Un climat d’incompréhension règne entre la Chambre Sectorielle de l’Hôtellerie et du Tourisme du Burundi (HTB) et l’Office Burundais des Recettes (OBR). Le premier accuse le second de procéder à la collecte d’une taxe hôtelière et touristique alors que, dit-il, le gouvernement n’a pas encore mis en place des textes d’application de la Loi du 11 juillet 2008 portant réinstauration de la taxe hôtelière et touristique. Une Loi que l’OBR juge claire et qu’il brandit pour réclamer des millions de Fbu d’arriérés à certaines entreprises touristiques du pays.
<doc2645|right>« Conformément aux dispositions de la loi n° 1/10 du 11 juillet 2008, nous avons l’honneur de vous informer que vous n’avez ni déclaré ni payé la Taxe Touristique et Hôtelière relative à vos revenus des exercices 2008, 2009 et 2010 », mentionne l’OBR dans une notification partielle Taxe touristique et hôtelière adressée à un des hôtels de Bujumbura, le 14 décembre 2011. L’Office réclame, notamment une taxe à payer de 10.572.393 Fbu.
Sept jours plus tard, plusieurs établissements touristiques adressent une correspondance à la Directrice du bureau des petits et moyens contribuables à l’OBR dans laquelle ils s’insurgent contre ces notifications qui selon eux, sont inopportunes: « Si la procédure avait été normale, on aurait été averti par un avis de vérification. On aurait pu montrer et expliquer à vos cadres l’inapplicabilité de cette loi », se justifient-ils en soulignant que les dispositions de cette loi évoquée par l’OBR « ne font à aucun moment allusion au droit de rappel ».
De son côté, HTB ne comprend pas pourquoi l’OBR commence vers la fin de l’année 2011 à collecter cette taxe touristique et hôtelière pourtant réinstaurée le 11 juillet 2008. HTB attire l’attention de l’autorité fiscale que cette Loi n’a jusqu’à ce jour ni de texte d’application ni de formulaires de déclaration pourtant prévus à l’article 5.
Par ailleurs, constate HTB, la Loi en question revêt des contradictions qui l’ont rendue inapplicable. L’article 5 de cette loi, explique HTB, précise que la taxe touristique et hôtelière est déclarée mensuellement sur un formulaire délivré par l’Administration Fiscale. Cette même disposition ajoute que la base taxable est le chiffre d’affaires hors tous impôts et taxes. HTB s’interroge : « Comment une déclaration mensuelle serait possible lorsqu’on sait que certains impôts et taxes sont établis et déclarés annuellement ? »
Pour toutes ces raisons, HTB demande à l’OBR de reconsidérer les notifications adressées à certains opérateurs économiques du secteur, invoque Pierre Claver Hakizindavyi, Président de HTB.
Appliquer la loi, rien que la loi
Pourtant l’OBR signe et persiste en démontrant que la loi n°1/10 du 11 juillet 2008 (entièrement élaborée en Kirundi, Ndlr) est toujours en vigueur dans toute sa rigueur : « L’article 3 de cette loi précise la base taxable. L’article 4 parle du taux de cette taxe (5% des recettes nettes) et l’article 5 mentionne la période de déclaration », explique Nimenya Nicodème, commissaire des Taxes internes et des recettes non fiscales à l’OBR.
Selon lui, même une note , du 31 juillet 2011, du bureau chargé des questions économiques à la présidence du Burundi, sur les projets de textes portant réglementation du secteur du tourisme et l’hôtellerie conclut en faveur de la mise en application de cette loi, visiblement interprétée différemment par les deux parties : « Il serait impérieux de sursoir à l’analyse et à la mise en application de ces projets de texte, en attendant que certaines préalables soient mises en œuvre comme l’harmonisation, la recherche du Fonds de compensation des recettes budgétaires attendues du secteur touristique », indique cette correspondance.
Ainsi, M. Nimenya Nicodème rappelle que tant qu’il n’existe pas une autre loi qui abroge celle du 11 juillet 2008, l’OBR continuera à percevoir cette taxe : « Notre mission est d’appliquer la politique fiscale du gouvernement du Burundi et non pas celle de la concevoir », souligne-t-il en expliquant que même le budget général de l’Etat compte sur cette taxe pour arrondir ses recettes. De fait, à titre d’exemple, en 2010, la taxe (en Fbu) sur le chiffre d’affaire des entreprises touristiques et hôtelières était de 577 800 000. En 2011, elle est de 681 126 200 et elle est prévue en 2012 à hauteur de 737 585 209 : « Ce serait faillir à notre mission si l’OBR ne collecte pas cette argent longtemps prévu par l’Etat à travers son budget voté par le Parlement», fait-il remarquer.
Vers une solution durable du problème ?
La problématique de la taxation du secteur touristique a attiré l’attention du Gouvernement du Burundi à plusieurs reprises. En effet, lors de l’analyse d’une note synthèse sur le régime de taxation du secteur touristique présentée en Conseil des Ministres du 29/10/2009, le Conseil a reconnu que « le secteur touristique était surtaxé alors que le Gouvernement a inscrit dans ses priorités la promotion du tourisme. C’est pourquoi, il faut un système de taxation à même de rendre le secteur attractif ».
Les 19-20 octobre 2011, le Conseil des Ministres a analysé quatre projets de textes notamment le projet de Loi portant suppression de la taxe hôtelière et touristique. Le Conseil a recommandé une concertation entre le Ministère du Commerce, de l’Industrie, des Postes et du Tourisme et celui des Finances sous la facilitation de la deuxième vice-présidence de la République pour finaliser les projets de textes.
Sur base d’un rapport produit par une équipe mise en place, le 22 décembre 2011, le Conseil des Ministres a adopté les quatre textes en rapport avec la taxation du secteur touristique dont le projet de Loi portant suppression de la taxe hôtelière et touristique. Trois ordonnances ont été signées le 30/12/2011 par les autorités concernées tandis que le projet de Loi est sur le point d’être transmis au Parlement pour adoption.