Telle est la question que se pose le professeur Paul Ngarambe. Une interrogation jugée opportune au moment où le Président Nkurunziza compte « mener des consultations sur la révision de la Constitution et les autres lois, en particulier celles relatives aux élection et à la Bonne Gouvernance. » <doc2552|left> […] Ici et là l’on entend les citoyens échanger déjà sur le processus électoral de 2015 et sur une probable sollicitation, en 2015, d’un autre mandat par Pierre Nkurunziza, actuel Président de la République : troisième mandat selon certains, deuxième mandat selon d’autres ! Ceux qui estiment que la période 2015-2020 constituerait un deuxième mandat présidentiel pour le Président Pierre Nkurunziza s’il se présente et s’il est réélu Président de la République soutiennent en fait que le mandat présidentiel en cours (2010-2015) est le premier « vrai » mandat et que, par conséquent, après coup, le mandat présidentiel de 2005 à 2010 n’en était pas un puisque pour ce mandat-là (2005-2010), Pierre Nkurunziza n’avait pas été élu au suffrage universel direct selon les dispositions de l’Article 96 de la Constitution de la République du Burundi. Ceux qui estiment que la période 2015-2020 constituerait un troisième mandat présidentiel pour le Président Pierre Nkurunziza s’il se présente et s’il est réélu soutiennent, pour leur part, que le mandat en cours (2010-2015) est bel et bien le deuxième mandat et que le mandat présidentiel de 2005 à 2010 était un vrai mandat, qu’en conséquence un troisième mandat présidentiel pour le Président Pierre Nkurunziza serait contraire au contenu de l’Article 96 de la Constitution qui dispose que le mandat du Président de la République est de cinq ans renouvelable une fois. Qui a tort ? Qui a raison ? Pour y voir clair, nous allons lire parallèlement les Articles 96 et 302 de la Constitution de la République du Burundi ; ils sont ainsi libellés : Article 96 {Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.} Article 302 {A titre exceptionnel, le premier Président de la République de la période post-transition est élu par l’Assemblée Nationale et le Sénat élus réunis en Congrès, à la majorité des deux tiers des membres. Si cette majorité n’est pas obtenue aux deux premiers tours, il est procédé immédiatement à d’autres tours jusqu’à ce qu’un candidat obtienne le suffrage égal aux deux tiers des membres du Parlement. En cas de vacance du premier Président de la République de la période post-transition, son successeur est élu selon les mêmes modalités prévues à l’alinéa précédent. Le Président élu pour la première période post-transition ne peut pas dissoudre le Parlement.} L’Article 96 de la Constitution de la République du Burundi indique les modalités habituelles de l’élection du Président de la République. Pour garantir la stabilité des Institutions de la République et maintenir les équilibres contenus dans l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi du 28 août 2000 et aux Accords de Cessez-le-Feu nommément cités dans le Préambule de la Constitution de la République du Burundi et qui en font désormais partie, le législateur a complété l’Article 96 de la Constitution en indiquant, dans l’Article 302 de la Constitution, des modalités particulières d’élection présidentielle valables pour le premier Président de la République de la période post-transition. La mention « A titre exceptionnel » qui débute l’Article 302 de la Constitution de la République du Burundi y est par rapport au contenu de l’Article 96 qui fixe les modalités habituelles de l’élection présidentielle et indique que le mandat issu de l’application des dispositions de l’article 302 de la Constitution est un vrai mandat au sens où il est entendu à l’Article 96 de la Constitution. Les dispositions des Articles 96 et 302 lues ensemble et mises en parallèle montrent que si la personne élue Président de la République en 2005 selon les modalités indiquées à l’Article 302 (puisqu’il s’agit du premier Président de la République de la période post-transition) est réélue Président de la République en 2010 en application des dispositions de l’Article 96 de la Constitution, cette personne-là a obtenu un deuxième mandat. Il s’ensuit que si cette personne se présente en 2015 et qu’elle est réélue Président de la République, cette personne-là aura obtenu un troisième mandat. Toujours garantir la stabilité des institutions et maintenir les équilibres contenus dans l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi du 28 août 2000 et aux Accords de Cessez-le-Feu, le législateur a mis le premier Président de la République de la période post-transition dans la même situation qu’un Président de la République en exercice candidat à sa propre succession en ce qui concerne la dissolution du Parlement : Article 104 (Alinéa 1) {Si le Président de la République en exercice se porte candidat, le Parlement ne peut être dissout.} Article 302 (Alinéa 3) {Le Président élu pour la première période post-transition ne peut pas dissoudre le Parlement.} En conclusion, d’après la Constitution de la République du Burundi, l’actuel Président de la République, en fonction depuis 2005, ne peut pas se présenter pour un autre mandat aux élections présidentielles de 2015 : s’il est réélu, il aurait alors un troisième mandat ; ce qui est une violation des dispositions de l’Article 96 de la Constitution. {Professeur Paul Ngarambe Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante Processus Électoral 2004-2005}