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Le rejet de la culpabilité pour les Burundais, face aux faits de l’histoire

09/11/2012 Commentaires fermés sur Le rejet de la culpabilité pour les Burundais, face aux faits de l’histoire

Au moment où le Burundi chemine vers la mise en place de la commission vérité réconciliation (CVR), les Burundais s’accusent mutuellement. Personne n’a le courage d’avouer sa culpabilité, ce qui pourra handicaper le travail de la CVR.

« Les Burundais, nous devons relier trois choses : vérité, réconciliation et justice », pour mettre à jour notre passé. Sinon, la vérité sera loin d’être connue », déclare Tatien Nkeshimana, du Centre d’Alerte pour la Prévention des Conflits (CENAP).
Le militant signale que des Burundais, parfois même des bourreaux, sont prêts à témoigner, à dire la vérité. Cependant, poursuit-il, ils sont bloqués par une seule question : « Quelle sera la suite après l’aveu ? ».

M. Nkeshimana trouve que des mesures doivent être prises pour permettre aux détenteurs de la vérité de témoigner sans mettre leur avenir gravement en danger. La CVR, une fois mise en place, devra lever la chape de silence qui pèse sur les violences qui ont ensanglantés le Burundi. D’où, la nécessité, selon lui, de mener des sensibilisations à l’endroit de la population. « Ce qui pourra amener les gens à comprendre que la connaissance de la vérité est un élément important pour reconstruire le pays », précise-t-il. Ce qui est déjà entamé, d’après lui, par l’Etat et quelques associations.

Du côté des anciens combattants, Epimaque Barankeba, un démobilisé, souligne qu’il n’est pas facile d’avouer un crime publiquement. Si l’aveu évite que l’histoire se répète, on peut oser. « Mais si c’est pour être poursuivi par la justice, c’est plus délicat ».

Pour lui, dans les conflits, « il n’y a pas de groupe sans chef. Il y a les commanditaires ». C’est eux qu’il faut interroger, précise-t-il, si l’on veut connaître la vérité.

Pour le président de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH), Frère Emmanuel Ntakarutimana, « les gens ne devraient pas avoir peur de la justice ». Il indique qu’une trentaine de pays ont mis en place une commission vérité pour faire la lumière sur un épisode sanglant de leur histoire.
« La vérité ne sera pas suivie seulement par des sanctions, rappelle-t-il. Quand on a un péché, on se sent mal à l’aise et quand on trouve l’occasion de se confesser, de dire sa faute à haute voix et de demander pardon, on est apaisé. »
Frère Emmanuel Ntakarutimana signale qu’avec l’éclatement de la vérité, les rescapés, les veuves, les orphelins sauront où ont été enterrés les leurs. « Et pourront les exhumer pour les enterrer dignement », précise-t-il.

« Chacun a une part de responsabilité dans les crimes commis au Burundi »

Jésus Marie Minani, de la commune Musigati, colline Gashinge, zone Kivyuka trouve qu’il est temps de se réconcilier. Tout en soulignant que chacun a une part de responsabilité dans les crimes commis au Burundi, il indique que personne ne peut affirmer qu’il a les mains propres.
« Sans prendre des armes, nous avons tué par des paroles, par le cynisme, par cette manifestation de la joie lorsqu’on entend que quelqu’un de l’autre ethnie est en forte difficulté ou est mort », explique-t-il.
Une idée partagée par Anatole Ndahabonyerugira, de la colline Gihamagara, commune Itaba, de la Province Gitega qui estime qu’il y a ceux qui ont tué par les armes et ceux qui ont tué par leur « mauvaise langue ».
Les deux hommes reconnaissent qu’on ne peut pas toujours chercher des alibis pour justifier ses crimes et rejeter le tort vers les autres. Ils soulignent l’urgence de se pardonner mutuellement et se réconcilier.

« Évitons la généralisation »

Deo Manirampa, de la Colline Musenyi est de l’avis contraire. Il rejette l’idée selon laquelle « tous les Burundais ont tué, c’est une généralisation, s’insurge-t-il. Certains ont été contraints de commettre des crimes, ne fût-ce que pour sauver leur vie. D’autres ont donné de la nourriture aux combattants sous la contrainte. Mais, c’est bien celui qui a exigé à la population de la nourriture qui devrait être poursuivi. »
Il pense qu’il serait plus juste de poursuivre d’abord les commanditaires et organisateurs des tueries perpétrées au Burundi. Après, viendra le tour des petits exécutants et dossiers secondaire en rapport avec les crises.

C’est aussi la position de Pascasie Ndirikirirenza, de la colline Gihamagara, commune Itaba, province Gitega qui précise que ce sont les hautes autorités qui ont alimenté ces crises. Pour elle, il faut que ces dernières assument leur responsabilité et la population suivra.
M. Manirampa, déplore que la peur empêche d’accéder à la vérité. Il demande au gouvernement de s’impliquer davantage et de protéger les témoins. Dans ce cas, affirme-t-il, « on n’aura pas peur de dire ce qu’on a vécu, voire de témoigner contre ceux qui occupent des hautes fonctions ».

Que faire pour amener les bourreaux à assumer leur culpabilité ?

« Préparer les cœurs de la population du sommet à la base pour que les gens comprennent que notre pays a besoin de se rétablir. Que nous ne devrions pas rester dans cette situation où les crimes se répètent après quelques années pour les mêmes causes », constitue un préalable d’après Frère Emmanuel Ntakarutimana, président de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNDIH) pour briser le silence et avouer ses crimes.

Il souligne qu’il faut prendre le temps de discuter du meilleur chemin de notre rédemption. Pour lui, si c’est pour punir seulement, ça ne sera pas facile de connaître la vérité. « Nous ne devons pas construire le pays sur le mensonge comme si nos frères, sœurs, parents,… assassinés ne représentaient rien. Nous devons leur rendre hommage et amener les bourreaux à dire la vérité. C’est cette vérité qui unira les Burundais », affirme-t-il. Pour lui, la question pendante est celle des sanctions. « Quelles sanctions va-t-on réclamer dans un pays comme le nôtre, taraudé par le souci de se reconstruire et non de se détruire encore ? », se demande-t-il.

Emmanuel Ntakarutimana, trouve que les trois mois qui nous restent avant la mise en place de la CVR suffisent pour inculquer à la population le civisme de dire la vérité. Il précise par ailleurs que cette sensibilisation devra également accompagner les travaux de cette commission.

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