A Cibitoke les agriculteurs dénoncent des retards dans la fourniture des intrants, ils parlent de baisse de la production. A Kayanza, c’est recours aux stocks avant-saison pour éviter toute surprise désagréable. Les BPEAE se disent préoccupés. La société Fomi promet d’augmenter la production.
Mardi 26 juillet, vers 13 heures sur la colline Murambi, de la commune Buganda, en province de Cibitoke, au bord de la RN5, des cultivateurs de tomates et autres légumes s’activent. Ils sont en train d’arroser leurs cultures, d’autres, procèdent à la pulvérisation afin de lutter contre des parasites qui attaquent leurs vastes champs de tomates.
La grande saison sèche bat son plein et la saison culturale C est déjà entamée. Même si le soleil darde de ses rayons incandescents sur le paysage, les champs sont verdoyants, les cultures sont bien arrosées.
Néanmoins, ces agriculteurs se lamentent contre la distribution des intrants qui n’est jamais distribué régulièrement aux cours de différentes saisons. «Tu peux demander 10 sacs d’intrants de la société Fomi et n’avoir que 5, voire moins que cela », déplore une cultivatrice rencontrée à Murambi dans son champ de tomates.
Elle regrette que suite à cette situation, les agriculteurs se retrouvent obligés d’acheter des intrants agricoles chez des commerçants à un prix très exorbitant. « Pour avoir des engrais en quantité suffisante, c’est un casse-tête ».
Son collègue, Paul Ntwengerabandya confie que pour la saison culturale précédente (B) il avait commandé 29 kilos d’intrants. Mais il n’a pu avoir que 20 kilos à temps. « Les autres sont venus en retard et je les ai vendus aux commerçants ».
Ces cultivateurs font savoir par contre que les commerçants, eux, ne manquent jamais d’intrants agricoles. Un sac d’intrants qui s’achètent normalement à 26 000 BIF s’achète à un prix qui peut aller de 45 000 à 50 000 BIF voire 60 000 pour les intrants de type « Totahaza ».
« Les commandes des intrants arrivent très tardivement. Il faut qu’ils soient disponibles à temps pour qu’on ne travaille pas à parte », souhaite Paul Ntwengerabandya. Il confie qu’il a pu avoir des intrants, mais il reconnaît que c’est par chance.
Une multitude d’autres sont rentrés bredouille le jour de la récupération des intrants de la société Fomi. Les agriculteurs interrogés à Murambi, ne peuvent pas donner une estimation des pertes enregistrées suite au retard des intrants agricoles, mais affirment que les pertes sont réelles. « Ce retard veut s’ajouter à celles causées par les insectes qui attaquent les plantes et le changement climatique. »
Des reçus à la place des intrants
Jeans Berchmans Nkurikiye, agriculteur depuis 2004 et membre de la coopérative Abajamugambi de Rugombo affirme que la production de la saison culturale précédente (B) n’a pas été satisfaisante dans sa coopérative. « La distribution des intrants agricoles ne se fait pas bien », accuse-t-il.
Et de poursuivre : « Imagine-toi, tu as une terre de 3 à 4 ha et on te donne deux sacs de 50 kg. Même si tu es un expert agricole, tu ne peux pas t’en sortir ».
Cet agriculteur, connu à Rugombo, affirme que les agriculteurs enregistrent des pertes énormes à cause de la distribution irrégulière des intrants produits par l’usine de fabrication d’engrais organo-minéraux et de chaux agricole Fomi. « Nous n’avons pas eu des intrants comme nous l’avions prévu dans nos projets agricoles ».
Il fait savoir que faute d’intrants, sa coopérative a récolté 30 à 40 sacs de 110 kg par ha alors qu’il pouvait avoir plus de 60 sacs quand les intrants étaient disponibles à temps.
Les membres de la coopérative « Abajamugambi » déplorent le fait qu’ils n’ont pas les intrants à temps alors qu’ils paient en avance. « Pourquoi, la société Fomi, exige le paiement alors qu’elle ne peut pas répondre à la demande ?», se demande-t-il.
Les agriculteurs interrogés à Cibitoke sont pessimistes même pour la saison culturale suivante (A), les intrants risquent de ne pas être disponibles à temps.
Ils proposent qu’il y ait une agence de la FOMI proche des agriculteurs pour qu’ils puissent s’approvisionner juste après un payement dans une banque communautaire.
Pour la saison précédente, ils font savoir qu’un bon nombre d’agriculteurs n’ont pas eu d’intrants. « Avant, ils nous ont donné des jetons à présenter quand les intrants seront disponibles, après ils nous ont donné des reçus, nous ne savons pas si nous finirons par les avoir ou pas », se désole Jean-Bosco Niyomutabazi, un agriculteur de Rugombo et membre de la coopérative Abajamugambi.
