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Le secret de l’instruction judiciaire ne s’impose pas aux journalistes

05/06/2013 Commentaires fermés sur Le secret de l’instruction judiciaire ne s’impose pas aux journalistes

N’en déplaise au Conseil national de sécurité et à celui de la Communication, les journalistes ont bel et bien le droit de traiter l’actualité relative au massacre de Gatumba. Car le secret de l’instruction pré-juridictionnelle ne s’impose qu’aux magistrats, officiers du Ministère public, greffiers et officiers de la police judiciaire. Par Maître Gérard Ntahe. <doc1568|left>L’instruction pré juridictionnelle est une affaire du personnel judiciaire et non des journalistes. C’est une phase d’instance pendant laquelle le Ministère public constitue un dossier qui réunit les faits, les preuves et les témoignages. La constitution du dossier doit permettre de découvrir si les charges retenues contre une personne sont suffisantes pour le déférer devant une juridiction de jugement. Cette phase préparatoire est secrète, et cela pour deux raisons. Protéger l’inculpé La première est qu’une personne qui fait l’objet d’une instruction judiciaire est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été déclarée par un jugement régulier définitif. Il est alors paru sage au législateur d’interdire que cette poursuite ne fasse la « Une » des journaux. Il est, en effet, à craindre que la publicité de la procédure nuise à l’inculpé, non seulement en cas de renvoi devant les juridictions de jugement en forgeant contre lui des courants d’opinion, mais aussi au cas où un classement sans suite sanctionnerait l’instruction. Car même dans ce dernier cas, l’opinion ne manquerait pas de penser que le classement sans suite n’est pas une preuve d’innocence et que l’inculpation pouvait bien correspondre à quelque fond de vérité, en vertu de l’adage selon lequel « il n’y a pas de fumée sans feu ». La publicité, si elle est admise, porterait donc gravement atteinte à la présomption d’innocence. Permettre l’aboutissement de l’enquête La deuxième raison qui justifie le secret est qu’il permet d’empêcher, entre autres, une pression sur les témoins et les victimes ainsi que sur leur famille, ou des contacts frauduleux entre la personne poursuivie et ses co-auteurs et complices éventuels. La révélation de certains éléments de l’enquête pourrait rendre difficile, voire anéantir son aboutissement. En conséquence, le Code pénal, en son article 393, prévoit et réprime le délit de violation du secret de l’instruction dans les termes suivants : « (….) le fait, pour toute personne qui, du fait de ses fonctions, a connaissance, en application des dispositions du Code de Procédure pénale, des informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit, de les révéler, directement ou indirectement à des personnes susceptibles d’être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission de ces infractions, lorsque cette révélation est de nature à entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité, est puni de trois mois à un an de servitude pénale et d’une amende de cinquante mille à cent mille francs ou d’une de ces peines seulement » Eu égard à tout ce qui s’est dit sur le secret de l’instruction du dossier de Gatumba, la question se pose de savoir à qui il s’impose. Une affaire des professionnels de la justice Le secret de l’enquête et de l’instruction ne s’impose qu’aux personnes qui y concourent. En l’occurrence, il s’agit des magistrats et des officiers du Ministère public, des officiers de la police judiciaire, des greffiers. Ils sont tous soumis à l’obligation du secret pour tout ce que, dans l’exercice de leur profession et de leurs fonctions, ils ont appris à propos de toute affaire qui donne lieu à une enquête policière ou dont l’instruction judiciaire est en cours. En tout état de cause, l’obligation du secret ne s’impose pas aux journalistes. Pas plus que les mis en cause, les parties civiles et les témoins, les journalistes ne sont pas tenus au secret de l’instruction pré juridictionnelle. Car leur mission n’est ni de mener une enquête judiciaire en vue de débusquer les coupables, ni de juger les personnes poursuivies. Les journalistes ne pourraient, à la limite, être poursuivis qu’au chef de complicité ou de recel de violation du secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires. Et le fameux article 11 ? L’article 11 de la loi régissant la presse est souvent invoqué pour dire que le secret de l’enquête judiciaire au stade pré juridictionnel s’impose aux journalistes. Comme le législateur a « oublié » de prévoir une sanction en cas de publication de documents ou d’information y relative, force est de constater qu’il ne s’agit pas d’une infraction, celle-ci supposant, aux termes de l’article 1 du Code pénal, «  une action ou une omission qui se manifeste comme une atteinte à l’ordre social et que la loi sanctionne par une peine. » _____________ { Article 11 de la loi sur la presse « Le droit de diffuser ou de publier des documents ne peut être invoqué si ceux-ci sont en rapport avec : -(…) -(…) -le secret de l’enquête judiciaire au stade pré-juridictionnel »} ______________ Signalons, pour terminer, que c’est la procédure en cours de l’enquête et de l’instruction qui est secrète. Ce qu’il est interdit de divulguer, ce sont seulement les éléments contenus dans le dossier de l’enquête et de l’instruction. Ce que chacun peut librement observer et constater (déplacements et enquêtes sur les lieux de l’infraction, convocation et audition des témoins, arrestation des suspects, reconstitution des crimes) ne fait l’objet d’aucune protection ou restriction légale particulière. De ce fait, il n’est pas interdit aux journalistes d’en rendre compte. Il est superflu de rappeler que conformément aux différents instruments internationaux auxquels le Burundi est partie, à sa constitution et à la loi sur la presse, les journalistes ont le droit de mener leurs propres enquêtes sur n’importe quel sujet, si douloureux soit-il, et de les diffuser sans aucune entrave. La seule chose que leur interdit la loi c’est de porter atteinte aux intérêts légitimes de la société et des tiers dans l’exercice de leur profession. Et ces restrictions doivent être expressément prévues par la loi. Autrement, on verse dans la censure. ___________________ {Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de rechercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit. »}

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