Les cas d’intolérance politique s’observent de plus en plus dans les provinces du sud du pays. Les partis de l’opposition sont visés. L’administration est parfois accusée de ne rien faire pour décanter la situation. Cette dernière parle d’une bonne cohabitation entre les partis politiques.
«En province Rumonge, nous pouvons affirmer que la tolérance politique tant chantée est un leurre», indique les militants du Congrès national pour la liberté (CNL). D’après eux, certains de leurs camarades croupissent en prison, d’autres sont tabassés ou arrêtés sans raisons, des permanences sont vandalisées, etc.
«La semaine passée, notre permanence a été induite de la bouse de vache par des personnes non identifiées. Nous avons imploré les autorités à faire des enquêtes mais elles n’ont rien fait», déplorent les membres du CNL. D’après des informations recueillies, cet incident s’est déroulé, le 28 juin dernier, sur la colline Buringa de la commune Muhuta en province Rumonge. «Le comble de malheur, un mur de cette permanence a été détruit le lendemain».
Dans la zone de Kigwena de la commune Rumonge, le chef de zone a pris la décision d’interdire les militants du CNL de peindre leur permanence aux couleurs du parti. Ce que confirme l’administrateur de la commune Rumonge, Célestin Nitanga. Il fait savoir que le parti CNL avait violé la loi. «Je n’étais pas au courant. Ils n’avaient pas demandé l’autorisation. J’attendais que le parti m’avise par lettre». Selon l’administrateur communal, la lettre a été déposée le mardi 9 juillet et il assure avoir donné son accord. Les militants du CNL indiquent qu’ils avaient informé le chef de zone Kigwena.
Des opposants emprisonnés
D’après les militants du CNL, trois militants à savoir Etienne Sindayikengera, Pierre Claver Nshimirimana et Léonidas Ndihokubwayo, originaires de la zone Busenge en commune Muhuta, sont incarcérés à la Brigade de Rumonge. Selon les témoignages recueillis, ces militants du CNL ont été attaqués à leurs domiciles par des Imbonerakure alors qu’ils revenaient des festivités de l’inauguration de la permanence provinciale.
Il y a eu des échauffourées alors que les Imbonerakure voulaient prendre les chapeaux du parti à ces Inyankamugayo. «Ce qui est étonnant, seuls nos militants ont été arrêtés. C’est une politique de deux poids deux mesures».
Israël Hatungimana et Adrien Ngenziminwe sont incarcérés dans la prison de Murembwe. D’après les militants du CNL, ils ont été arrêtés le lendemain de l’inauguration de la permanence alors qu’ils rendaient visite à un autre militant tabassé la veille. «Ils ont été accusés de vouloir attaquer le centre de santé de Kizuka où était hospitalisé la victime». Sur ce cas, les militants du CNL saluent l’action du commissaire provincial de la police qui a transporté le malade à l’hôpital au chef-lieu de la province. «Toutefois, il aurait fallu qu’il aille plus loin en emprisonnant ceux qui avaient tabassé notre militant. Ce qui est étonnant, il a plutôt emprisonné nos deux militants».
Bururi n’est pas épargné
A Bururi, un instituteur et un membre du Conseil communal de Rutovu et membres du Congrès National pour la liberté (CNL) sont écroués à la prison de Bururi.
Il s’agit de Felix Nduwimana, alias Ngeringeri, membre du Conseil communal et président du CNL dans cette commune de Rutovu arrêté le 29 juin.
Selon un des responsables du parti CNL à Bururi, ce dernier a été arrêté sur avis de recherche. Après quelques jours au commissariat de police, le 2 juillet, il a été finalement entendu par le Procureur. « On l’accuse d’avoir appelé, lors d’une réunion du CNL du 16 juin, la population de ne pas voter pour le parti au pouvoir en 2020. On l’implique aussi dans une histoire de grenade retrouvée à Kinyonzo. Ce jour-là, il était à son domicile à Kivoga en province Rutana».
