A travers un communiqué du 27 mars 2024, cette plateforme panafricaine de solidarité des dirigeants de l’opposition tire la sonnette d’alarme sur la détérioration de la situation des droits de l’Homme et des libertés civiles au Burundi. Elle implore le gouvernement du Burundi à cesser de s’ingérer dans les affaires intérieures du principal parti de l’opposition, le CNL.
D’habitude en rangs dispersés, ce sont les partis africains d’opposition qui ont opté de faire front commun en faveur de l’opposant burundais Agathon Rwasa. Réunis au sein de cette plateforme, les leaders des partis de l’opposition kenyans, ougandais, tanzaniens rappellent leur déclaration du 9 mars 2024 où ils appellent le gouvernement burundais à respecter la Constitution et les lois du pays ainsi que les pactes régionaux et internationaux dont le Burundi est signataire.
A travers toujours la déclaration du 9 mars, ils demandent au gouvernement burundais de cesser de s’ingérer dans les affaires internes du principal parti de l’opposition, le CNL. Une sortie qui vient après que le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique ait entériné, l’éviction d’Agathon Rwasa à la tête du parti Congrès national pour la liberté (CNL).
« Nous constatons avec regret que, loin de tenir compte de notre appel, les autorités burundaises ont depuis lors intensifié cette ingérence en aidant active- ment un groupe minoritaire de membres rebelles du CNL à prendre illégalement le contrôle du parti », déplorent-ils.
Pour rappel, le 18 mars 2024, le ministre de l’Intérieur a reconnu les membres de l’aile pro-pouvoir du CNL en prétendant démettre de ses fonctions Agathon Rwasa, leader du parti CNL, et en enregistrant cette nouvelle aile en tant que responsable du parti.
Pour nombreux observateurs politiques avisés, cette situation témoigne à suffisance l’immixtion et l’abus de la part de l’autorité habilitée. Pour ces leaders des partis de l’opposition en Afrique, il s’agit des manœuvres dilatoires, puisque cette action a effectivement mis en déroute l’opposition au Burundi avec l’installation des dirigeants du parti CNL qui sont en fait des substituts du gouvernement du Burundi.
Malheureusement, déplorent-ils, cette action viole la Constitution et les lois du Burundi, en plus de s’inscrire en faux contre l’Accord d’Arusha du 28 août 2000 qui a permis au pays de recouvrer la paix.
Risque de dérive vers l’instabilité
A la suite de cette volonté exacerbée de prise de contrôle illégale de l’opposition officielle, ces membres affirment sans détours que : « Nous avons la preuve qu’en février 2024, le ministre burundais de l’Intérieur a fait des allégations non fondées contre l’honorable Rwasa, l’associant à des groupes terroristes ». Malheureusement, ces actes sont loin d’en finir.
En plus des velléités de contrôler illégalement le CNL, ils déplorent le fait que le ministre de l’Intérieur l’ait de nouveau accusé, sans aucun fondement, d’avoir envoyé des personnes anonymes pour rechercher le domicile du ministre et identifier les voitures qu’il conduit.
D’après eux, prononcées par un ministre de la Sécurité publique, ces fausses allégations ne peuvent pas être prises à la légère. Partant, ils alertent sur un complot visant soit à porter de fausses accusations contre le député Rwasa afin de lui retirer sa liberté, soit à lui nuire ou à nuire à ses associés, y compris les membres de sa famille.
Des agissements qui n’augurent rien de bon pour le pays d’autant que cette campagne de harcèlement et d’intimidation, destinée à faire taire la voix authentique du CNL semble s’étendre aux membres du CNL de tout le pays. Allusion faite à certains députés et membres du CNL détenus sans jugement.
Ces leaders des partis de l’opposition en Afrique appellent les garants de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi, dont font partie les gouvernements de la République Unie de Tanzanie et de l’Afrique du Sud, à prendre des mesures immédiates pour inciter le gouvernement du Burundi à respecter les lois du pays ainsi que les termes de cet accord et à mettre fin à la dangereuse dérive vers l’instabilité.
« La volonté du peuple finit par remporter »
Kefa Nibizi, président du Codebu Iragi rya Ndadaye se félicite de cette nouvelle approche des forces pro-démocratiques de la sous-région de parler d’une seule voix pour plaider une même cause, celle de l’ouverture de l’espace politique. « Si ces leaders commencent à voir d’un même œil les problèmes politiques qui hantent leurs pays, il s’agit d’un pas en avant. Cela montre également que la communauté tant régionale qu’internationale continue de constater un recul en matière de démocratie au Burundi ».
Selon ce politicien, il est déjà évident que le gouvernement commence à multiplier de pareils actes pour barrer la route à l’opposition. Il s’agit des signes évidents de la faiblesse et de l’impopularité grandissante.
Car, autrement, un parti politique qui se veut fort, avec une assise populaire sûre, ne peut pas multiplier des actes allant dans le sens de museler toute voix dissonante à l’approche des échéances électorales. Au contraire, il voudrait gaillardement participer à une compétition inclusive. Surtout que tôt ou tard, l’expression volontaire du peuple finit par remporter.
D’après M. Nibizi, il s’agit d’une très grave situation au vu de ses répercussions sur la vie de la population. « Il n’y a point de doutes à ce niveau. Les partenaires technico-financiers vont se demander s’il faut ou pas continuer de soutenir un pays qui se dit démocratique mais dont l’opposition est muselée, l’espace poli- tique verrouillé ».
Il estime que cette correspondance vient à point nommé avec les résultats des élections au Sénégal. Les dirigeants burundais devraient tirer une leçon ou prendre pour modèle ce qui vient de se passer au Sénégal.
En attendant le dénouement …
Pour rappel, après la prise d’acte par le ministre burundais de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique du procès-verbal et des résultats du Congrès extraordinaire du parti CNL tenu le 10 mars 2024 à Ngozi par les détracteurs de Rwasa, le camp de ce dernier a rejeté formellement la décision.
« Le parti CNL a appris avec indignation des informations qui font état de la prise d’acte par le ministre burundais de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique des résultats du pseudo-congrès du parti CNL tenu à Ngozi en date du 10 mars 2024 », pouvait-on lire dans un communiqué de presse sorti le 20 mars.
Signée Simon Bizimungu, cette note réfute la décision du ministre : « Le parti CNL rejette encore une fois et avec toute son énergie ce pseudo-congrès. Le parti CNL rejette aussi la prise d’acte signé par le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique en date du 18 mars 2024 car elle viole les lois régissant le Burundi, les partis politiques et les statuts de ce parti ».
Le camp Rwasa annonce que cette prise d’acte du ministre ne concerne que ceux qui ont participé à ce « pseudo-congrès » et ne concerne en rien les Inyankamugayo.
Dans ce communiqué, Simon Bizimungu appelle les Burundais et la Communauté internationale à suivre de près ce qui se passe au Burundi, particulièrement en ce qui concerne la violation des lois, des droits et libertés politiques et de la démocratie. Il appelle enfin les membres de ce parti à suivre des messages qui ne proviennent que des leaders habituels.