Pour le constitutionnaliste Pascal Rwankara, la proposition du gouvernement d’autoriser de nouveaux crédits durant un exercice budgétaire n’a rien d’anticonstitutionnel. Même chose si le Parlement les adopte. Le doute réside dans la motivation de cette proposition.
Le constitutionnaliste Pascal Rwankara ©IwacuQuel est, d’après la Constitution, le processus de vote du budget ?
La base angulaire se situe au niveau de l’article 162 qui dispose que la loi budgétaire détermine pour chaque année les ressources et les charges de l’Etat. En son article 163, point 3, les deux chambres du Parlement se réunissent en congrès pour réexaminer le projet de loi budgétaire conformément à l’article 177. Or, la lecture combinée de toutes ces dispositions permet de comprendre que l’Assemble nationale vote le budget général de l’Etat. Si elle ne s’est pas prononcée à la date du 31 décembre, le budget de l’année est repris au 12ème provisoire. Autrement dit, on prend pour tout le budget l’équivalent d’un mois. Si le président le redemande, le Parlement peut se réunir en congrès, dans un délai de 15 jours, afin de réexaminer la loi budgétaire. Donc, celle-ci vient du gouvernement qui la transmet au Parlement qui la vote. Elle est votée pour 12 mois. Mais s’il y avait des difficultés pour boucler cette loi, elle peut être examinée à la demande du président de la République.
Qu’en est-il du contrôle du Parlement ?
Normalement, si le Parlement n’est pas défaillant, il est obligé de faire un bilan sur l’action gouvernementale, tous les six mois.
Les propositions du gouvernement d’accorder d’autres crédits en cours d’exercice budgétaire sont-elles constitutionnelles ?
Oui. Si le Parlement autorise un déplacement de crédit budgétaire ou une augmentation des finances publiques, le gouvernement peut s’en réjouir. C’est la réaffectation des crédits pour l’adéquation des besoins. Si le président demande l’autorisation et qu’il l’obtient, ce n’est pas anticonstitutionnel. Aux Etats-Unis, le président est régulièrement confronté à de telles difficultés, et il peut demander au congrès d’autoriser le vote d’une loi budgétaire additionnelle, cela n’est en rien anticonstitutionnel.
Mais le Parlement peut-il refuser une telle demande ?
Absolument, et s’il refuse, le président et le gouvernement n’ont aucun moyen de pouvoir les contraindre. Ça a failli provoquer une paralysie aux
Etats Unis. Au Burundi, il faut souligner que ce n’est pas le Sénat qui décide, c’est plutôt l’Assemblée Nationale qui doit voter en dernier lieu la loi budgétaire.
Et si l’Assemblée adoptait ses amendements, ne serait-ce pas se défaire de ses prérogatives constitutionnelles ?
Si l’Assemblée nationale se défait de ses propres prérogatives que lui reconnaît la Constitution, alors on applique le principe général de droit qui dit : « Volenti non fit injuria » (On ne peut pas faire du tort à celui qui consent). Autrement dit, si c’est le Parlement qui se dépouille lui-même de ses propres prérogatives, il n’y a pas de violation de la Constitution. Ce serait plutôt la trahison vis-à-vis du peuple électeur qui lui a donné mandat d’exercer ces prérogatives, mais ce n’est pas anticonstitutionnel.
Tout est donc bien dans le meilleur des mondes ?
A mon sens, ce qui pose question, c’est la réaffectation d’un dépassement des prévisions sur d’éventuelles catastrophes. En effet, les catastrophes naturelles éventuelles sont prévues dès le départ dans la loi budgétaire. Si, par extraordinaire, la catastrophe dépasse vraiment ce qui avait été prévu, comme un tsunami par exemple, le gouvernement peut demander au Parlement de faire face.