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Politique

Le pot de terre contre le pot de fer

04/03/2019 Commentaires fermés sur Le pot de terre contre le pot de fer
Le pot de terre contre le pot de fer
Emmanuel Ntahomvukiye : « C’est une décision injuste et unilatérale. »

Le Burundi était en mode offensif diplomatique, depuis mardi 19 février, pour faire réviser la décision de l’UA : le retrait de 1000 soldats burundais de l’Amisom. Fort du soutien du président somalien, Gitega s’est engagé dans un bras de fer perdu d’avance.

Un calendrier était clairement établi. Dès le 28 février, 1000 militaires du contingent burundais de l’Amisom étaient censés avoir plié bagages et quitter la Somalie. Mais au total, seuls 400 militaires sont rentrés. Bujumbura s’étant lancé dans une espèce de bras de fer contre l’Union africaine à l’origine de cette décision.

Pour le ministre de la Défense, Emmanuel Ntahomvukiye, cette décision est « injuste » et il n’est pas question que le gouvernement se laisse faire. Une note verbale a été envoyée à l’Union africaine pour protester. 600 militaires burundais sont restés en Somalie. Le commandant de l’Amisom a affirmé, de son côté, qu’il a suivi les ordres reçues de l’Union africaine.

Cette décision a été prise par la Commission de l’Union africaine. Elle a adressé une correspondance le 19 décembre au bureau d’appui des Nations unis pour la Somalie (BANUS). « Les troupes burundaises de la force de l’Union africaine pour le maintien de la paix en Somalie seront réduite de 1000 militaires avant fin février 2019 », peut-on lire dans la correspondance.

Les patrons de l’UA répliquent qu’ils ne font qu’appliquer la résolution 23-72. Adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité en 2017, ses membres avaient décidé de proroger le mandat de l’Amisom et de réduire progressivement les troupes déployées dans un des pays de la Corne de l’Afrique jusqu’en 2021.

Le Burundi, de son côté, conteste cette décision. « Les pays contributeurs de troupes en Somalie s’étaient pourtant convenus de retirer les troupes et dans les mêmes proportions », a souligné le ministre de la Défense.

Le 30 novembre 2018, la 27e réunion du Comité militaire de coordination des opérations de l’Amisom organise une réunion. Il travaille sur la réduction du personnel militaire de cette force de maintien de la paix en Somalie. Lors de cette réunion, tout comme dans celle du 27 août dernier du comité de coordination des opérations des opérations militaires, il n’est pas question que seul le Burundi retire ses troupes. Chaque pays contributeur doit retirer une portion de son contingent. Les pays contributeurs, la délégation somalienne, celle de l’UA ainsi que les partenaires tels que l’Union européenne et les Etats-Unis étaient présents.

C’est une décision irrévocable »

Le Burundi a pour l’heure le soutien de l’actuel président de l’Union africaine et de la Somalie. Le président Mohamed Farmajo a effectué une visite de deux jours au Burundi et a rencontré son homologue Pierre Nkurunziza.

A l’issue de leur rencontre, les deux présidents ont appelé à un sommet urgent des chefs d’Etat et de gouvernement des pays contributeurs de troupes de l’Amisom. L’objectif étant de demander à l’UA de revoir sa décision.

« C’est une décision irrévocable, » a répliqué Smaïl Chergui, le patron de la Commission Paix et Sécurité de l’UA.

Pourquoi l’Union africaine a décidé du retrait des troupes burundaises seulement, passant ainsi outre l’accord établi par les pays contributeurs?
Au sein de l’UA, on reconnaît avoir subi une pression très forte de l’Union européenne, le bailleur de fond de l’Amisom.

Une pression qui ne date pas d’hier. Il y a d’abord eu les sanctions prises par l’UE en mars 2016 en gelant les aides directes accordées au gouvernement burundais. L’UE enfonce le clou en voulant assécher une des sources restantes de devises du pays. Il s’agit de l’argent européen qui sert à payer les salaires des soldats burundais engagés au sein de l’Amisom. Les militaires burundais passeront plus de 11 mois sans être payés. L’Union africaine ne cède pas, prend position en faveur du Burundi et demande à l’UE de traiter les militaires burundais de la même façon que les autres contingents.

Au moment où nous mettons sous presse, un haut gradé burundais a assuré à l’AFP qu’une seconde phase du retrait « devrait débuter dimanche selon un nouveau calendrier convenu avec le haut commandement de l’Amisom ».

Analyse: La logique du clash cède face à la force tranquille

Le retrait effectif de 1000 soldats burundais de l’Amisom sera le premier échec cuisant de Bujumbura dans sa logique (jusque-là payante) du clash caractérisée par l’imprévisibilité de l’attaque.

L’Assemblée nationale est entrée dans la danse en se fendant d’une déclaration, vendredi 22 février, exhortant l’exécutif à envisager, « le cas échéant », le retrait de « toutes les troupes burundaises » évoluant au sein de l’Amisom en guise de représailles contre une décision « injuste et unilatérale ».

Le clash communicationnel atteindra son paroxysme avec la lettre du commandant du contingent burundais au patron de l’Amisom. Celle-ci indique que le Burundi doit seulement retirer 400 soldats et que les autres contributeurs doivent en faire autant. Il lui a signifié qu’il recevra désormais ses ordres de sa hiérarchie au Burundi.

Cette logique du « seka » (défonce) relevant du registre de la guerre lui avait, jusqu’ici, toujours réussi, depuis l’éclatement de la crise d’avril 2015. Bujumbura s’est notamment imposé comme le maître des horloges dans le dialogue inter-burundais. Il a pu écarter sans coup férir « les putschistes et les terroristes » de la table des négociations. Et sa participation au sommet des chefs d’Etat de la CAE du 1er février - après avoir boycotté celui du 30 novembre 2018 - ne lui a pas valu de se faire signifier que la récréation est terminée. Bien que la correspondance du président Museveni résonnant comme la réponse du berger à la bergère, en réaction à celle de son homologue burundais, le laissait présager.

Bujumbura a cédé face au pot de fer qu’est la Commission de l’UA. « Pierre Nkurunziza a totalement perdu le bras-de-fer engagé contre la Commission de l'UA et il a décidé de faire marche-arrière après s'être rendu compte qu'il n'avait aucun soutien régional au sein des pays contributeurs », a confirmé à l'AFP un diplomate africain, sous couvert d'anonymat. La sagesse de Sun Tzu, stratège militaire chinois du VI siècle avant Jésus-Christ, a fini par prévaloir : « Si ton ennemi t’est supérieur, esquive-le! S’il est colérique, irrite-le. Si tu es de même force que lui, bas-toi. Sinon, romps le combat et réévalue. »

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