Les auteurs, deux Burundais vivant aux Etats Unis d’Amérique l’ont publié, en février 2011. Encouragés par la reconnaissance du gouvernement américain, ils veulent le vulgariser dans leur pays natal. Mais le prix de ce dictionnaire ne serait pas à la portée de bourses moyennes.
Le livre est vert. Il contient des mots, des phrases, des significations, des traductions. C’est Mbwira – Tell me, le tout premier dictionnaire Kirundi – Anglais et Anglais – Kirundi. 62.000 mots (Kirundi et Anglais confondus) étalés sur plus de 650 pages. Un véritable travail de bénédictin exécuté, en quatre ans, par deux Burundais qui vivent au pays de l’Oncle Sam.
Il a fallu à Hilaire Ntiganzwa et Paul Niyungeko combiner les efforts depuis 1998, pour aider « la population burundaise n’ayant pas dépassé la 10ème année d’études » à comprendre la langue de Shakspeare : « C’est notre catégorie cible, dans un premier temps », précise M. Ntiganzwa. Il ajoute que la prochaine édition, plus améliorée, comportera non seulement de la phonétique, mais aussi expliquera en anglais d’autres termes en Kirundi « même si la plupart de ceux-ci se retrouvent francisés ou anglophonisés, comme les mots pantalon [ipatalo] ou shirt [ishati] ».
Au-delà de l’utile…
Une initiative applaudie par le gouvernement burundais. En effet, Hafsa Mossi, ministre ayant en charge l’intégration du pays dans la communauté de l’Afrique de l’Est, parle d’un vade mecum pour les commerçants qui sillonnent la sous-région, les militaires burundais qui participent aux missions de maintien de la paix dans les pays anglophones : « Ce dictionnaire est aussi d’une très grande utilité pour les parents dont les enfants apprennent déjà l’anglais à l’école primaire», ajoute-t-elle.
Hilaire et Paul, pourtant de formation scientifique (le premier est un architecte, le second fait la médecine après une licence en biologie), ont voulu faire comprendre aux Burundais que « l’anglais envahi inexorablement le monde, surtout celui des affaires ». Un monde dominé aussi par la puissance économique des Etats Unis d’Amérique : « C’est pour cette raison que nous avons choisi d’illustrer la page de couverture par le drapeau », explique M. Ntiganzwa, naturalisé américain.
L’ambassadeur des Etats Unis au Burundi, absente aux cérémonies de présentation de l’ouvrage, aura confié par téléphone à M. Ntiganzwa que « son œuvre sera soutenue dans la mesure du possible. »
Par un coup de fil aussi, Paul Niyungeko resté en Amérique, souligne l’importance de ce dictionnaire pour les expatriés d’expression anglaise qui vivent ou qui veulent voyager au Burundi : « Ils pourront mieux comprendre ou apprendre le Kirundi. »
…des inquiétudes
A 40 dollars US l’unité, les expatriés pourront facilement acheter le dictionnaire bilingue : « Qu’en sera-t-il d’un Burundais se trouvant dans la catégorie des personnes (qui n’ont pas dépassé la 10ème année) pour qui vous l’avez écrit ? », demande un invité. Réponse de l’auteur : « Vu le coût élevé de production, nous ne pouvons pas faire autrement. Nous encourageons, par contre, ceux qui font de grosses commandes pour que nous revoyions le prix à la baisse. »
Justement, en acheter beaucoup suppose une vulgarisation, jusque dans les écoles, d’un dictionnaire qui, craint quelqu’un dans la salle, n’est pas encore légalement connu au Burundi. « Que faire dans ce cas ? », demande M. Ntiganzwa qui explique que son livre est pourtant approuvé et même utilisé par le gouvernement américain.
Question pour laquelle, apparemment, personne n’avait de réponse. Néanmoins, Clotilde Niragira, chef de cabinet civil à la Présidence de la République, donne quelques pistes : « Je pense que tu devrais adresser des demandes à deux ministres : celui ayant en charge l’enseignement primaire et secondaire et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. »
En attendant, {Mbwira – Tell me} remue déjà quelques méninges du monde littéraire et universitaire burundais : « [Une académie Rundi aiderait à homologuer et enrichir de tels ouvrages->http://www.iwacu-burundi.org/old/index.php?option=com_content&view=article&id=2776] », suggère Jean Marie Ngendahayo, qui participe quelquefois aux débats du Samandari, un cadre de rencontres littéraires, à Bujumbura.