[Le livre que vient de publier l’historienne Christine Deslaurier->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article3234], en collaboration avec Domitien Nizigiyimana – qui a traduit le texte en Kirundi – est une contribution inégalée jusqu’à maintenant et qui contribue à une meilleure connaissance de notre héros de l’indépendance le prince Louis Rwagasore, fils aîné du roi Mwambutsa IVi.
Vingt-cinq documents connus et moins connus sont présentés dans leur facture originale. Le prince nous apparaît sous un jour, non pas nouveau, mais différent de celui auquel les discours officiels depuis un demi siècle nous ont habitué. Il s’agit d’une personnalité, d’un cerveau qui voit loin, qui est posé, mais qui est ferme et jaloux de la dignité de son peuple et du respect que tout interlocuteur se doit d’observer à l’endroit de sa civilisation et de sa culture. On n’est constamment frappé par sa hantise de « la paix » et de « la tranquillité » du peuple murundi qu’il faut préserver par une discipline à toute épreuve : {« Nous devons pouvoir donner à chacun ce qui lui revient et, à la société, apprendre les moyens de se faire une vie digne et honnête ». (p 99)}
Il veut créer une classe moyenne prospère qui peut devenir la locomotive économique de toute la production nationale. Il invite les étrangers à travailler main dans la main avec les Barundi pour que l’économie nationale soit florissante et diversifiée. Il refuse l’hégémonie des cultures de rente; pour lui, la production du café c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. L’économie du pays doit reposer très rapidement sur une « industrie de transformation ». Maintenir le peuple dans la misère et l’exploitation et demain c’est l’insécurité généralisée : {« (…) la colère est l’ennemie de la raison. De grâce, ne rendons point un jour ce peuple irraisonnable ! » (p 99)}
Il sait, le prince, que : {« Aharaye inzara havyuka inzigo »} (« Ventre affamé n’a point d’oreilles ! »). Une mauvaise gouvernance, comme celle de la Tutelle qu’il analyse, basée sur les privilèges des uns et la souffrance des autres, ne peut que mener à une impasse caractérisée par une violence inouïe. Nous le vivrons…
Christine Deslaurier nous a permis de revisiter notre héros de l’indépendance et de le découvrir sous son vrai visage : un géant politique qui voyait loin, et souhaitait ardemment que l’élite burundaise soit à la hauteur des défis du développement et de la concorde nationale pour, comme il le dira à son ancien éducateur le Frère Secundien, « mérit(er) sans orgueil notre surnom {indatwa}, c’est-à-dire élites ».
Bravo à Christine Deslaurier et à Domitien Nizigiyimana. A nous tous, les Barundi et ceux qui aiment le Burundi, d’accueillir cet inestimable héritage pour mener plus loin et plus haut encore l’idéal que Rwagasore a payé de sa vie.