Eric Mpawenayo, agriculteur de la Commune Rugombo à Mparambo I, explique qu’il avait commandé 96 sacs à 26 000 BIF par sacs d’intrants de type « Totahaza » mais il n’a eu que 26 sacs.
Il regrette d’avoir dépensé tout son argent pour des jetons et reçus en attendant des intrants qui ne viennent pas. « Maintenant, il m’est difficile de poursuivre mon projet agricole de la saison culturale C. Je quémande des intrants chez mes amis, car je ne peux m’en procurer auprès des commerçants à un prix exorbitant de 45 000 voire 50 000 FBu ».
Ce paysan confie que la saison culturale en cours est déjà perdue pour lui. D’après ces agriculteurs c’est l’intrant dénommé « Totahaza » qui est le plus commandé et régulièrement distribué avec retard.
Des propos qui sont confirmés par Patrice Ntunzwenimana, chef de service formation, vulgarisation, recherche, développement et encadrement des coopératives au Bureau provincial de l’Environnement de l’Agriculture et de l’Elevage (BPEAE) Cibitoke.
« Au cours de la saison culturale C, 2047, 625 tonnes ont été commandées mais 381,4 tonnes ont été servies », déplore-t-il. De plus il fait savoir que jusqu’au 11 juillet 2022, sur une demande de 671 ,7 tonnes de type Imbura, 455, ont été servies. Seul celui appelé Bagara a été suffisant. « Sur une demande de 55,55 tonnes, la FOMI a distribué 56, 32 tonnes ».
Ce responsable reconnaît que les intrants sont distribués avec retard et que tous les agriculteurs ne sont pas servis en même temps. Mais, fait-il savoir, quand la Fomi procède à la régularisation, ceux qui n’ont pas eu d’intrants au premier tour sont prioritaires.
« Il faut s’adapter »
La coopérative des natifs de la colline Gishubi en commune Muruta à Kayanza, pratique l’agriculture de la pomme de terre. Elle indique avoir commandé des intrants pour la saison culturale C au cours de la saison culturale B. « Nous avons eu des intrants dont nous avions besoin », fait savoir Elvis Ndayishimiye membre président de cette coopérative.
Néanmoins, il signale que ce n’est pas tout le monde qui a la chance de retirer les intrants malgré la stratégie de commander anticipativement ces engrais. « Certains n’ont pas semé leurs champs, faute d’intrants », indique cet agriculteur, en même temps fonctionnaire. Selon lui, certains n’ont pas encore eu des intrants de la saison C. « Ils attendent encore ».
Des propos confirmés par Thomas Bukuru, ancien député à la retraite aujourd’hui dans sa commune natale de Muruta à Kayanza, il est à la tête de la Coopérative communale de développement, Cocode-Ntusigwe.
Selon lui, les agriculteurs se sont habitués à faire des stocks d’intrants avant-saison. Ce directeur général de la Cocode-Ntusigwe collabore avec la Fomi dans la distribution des intrants.
Il estime que la récolte pour la saison culturale B, n’est pas mauvaise. M. Thomas Bukuru fait savoir que les agriculteurs de sa région connaissent bien les successions des saisons culturales. « Ils font tout ce qui leur est possible pour avoir les intrants à temps ».
Ainsi à la saison culturale A, explique notre source, ils commandent des intrants qui seront utilisés à la saison B et à la saison B, des intrants qui seront utilisés pendant la saison C, etc.
Pour lui, grâce à cette stratégie, les agriculteurs arrivent à avoir une production satisfaisante. Pourtant, Thomas Bukuru avoue que la distribution des intrants n’est pas chose facile. « Les agriculteurs viennent en grand nombreux, la gestion est difficile pour un distributeur. C’est terrible ».
La Fomi ne pouvant pas les servir à la fois, il révèle que la police et l’administration sont même dépassées pendant la distribution. « Bien que la Fomi finisse par s’en sortir », nuance ce politicien à la retraite.
Il fait savoir qu’il a à son bureau plus de 20 mille tickets d’agriculteurs qui attendent d’être servis. Dans une semaine, rassure-t-il, tout le monde, aura ses engrais.
La Fomi a demandé à Cocode-Ntusigwe de donner le nombre des agriculteurs qui ont effectué des commandes pour amener des quantités nécessaires. « C’est comme ça ici toutes les années. Et on s’en sort bien ».
La récolte de la saison B n’enchante pas les responsables agricoles
Edmond Uwobikundiye, chef de service production végétale au Bureau Provinciale de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage (BPEAE) à Cibitoke reconnaît que la production n’a pas été assez bonne en province de Cibitoke pour la saison B.
