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Politique

Le retard du projet de loi sur la CVR inquiète

27/01/2014 Commentaires fermés sur Le retard du projet de loi sur la CVR inquiète

Depuis le 18 décembre 2012, le projet de loi sur la Commission vérité réconciliation (CVR) est au niveau de l’Assemblée nationale pour analyse et adoption. Des voix s’élèvent pour dénoncer ce retard. Comment interpréter cette lenteur ? Et l’impact sur 2015 ?

Agathon Rwasa, se réclamant toujours président du parti FNL ©Iwacu
Agathon Rwasa, se réclamant toujours président du parti FNL ©Iwacu

« Sûrement que les partis politiques qui sont dans les institutions ne s’entendent pas sur ce projet de loi, du moins sur le contenu. Ils ne s’entendent pas également sur tout le processus de justice transitionnelle », indique François Bizimana, porte-parole du parti Cndd. Il ne doute même pas que ce texte a été envoyé au gouvernement sans que tous les membres du gouvernement aient eu le temps d’en discuter en long et en large. Il évoque un manque de volonté de la part de certaines personnalités. Au moment où les partis présents au gouvernement sont les mêmes à l’Assemblée nationale, le retard de cette loi devient incompréhensible.
Tout en mentionnant qu’une telle loi n’est pas à étudier à la hâte, Agathon Rwasa, se réclamant toujours président du FNL, parle de manque de volonté politique. Il soutient que toutes ces institutions sont dirigées par des politiciens qui, une fois la CVR mise en place, risquent d’être démystifiés : « Ils préfèrent jouer au combat retardataire en espérant que ces mécanismes de justice transitionnelle seront oubliés. Ils mettent en avant leurs intérêts ». Cependant, martèle-t-il, tant que la vérité ne sera pas connue, nous sommes loin de la guérison.

Un projet de loi allant à l’encontre des aspirations populaires

Tatien Sibomana, du courant de réhabilitation du parti Uprona ©Iwacu
Tatien Sibomana, du courant de réhabilitation du parti Uprona ©Iwacu

Insistant sur le projet de loi sur la CVR, Tatien Sibomana, du courant de réhabilitation du parti Uprona, déclare que son contenu ne reflète pas les souhaits de la population lors des consultations populaires de 2009. M. Sibomana souligne qu’au lieu que ce projet de loi passe en l’état, vaut mieux qu’il retourne au gouvernement ou qu’il soit tout simplement oublié. Afin d’arriver aux bons résultats, ce processus doit être conduit suivant l’Accord d’Arusha. Il s’oppose à toute idée de voir une CVR fonctionnant comme la CNTB.

Des intérêts sectaires priment sur l’intérêt général

« Au moment de la prise de décision, les dirigeants doivent comprendre que le pays appartient à tous les Burundais et non à une catégorie », conseille Agathon Rwasa, avant d’ajouter : « Il faut penser à l’avenir. Et ce dernier sera meilleur si nous parvenons à éradiquer tout ce qui a été à l’origine des conflits ».

M.Rwasa demande aux victimes d’avoir l’audace de dire ce qu’elles ont enduré pour éviter l’éternel retour des conflits similaires. Si les uns et les autres ont des inquiétudes sur la mise en place de la CVR, il propose une alternative : « Se mettre ensemble et discuter une autre façon de connaitre la vérité ».

Quid de la justice ? Agathon Rwasa pense qu’il ne s’agira pas d’une justice punitive mais réconciliatrice. Il suggère d’abandonner les accusations mutuelles. Pour guérir, chacun doit assumer sa part de responsabilité et ne pas se comporter comme les gouvernements successifs qui n’ont fait que mettre en avant leurs propres intérêts.

CVR : un processus de longue date

Pour la Plate forme intégrale de la société burundaise (Pisc-Burundi), le retard de la mise en place de la CVR n’incombe pas seulement au pouvoir Cndd-Fdd. Se référant à l’Accord d’Arusha, Samuel Nkengurukiyimana, président du Pisc-Burundi, rappelle que ladite commission devait être mise en place par le gouvernement de transition. Cependant, reconnait-il, même le gouvernement actuel, depuis 2005, n’a pas encore réussi ce pari. Quid des raisons du retard ? M.Nkengurukiyimana indique qu’elle n’est pas la seule commission qui n’est pas encore là. Il signale, par exemple, la réforme judiciaire qui n’est pas encore faite. Concernant les promesses non tenues du président de la République sur la mise en place de la CVR, le président du Pisc-Burundi évoque la notion de faillibilité de tout être humain. Au sujet du « retard de la loi sur la CVR », il trouve que leurs lamentations ne sont pas fondées. Selon lui, il n’y a pas eu d’échéance pour l’étude et l’adoption de ce projet de loi. Le retard a été enregistré au niveau du gouvernement. Samuel Nkengurukiyimana estime qu’il faut laisser le temps nécessaire aux députés. Ce qui est important, conclut-il, c’est d’avoir une loi digne. Des arguments rejetés par François Bizimana qui précise que le président de la République est « une institution et qu’il a fait ces promesses en tant que tel. » Sur d’autres commissions figurant dans l’Accord d’Arusha non encore mises en place, M.Bizimana est clair : « On devrait dépasser ce genre de langage. Un manquement ne justifie en aucun cas un autre. »

La CVR aura des répercussions sur les échéances de 2015

François Bizimana, du parti Cndd indique qu’une fois mise en place, la CVR aura des incidences sur les élections de 2015. L’article VIII du code électoral changera, car il stipule que les politiciens qui ont une amnistie provisoire ont le droit de se faire élire avant la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle. Grâce à leur poids politique, précise-t-il, certains politiciens ne peuvent pas accepter que ce processus avance. Samuel Nkengurukiyimana, de Pisc-Burundi, objecte que la CVR n’aura pas de compétence pour qualifier les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Pour le courant de réhabilitation du parti Uprona, des spéculations électoralistes priment chez certains politiciens. M.Sibomana assure que la mise en place de la CVR est programmée à la veille des élections. Une période défavorable afin de jouer aux prolongations en prétextant que les deux activités sont incompatibles.

L’absence de la CVR influe négativement sur le travail de la CNTB

« Si la Commission Vérité Réconciliation était déjà fonctionnelle, les lamentations d’ici et là sur le travail de la Commission nationale des terres et autres biens n’auraient pas de raison d’être », déclare François Bizimana. Ceux qui ont volé des maisons, des terres… seraient bien identifiés. Même ceux qui se sont appropriés des maisons après avoir massacré les propriétaires seraient connus et punis selon la loi. Pour lui, ce retard constitue un grand handicap pour le travail de la CNTB. La priorité ne devrait pas être donnée à la restitution des maisons, des terres… mais à l’identification des bourreaux.

CVR

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