’impact que son message provoque sur celui qui le reçoit. Outre le message, en effet, meme le MESSAGER (entendu ici comme l’émetteur) n’est jamais neutre: on communique toujours pour arriver à un objectif, et le message d’une façon ou d’une autre transforme celui qui le reçoit (le récepteur). Exemple: le professeur (Emetteur) qui enseigne à ses élèves (Récepteurs) la science (Message), qui deviennent alors Ingénieurs. Un message différent peut transformer les memes en bandits. D’après ce que je lis, il y a des professeurs qui ont incité les étudiants de l’UB au massacre de leurs condisciples (1995).
A la question de savoir si les médias peuvent provoquer une psychose de peur dans la population, je réponds: OUI; parce que je l’ai dejà vécu. Et c’est normal que les gouvernants s’en alarment, puisqu’ils ont la charge d’assurer la sécurité de la population. Quel Directeur d’Ecole reste serein quand, à cause d’une rumeur,les élèves fuient en masse l’établissement ?
Pour ce qui est de 1972 et 1993, je ne voulais pas entrer dans la complexe globalité des événements sanglants qui nous ont tous endeuillés, mais relever la part non négligeable des médias. En plus, lisez bien, j’ai parlé de génocide, et non de Hutu et de Tutsi, conscient que c’est tout un peuple qui est tombé en faillite. Mes professeurs étaient très sévères sur les HS (hors sujets) dans les dissertations.
3. Maintenant, un petit exercice : Si votre femme vous a dit qu’elle allait au marché, et que une heure plus tard un ami de passage vous dit : « je viens de voir votre femme au Club du Lac Tanganyika avec un homme… » et il s’en va. Resterez-vous neutre ? Quelles réactions le message suscitera en vous ? Vous pouvez tout de suite vous préparer à la guerre en famille, ou bien vous allez d’abord vérifier l’information:il se peut que ce ne soit pas votre femme mais une qui lui ressemble … Et si une radio dit qu’il y a des hommes aux longs manteaux qui circulent avec des couteaux dans les contreforts de Bujumbura… je suppose qu’une photo de ces gens est indispensable. Quand nous étions enfants, les adultes nous terrorisaient avec l’histoire d’un monstre (igisizimwe) ayant une jambe, un oeil et une corne, qui circulait et dévorait les gens… Beaucoup de burundais sont encore convaincus qu’au Buyogoma il y a des personnes qui volent sur les vans! Avec cette technologie, le Burundi deviendrait une puissance mondiale. Pour y croire, j’ai dit: que quelqu’un m’amène une photo ! VERIFIER, VERIFIER, VERIFIER, puis INFORMER.
@KIRAHINDA Joseph,
La meilleure façon de communiquer c’est être bref, concis et précis..Vous écrivez un roman et il est très difficle de suivre. Oui ou non, le pouvoir DD harcèle les médias de façon générale? Quel est le rôle de la Radio Rema FM, la honte des média burundais???
Komera Bwana Athanase Karayenga. Uvuga ukuri mugabo nta gutinya kuvuga ivy’abategetsi bahuruduka mu gutangaza ibinyoma canke bama bariko barivuguruza mu majambo yabo. Mbega wotwibutsa ya makuru ateye ubwoba Nkurunziza yaguhera mu Kirundo sur http://www.kirimba.org en 2004 ku kugene bagenzi biwe bihaye inkumbi mu kunigagura abaminuje barenga 60 babahora gusa kutavuka i Bururi? Uzotubere icabona igihe intahe y’ivyaha bikomeye yashashe kuko yabikubwiye ku mugaragaro, ashirako n’indahiro ngo ivyavuze ni » ukuri kw’Imana musumba vyose ».
Monsieur Karayenga,
Je vous remercie pour votre analyse.
Nous avons besoin des médias burundais qui respectent les règles de l’éthique et de la déontologie . ..
C’est tout!
Voici un homme digne de son nom, voici un homme mur avec tout qu’il faut, pour vous rappeler à vous apprentis journalistes et politiciens mal intentionnées de bien voir clairement ce que vous devriez faire sans entre en confrontation inutile. MERCI BCP POUR L’ANALYSE ET CONSEILLES MONSIEUR ATHANASE
L’information n’est jamais neutre, elle constitue souvent meme une arme redoutable. Pour ceux qui étaient grands à l’époque, ils savent comment la radio nationale du Burundi a joué un role prépondérant dans le genocide de 1972, en transformant de simples et honnetes citoyens en criminels à exécuter; la Radio Mille Colline dans le genocide de 1994 au Rwanda, et la voix du Dr Minani sur Radio Kigali, dans la résistance populaire contre les putschistes de 1993 au Burundi. Moi aussi j’ai étudié les médias, et je m’étonne que cet expert ne soit pas au courant du pouvoir de manipulation, de conditionnement des médias vis à vis des masses. Il suffirait de citer seulement la publicité, qui incite à consommer un produit plutot qu’un autre. Les radios ont été utilisées pendant les guerres pour saper le moral des adversaires (par exemple RFI pour le FPR et contre Habyarimana en 1994)… Oui messieurs les journalistes, l’information est une arme, à double tranchant. C’est pour cela qu’il faut la manier avec précaution.
Mr. Karayenga arababwiye. Ni mwikosore muhebe le sensansionalisme.
Si j’ai bien compris, d’une part, les médias ont le droit et le devoir d’informer la population avec une information équilibrée provenant de sources variées et rigoureusement vérifiées (sic!)!… Et le gouvernement les accuse de s’en prendre à lui en propageant des rumeurs et des mensonges!…
D’une autre part, on a un gouvernement qui prend des dispositions pour démontrer à cette même population et aux autres partenaires politiques et/ou économiques que ce quebles médias diffusent est loin de la réalité!… Et les médias accusent le gouvernement de les attaquer!…
Je ne vois rien de malsain là!… Hé! Vous ne voulez quand même pas que le gouvernement croise les bras et vous laissent ternir son image?… Sans qu’il réagisse!…
Si vous voulez que le gouvernement accepte les critiques, ne croyez-vous pas qu’il serait juste qu’on demande la même chose de votre part?… Pourquou alors l’accusez-vous de vouloir vous faire la même chose que vous lui faites?
«Gusubiriza mu ndumane!»… Une pratique à envourager, sauf quand il s’agit d’un crime, auquel cas c’est à la justice de s’en charger! Çela permet de ré-« fléchir » avant d’agir! Et cela manque cruellement!
Jusqu’à preuve du contraire, les media sont le premier pouvoir. Les dirigeants du monde entier,qu’ils soient politiques ou autres savent que rien marche sans ces fabricants d’opinions.
Ce ne sont pas les médias qui commettent des actes criminels. Il est criminel de minimiser les crimes commis et d´accuser les médias d´empirer la situation en informant la population de la réalité des faits.
Merci Mr Karayenga pour votre analyse! Et bon courage a nos indomptables journalistes et autres professionels des medias au Burundi.
L’analyse de M. Karayenga est juste et équilibrée. Cependant, je ne suis pas d’accord avec lui quand il parle de médias « gouvernementaux ». À ce que je sache, le gouvernement CNDD-FDD n’est pas propriétaire de la RTNB ni du Renouveau…Ces derniers sont des médias appartenant à l’État burundais, donc, propriétés de tous les Burundais. Et les journalistes qui y travaillent devraient toujours avoir à l’esprit qu’ils informent l’opinion publique, au nom de tous les citoyens burundais et non du pouvoir politique en place. Les gouvernements passent mais pas l’État. Bonne compréhension!