Lors des cérémonies d’échange de vœux entre les membres du CNDD-FDD natifs de la province élargie de Gitega, le samedi 18 janvier 2025, le chef de l’Etat Evariste Ndayishimiye s’est dit très déçu par trois cadres destitués de Ntare House et qui étaient membres de la commission chargée de l’application de la grâce présidentielle puis écroués. Il les a traités de loups et d’hypocrites pour avoir passé outre ses instructions. De son côté, la société civile demande que le décret portant grâce présidentielle et la liste des détenus bénéficiaires paraphée par le chef de l’Etat soient publiés.
Le président Evariste Ndayishimiye ne mâche pas ses mots. D’emblée, sur un ton sévère, il se montre très inquiet du comportement de ce qu’il a qualifié d’actuelle génération. « Je vous le dit avec vérité. Si nous ne procréons pas une nouvelle génération, notre actuelle progéniture est foutue », se désole-t-il.
Il dit avoir analysé les agissements de l’actuelle génération et avoir constaté un comportement inhabituel. « J’ai jeté un coup d’œil derrière et j’ai remarqué que nous sommes comme des kamikazes. C’est pourquoi nous sommes des loups, des hypocrites. Je vous évalue dans la pratique. Vous ne dites pas, quitte le poste pour qu’il y ait un changement afin que tous les Burundais aient le bien-être. Loin de là. Vous dites : « ôtes-toi de là pour que je m’y mette ! ». Vous vous faites le mouton alors vous êtes des loups », s’alarme-t-il.
Le président Ndayishimiye pointe du doigt un de ses conseillers qu’il accuse de trahison. « Est-ce que vous n’avez pas vu mon conseiller principal qui m’a trahi au grand jour ? Je le croyais instruit, sérieux, mais en son for intérieur, c’est un loup ! », s’indigne-t-il.
Des criminels libérés
Le numéro Un burundais fait savoir que le travail d’identification des détenus éligibles à la grâce présidentielle a été mené minutieusement pour éviter toute erreur. Mais hélas, se désole-t-il, des tricheries se sont remarquées dans la mise en application de ladite grâce présidentielle.
« Vous savez ce que signifie ne pas libérer celui qui va développer le pays et à sa place libérer celui qui va tuer le pays ? ». Il affirme avoir paraphé sur tous les noms des prisonniers bénéficiaires de la grâce présidentielle.
« Il n’y a aucun nom d’un détenu éligible devant lequel je n’ai pas mis un paraphe. Aucun. C’est un travail que nous avons mené minutieusement depuis le premier recensement. Nous avons effectué trois recensements. Pour le dernier, chacun a travaillé de son côté. Nous avons par après confronté les deux listes, pour que là où il va se remarquer une différence l’on puisse l’analyser ensemble ».
Il informe avoir même sollicité le concours d’une compétence extérieure à la Commission pour vérifier si aucune erreur n’aurait pas échappé à la vigilance de la Commission. « Lorsque nous avons terminé, nous nous sommes dits : Non. Cela ne suffit pas. Il faut associer les agents de la police pour vérifier s’il n’y aurait pas un criminel qui se serait glissé là-dedans »
Le président Ndayishimiye persiste et signe d’avoir respecté la loi dans sa lettre et son esprit. « Nous avons respecté bel et bien cette loi-là et il n’y a aucun nom devant lequel je n’ai pas paraphé. Aucun nom d’un détenu n’était censé sortir sans que je ne le sache ».
Pour le chef de l’Etat, la suite du processus de libération des détenus bénéficiaires de la clémence présidentielle a été on ne peut plus décevante. « Sous prétexte qu’ils travaillent dans mon bureau, ils sont allés dire qu’ils viennent de recevoir une instruction. Dîtes-moi, quand j’ai déjà paraphé devant chaque nom, quelle cette autre instruction ou modification que je ne notifierais pas à la Commission ? », s’interroge-t-il.
« Comme ils travaillent dans mon bureau, ils sont allés dire qu’ils ont reçu une instruction selon laquelle tel ou tel autre détenu doit partir », fait-t-il observer tout en indexant les trois membres de la Commission d’avoir abusé de leur position qu’ils occupent à Ntare House.
« Quand on a demandé que cela soit mentionné dans le rapport, ils ont dit non expliquant que ce sont des cas d’exception pour que je ne le sache pas », déplore-t-il, tout en martelant avec déception : « Et quand tu vois celui qui vient de Ntare House, tu crois que c’est un saint alors que c’est un loup. Mais, vous, vous voyez que c’est un mouton ».
« Si vous êtes leader, dirigeant d’un tel peuple, sans la main de Dieu, dites-moi, vous ne pouvez pas y parvenir », conclut-il.
Quid du décret et de la liste des bénéficiaires ?
D’aucuns s’interrogent sur pourquoi le décret portant grâce présidentielle et la liste des vrais bénéficiaires ne sont pas, jusqu’à présent, rendus publics.
Certains défenseurs des droits des prisonniers demandent que la liste des détenus bénéficiaires de la grâce présidentielle et paraphée par le chef de l’Etat soit publiée. Selon eux, ladite liste aiderait la nouvelle commission à libérer les prisonniers maintenus injustement en prison.
« Que cette liste paraphée par le président de la République soit mise à la disposition de la nouvelle commission qui serait mise en place afin que cette dernière se penche immédiatement sur la question de libération des détenus qui croupissent encore injustement dans les prisons », plaide Vianney Ndayisaba, coordinateur nationale de l’Association de lutte contre le chômage et la torture (Aluchoto). Il recommande que le rapport des détenus déjà libérés par la Commission soit aussi rendu public.
D’autres membres de la société civile s’interrogent sur pourquoi seulement ce sont les trois cadres qui ont été interpelés alors qu’il y avait d’autres personnalités dans ladite commission qui était composée de cinq membres. « Peut-être qu’ils n’avaient pas le même cahier des charges ?», se questionnent-ils.
Ils estiment que l’absence d’un document indiquant réellement le cahier des charges laisse planner toujours le doute.
En outre, le même doute plane sur les chefs d’accusations retenus par le ministère public contre les trois personnalités car, font observer les juristes, l’infraction de trahison mentionnée dans le décret de destitution ne concorde pas avec ce qui est défini dans le Code pénal burundais dans ses articles 591, 592, 593 et 594.
Selon l’article 591 du Code pénal révisé du 29 décembre 2017 « Est coupable de trahison et puni d’une servitude pénale à perpétuité, tout Burundais qui porte les armes contre le Burundi », lit-on en effet.
Du côté de Ntare House, rien ne filtre. Iwacu a essayé d’avoir plus de lumière sur toutes ces interrogations, mais en vain.
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