Les influenceurs et artistes ont une force dans la promotion de la paix. Le moindre message de haine dans leurs productions est très dangereux pour la société. Le journaliste spécialisé dans le secteur de la musique, Christian Nsavye, appelle à la responsabilité.
Que doit-on comprendre par un artiste influenceur ou leader d’opinion ?
Un influenceur est une personne qui a une audience et un public varié qui le suit au jour le jour. Ses followers sont intéressés par sa musique, sa création, ses vidéos, etc. Il est très présent dans les nouveaux canaux de diffusion, notamment Instagram, YouTube, Facebook, etc. Ils jouissent d’une grande popularité.
Pourquoi la société est-elle plus réceptive aux messages haineux véhiculés par des influenceurs ?
Un influenceur jouit d’une grande popularité grâce à sa création de contenus. Beaucoup de gens souhaitent s’identifier à lui. Ses supporters cherchent à imiter ses pratiques et attitudes. Au Burundi, je n’ai jamais entendu un influenceur, un musicien véhiculer des messages de haine à travers ses créations.
Des chansons vieilles de 13 ans ont été sorties de leur contexte en 2015 pour des fins politiques. Les gens les assimilaient alors avec des messages de haine. Au moment de fortes tensions, les morceaux de certaines chansons tournaient en boucle pour illustrer les faits. C’est pourquoi certaines d’entre elles ont été interdites.
Si un influenceur ou un artiste lance des messages de haine, quel est l’ampleur du problème ?
Ils ont un groupe cible vaste. Les conséquences deviennent fâcheuses. Si l’artiste ose écrire une chanson contenant des messages de haine contre un groupe donné, la cohésion sociale est remise en cause. Il veut séduire un petit nombre de ses supporters à cause d’une manipulation politique. Il perd sa crédibilité et risque d’être traîné en justice. La loi réprime la diffusion des propos haineux. Les diffuseurs sont également responsables s’ils ne sont pas prudents avant la diffusion.
Comment responsabiliser les auteurs ?
Auparavant, l’Amicale des musiciens du Burundi avait pris l’initiative d’écouter la musique avant diffusion. Les artistes se sont sentis limités. On a abandonné la censure pour responsabiliser l’artiste lui-même et les diffuseurs surtout.
Dans une émission qui parlait de l’artiste Augustin Ndirabika, j’ai dû interviewer Africa Nova et Léonce Ngabo, deux grands artistes. Ils m’ont dit que dans les années 70 et 80, chaque artiste devait amener son texte pour qu’on l’améliore. Le contenu, la forme et le fond étaient passés à la loupe. Si des concepts utilisés ne sont pas appropriés, on en proposait d’autres.
Actuellement, l’artiste est libre de prendre son message et de se mettre au studio pour enregistrer. Il peut donc déraper sciemment ou inconsciemment. Je demanderais qu’il y ait un mécanisme encadrant les influenceurs, les artistes pour prévenir la diffusion de messages de haine.
Quel est le rôle des influenceurs et musiciens dans la consolidation de la paix ?
Leur rôle est primordial. Dans les années 1994-1995, il y avait des divisions ethniques dans les quartiers de la mairie de Bujumbura. Les membres des principaux groupes sociaux se regardaient en chiens de faïence. La musique nous faisait oublier tous les malheurs vécus dans les quartiers. On pouvait se rencontrer tous les week-ends dans des karaokés organisés au centre-ville. C’est un élément unificateur.
Les influenceurs, les musiciens peuvent orienter les jeunes vers la promotion de la paix, du vivre-ensemble et de la cohésion sociale. Leur message de paix a un impact pour éviter la violence.
Propos recueillis par Jérémie Misago