Les raisons d’être sur la même longueur d’ondes entre le gouvernement et la presse indépendante étaient devenues rares ces derniers temps et il a fallu le récent reportage controversé dans l’opinion nationale de la journaliste de France 24, Pauline Simonet, sur une « rébellion naissante » au Burundi, avec pour base arrière, la République démocratique du Congo (RDC) voisine, pour ressouder les rangs entre les « deux pouvoirs ».
Lors du club de la presse numéro 39, un journaliste indépendant a dit sans complexe « soutenir » le gouvernement sur ce point précis du reportage de France 24.
Concernant les faits, on aura appris du reportage en question, dans les luxuriants maquis congolais, que le chef rebelle autoproclamé est connu pour le moment sous le prénom de Moïse. Il s’est confié au reporter de France 24 au sujet de sa motivation profonde et des objectifs visés. L’homme serait à la tête de trois brigades, toutes ethnies confondues, prêtes à en découdre avec le pouvoir en place au Burundi.
Il va sans dire que le fameux reportage n’a pas tardé à provoquer de vives réactions de désapprobation et d’indignation de la part du gouvernement burundais qui est allé jusqu’à exiger des excuses à son auteur.
Au niveau de certains médias locaux, on a aussi trouvé à redire sur le reportage en termes de professionnalisme, véracité des faits et son opportunité.
Lors du débat, Roland Rugero, journaliste à l’hebdomadaire indépendant, « Iwacu », n’a pas trouvé à redire sur le fait qu’un journaliste peut décider, « ici ou ailleurs, de faire un reportage sur une rébellion ou autre sujet. C’est son droit le plus absolu. Cela ne pose aucun problème fondamental d’éthique et de déontologie. Cependant, dans le cas d’espèce, France 24 a choisi le mauvais côté pour parler du Burundi. La chaîne existe depuis 2006 et c’est aujourd’hui qu’elle décide de s’intéresser au pays en tant que ["grand médium international"->http://www.france24.com/fr/20111202-burundi-ombre-guerre-groupes-armes-rebellion-tutsi-hutu-president-nkurunziza-reporter] (-> {les occasions sont si rares de voir des reportages sur leur pays dans les médias internationaux, écrira Pauline Simonet}) et de la plus mauvaise manière… Est-ce qu’il n’y avait que cela à dire du Burundi ? N’y-a-t-il pas des choses qui marchent autrement mieux que la guerre, en 2011 ? De manière générale, on peut dire que, sur le fond, le reportage a été fait avec une certaine légèreté. Il y a d’abord le fait de nous monter un prétendu officier supérieur qui ne parle pas un mot de la langue française alors qu’il a fait l’institut supérieur des cadres militaires (ISCAM). Et puis, l’homme a quitté le Burundi en 2006, soit une année seulement après les élections de 2005. Est-ce que c’était vraiment le moment de partir au maquis, une année après les élections ? On aura aussi entendu dire que dans sa rébellion, il y avait beaucoup de Hutu. Qu’est ce que cela sous-entend ? C’est tout simplement dangereux, cette insinuation ».
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> [Excuses pour le documentaire de France 24 : pourquoi je soutiens le gouvernement->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1503]
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Du point de vue de Nestor Niyonkuru, « je trouve que les médias étrangers disent rarement des choses positives sur le Burundi. Ce qui les intéresse particulièrement, c’est le sang et la violence. Et puis, au niveau du reportage incriminé et controversé, il y a trois niveaux d’analyse qui peuvent édifier celui qui veut s’intéresser encore de près. Au niveau de la véracité des faits, il y avait plein d’histoires invraisemblables. Dans le reportage, moins du tiers du contenu était constitué de faits. Le reste, c’est pratiquement ce que l’ont entend tous les soirs au bistrot du coin. Sur le plan de l’impartialité de l’information, il y a aussi à redire. Parler, à titre illustratif, de trois bataillons cachés quelque part dans les maquis congolais et qui passaient jusque-là inaperçus, c’est vraiment difficile à croire. On peut aussi s’interroger sur la responsabilité du journaliste. Quelle intention l’habitait ? En somme, je n’ai pas l’impression que le reportage était professionnel ».
Ramadhan Kibuga, de son côté, s’est intéressé à la censure qui a été décidée à l’annonce du reportage sur France 24. Pour lui, « cela ne valait pas la peine. J’ai vu le reportage depuis Kinshasa, la capitale congolaise et d’autres peuvent l’avoir regardé d’ailleurs dans le monde ».