Idem pour Torade Batungwanayo, enseignant au Lycée communal Kajabure et militant du CNL. Selon lui, ce dernier a été arrêté le 5 juillet, par des jeunes militants du parti au pouvoir, sur son chemin de retour du travail. « On l’a accusé de tenir une réunion illégale.» Son téléphone et une somme de 8700BIF lui ont été volés. Deux semaines et trois jours après, raconte-t-il, il a été entendu par le procureur de la République à Bururi. « La décision a été de l’envoyer en prison à Bururi », déplore-t-il.
Les responsables du parti CNL pointent du doigt le gouverneur de Bururi d’être derrière ces arrestations. « Il n’y a aucun problème entre les militants des différents partis politiques. Seulement, notre gouverneur ne facilite pas la tâche à notre parti.» Il évoque par exemple le cas de Jean Nahimana, un jeune du parti CNL qui devait participer, durant trois jours, dans une formation organisée par Burundi leadership training program (BLTP).
D’après ces responsables, le 8 juillet, à son arrivée à l’Hôtel Phoenicia, Jean Nahimana a été pointé du doigt par le gouverneur d’avoir organisé les manifestations de 2015 à Bururi. Ce que rejette ce jeune militant du CNL : « Seulement, depuis la campagne pour le référendum, le gouverneur ne tolère pas ma présence à Bururi.» Pour sauver sa peau, M. Nahimana a dû abandonner cette formation.
«La cohabitation entre les partis est excellente»
«Le parti Cndd-Fdd cohabite pacifiquement avec les autres partis politiques», indique l’administrateur de la commune Rumonge. De plus, poursuit-il, l’administration de la commune Rumonge a de bonnes relations avec tous les partis politiques. Selon lui, il n’y a aucune entrave pour organiser une réunion et les responsables des partis sont au courant qu’il faut aviser l’administration une semaine avant la tenue de la réunion. «Nous essayons alors de voir s’il n’y a pas une réunion d’un autre parti afin d’éviter toute confrontation».
Célestin Nitanga rappelle aux partis politiques qu’il est interdit d’implanter une permanence tout près des marchés ou des églises. «Parfois, le CNL met sa permanence tout près du marché. Du coup, ils organisent des réunions le jour du marché et ils se mettent à mobiliser ceux qui le fréquentent. On ne peut pas tolérer cela». Et de donner l’exemple de la colline Mugara. «Ils ont demandé d’installer leur permanence tout près du marché. Je viens de refuser».
Contacté, Frédéric Niyonzima, le gouverneur de Bururi, rejette toutes les allégations formulées contre lui. Il trouve étonnant de voir que toute personne coupable d’une infraction se cache derrière un parti politique pour se justifier. « Que ces politiciens se conforment à la loi. En ce qui est des emprisonnements, même les membres du Cndd-Fdd ne sont pas épargnés quand ils sont fautifs. Qu’on ne cherche pas des boucs-émissaires. »
Réagissant sur le cas de M. Barutwanayo, il indique que cet instituteur a été attrapé en train d’enseigner le parti aux élèves. En ce qui est de l’organisation des réunions, il leur rappelle que les affaires administratives se traitent par écrit. « Les partis politiques ne nous demandent pas de permission, ils informent par écrit. Et si les conditions sécuritaires sont réunies, ils reçoivent notre accord ».
S’adressant spécifiquement aux membres du CNL, il leur demande d’être fiers d’eux-mêmes. « Pourquoi ne veulent-ils pas révéler l’identité de leurs représentants ? Il faut qu’on se donne même des contacts téléphoniques. »
Pour le cas de Jean Nahimana, il se garde de tout commentaire. Avant de glisser : « S’il a réellement organisé l’insurrection de 2015, il est dangereux à la société. Qu’il vienne répondre à la justice. S’il est innocent, il n’y a rien à s’inquiéter.»
De façon globale, Frédéric Niyonzima affirme qu’à Bururi, il n’y a pas de maison qui brûle : « La cohabitation entre les partis politiques est bonne et leurs activités se passent sans problème.»
Fabrice Manirakiza
Rénovat Ndabashinze