Pour le maïs par exemple, il confie que la production a passé de 3,5 tonnes à 2 tonnes par hectare en général au niveau de la province. Suite à la diminution de la production, ce chef de service production végétale au BPEAE rappelle que les prix des denrées alimentaires ont été revus à la hausse.
« C’est la première fois dans l’histoire de notre province qu’un kilo de riz s’achète à 2300 BIF », commente-t-il avec regret. Mais, d’après lui, la récolte a été bonne, grâce à un don de la semence octroyée dans la coopération sino-burundaise. « La production a été de 4,5 tonnes par ha ».
Il explique le prix du riz est en hausse, car il y a eu une faible production pour d’autres cultures. Alors que les agriculteurs indexent la distribution tardive des intrants comme cause de la diminution de la production, ce chef de service production végétale au BPEAE ajoute le changement climatique et le manque de semences. « Le problème de la distribution des intrants se trouve dans tout le pays et la demande est croissante ».
Si les intrants ne sont pas distribués à temps, estime-t-il, cela est déstabilisant. Uwobikundiye salue néanmoins le comportement de l’agriculture qui commande les intrants en grand nombre. « Pour cette saison culturale, les commandes se sont multipliées par trois alors que normalement, les terres cultivables se rétrécissent pour la saison C ».
Le Directeur du Bureau provinciale de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage à Kayanza avoue que la production pour la saison culturale B n’a pas été très bonne comme on le souhaitait.
Néanmoins, il met à l’écart une cause liée à la distribution irrégulière des intrants. « Cela est dû au changement climatique. La récolte des cultures comme la pomme de terre, le haricot… a été inférieure à celle qui était prévue », indique Adelin Niyonsaba sans préciser les chiffres.
Il soutient que dans certaines localités, il y a eu la sècheresse au moment où dans d’autres, il y a eu de fortes pluies. Il ne nie pas non plus que pour la saison culturale B, beaucoup d’agriculteurs n’ont pas eu d’intrants.
Mais, sur ce point, il revient sur la stratégie selon laquelle les agriculteurs anticipent dans leurs achats d’intrants en recourant aux stocks d’intrants avant-saison. Une pratique qu’il ne condamne pas par ailleurs.
Toutes les commandes des intrants de la saison culturale C en cours n’étant pas encore distribuées, M. Niyonsaba tranquillise : « Au stock provincial, il y a au moins 400 tonnes d’intrants de type Imbura sans ajouter ceux de type « Dolomi ». Dès demain, ils seront dans toutes les zones de la province Kayanza pour être distribués.»
Mais, la demande étant très grande car triplée en cette saison, les directeurs de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage à Kayanza et les agriculteurs aimeraient que l’entreprise Fomi augmente sa production.
La Fomi tente d’expliquer
Contacté, par téléphone, l’Ir Herménégilde Manyange, directeur général adjoint de la Fomi, reconnaît aussi que la demande des intrants est de loin supérieure à l’offre de cette usine bien qu’une grande partie des agriculteurs soit servie.
« Pour la saison culturale C la demande est de près de 24 000 tonnes alors que dans les prévisions il y a 8 000 tonnes », annonce-t-il. Et de se justifier : « La demande augmente sans cesse à chaque saison.»
Le directeur général adjoint de la Fomi soutient, en outre, qu’il n’y a pas de solution urgente puisque l’usine ne peut pas donner une production supérieure à ses capacités.
Mais il rassure que l’extension II de l’usine est en cours pour augmenter la production. Si tout se passe bien, poursuit-il, les travaux seront terminés en 6 ou 7 mois.
« Vous saurez que 62 % de la demande des intrants pour la saison culturale C se trouve uniquement dans 4 provinces : Cibitoke, Kayanza, Bubanza, et Bujumbura. Les 4 provinces ont également raflé plus de 80% d’intrants de types « Totahaza », assure le directeur du BPEAE Kayanza.
Lors de la dernière conférence publique des porte-paroles des différentes institutions, Diomède-Alain Nzeyimana, porte-parole du président de la République, s’est exprimé sur la question du problème d’approvisionnement en engrais par l’entreprise Fomi.
Il a fait savoir que, suite à la baisse de la production faute d’intrants de la société Fomi pourtant commandés et payés, s’il le faut, les « agriculteurs concernés devraient être dédommagés pour les pertes subies ».
Pourquoi donner le monopole des engrais à une seule entreprise??
Et pour un secteur si vital.
Nous voyons la gabégie avec Interpetrol.
Nous sommes le pays le plus corrompu au monde
Uworondera yomenya quel petit Groupe qui en tire des milliards.
Pourquoi ne laisse t on pas des gens importer des engrais?