Dans une société post-conflit, les enfants peuvent être des victimes d’incitation à la haine en famille. Cela ne fait que mettre en cause la cohésion sociale. Pour le sociologue Patrice Sabuguheba, le respect modéré de l’autorité parentale en cette matière permet aux enfants de résister à cette manipulation.
Que doit-on comprendre par le respect modéré de l’autorité parentale ?
Le respect, c’est le principe fondamental de la famille. Cela ne veut pas dire que tout ce qui se dit et tout ordre donné doit être accepté. Le respect modéré signifie que l’enfant à un certain niveau de discernement pour nuancer ce qu’on lui dit. Le respect modéré donne l’autorisation à l’interlocuteur d’avoir une part de responsabilité dans le message. Le respect modéré permet de prendre l’essentiel mais pas de se rebeller.
Quelle est sa part pour limiter les messages haineux dus à la transmission de mémoire blessée en famille ?
Les parents jouissent d’une certaine autorité morale. Ce qu’ils transmettent à leurs enfants sur le passé douloureux risque d’être pris à la lettre. Ils racontent les violences subies dans le passé et les groupes bourreaux indexés. Si celui qui écoute a l’âge requis pour juger et apprécier, il peut juger bon de laisser ceci et de garder cela. Cette attitude de l’enfant de ne pas tout avaler limite la prolifération des messages haineux.
C’est à quel âge que l’enfant peut avoir ce réflexe de prise de conscience ?
A l’âge de 11 ans, 12 ans et 13 ans, l’enfant commence à bien juger les choses. Au niveau de la 6e, 7e et 8e, dans les écoles fondamentales, il apprend à l’école et en famille. Il apprend même en communauté. Là, il fait une certaine confrontation des messages reçus des parents, des membres de la communauté, des voisins, des éducateurs à l’école et même de ses condisciples. Il peut constater que ce qui a été dit par le parent n’est pas bon à garder parce que la contradiction se trouve dans ce qu’il va recevoir à l’école ou en communauté.
Comment exercer le respect modéré de l’autorité ?
Le jeune d’aujourd’hui, comme celui d’hier et de demain, peut, s’il est suffisamment mûr, accueillir une partie du message qui l’intéresse pour le présent et pour le futur et délaisser une autre qui ne l’intéresse pas. Ainsi, l’enfant ne remet pas en cause l’autorité du parent, de l’enseignant ou du voisinage. Il y a le droit fondamental pour l’enfant de nuancer et de dire non. Dans ce cas, il peut répliquer : ‘’Ceci est discutable, le contenu du message ne me convient pas. Et donc ne m’avance en rien’’.
Il faut offrir aux adolescents un espace de discussion sur les thèmes de la violence, de l’amitié et des relations familiales pour leur permettre une prise de conscience des comportements abusifs, un soutien et une écoute.
Propos recueillis par Jérémie Misago
…. »Il faut offrir aux adolescents un espace de discussion sur les thèmes de la violence, de l’amitié et des relations familiales pour leur permettre une prise de conscience des comportements abusifs, un soutien et une écoute… ». Un accès libre aux médias radiodiffusés est important pour entendre différents discours puis construire sa propre opinion. Car sur nos collines et même dans nos quartiers, entendons-nous vraiment une pluralité d’idées ?