« Je rejette les résultats proclamés par la Ceni car il y a des erreurs monumentales dans tout le pays. Il n’y a pas une seule commune qui a été épargnée », a affirmé Agathon Rwasa à la presse, jeudi 28 mai, après son dépôt de recours à la Cour constitutionnelle.
Deux jours plus tard, l’ « héritier » du « Guide suprême du patriotisme » réagit à cette annonce, tirant à boulets rouges sur son principal adversaire : « Il était temps pour nous, Burundais et pas seulement les Bagumyabanga, que nous sachions que nous sommes une force, afin de former une alliance et nous fixer un nouveau départ. Vous voulez que je vous dise? Ça a déjà commencé à se manifester. A l’issue de ces élections, n’est-ce pas un seul parti qui en a contesté les résultats ? N’est-ce pas le seul qui se lamente? Avez-vous entendu un autre parti faire de la sorte? Un seul parti peut-il triompher sur la volonté de tout un peuple? Dieu a déjà tout arrangé, bientôt, vous verrez les Burundais unis dans une même alliance. Il y a toujours un petit crétin au sein de la famille. Il doit toujours y avoir des gens qui nuisent. Et j’aime cette phrase de notre sage quand il a dit qu’il y a toujours besoin de saboteurs car ce sont eux qui nous stimulent. »
Exercer son droit légitime à la contestation, par la voie légale, des résultats provisoires du triple scrutin du 20 mai et, ce faisant, s’attirer les foudres du candidat arrivé en tête de la présidentielle est chose inédite en démocratie.
La quête d’une union nationale escamotant la réalité des foules compactes que drainaient les meetings du Cnl établit un compromis mou que la masse critique du changement fera vaciller comme une flamme de bougie dans le vent. Cette quête en pleine compétition démocratique instaure un rapport problématique à la contradiction.
L’outrage n’est plus seulement structurant – tous les audios de militants du Cndd-Fdd circulant sur les réseaux sociaux ou les chansons à la gloire du parti de l’Aigle ont l’invective comme ressort -, il devient hautement politique, assumé au plus haut niveau. Et ce à la faveur des trois jours de prière d’action de grâce, de « célébration » des militants du Cndd-Fdd, 10 jours après l’annonce de la victoire à l’élection présidentielle de leur candidat, l’actuel secrétaire général du parti.
La raison du plus fort avance masquée – sans pour autant se départir du registre martial – pour faciliter le ralliement à sa cause. Lequel s’avère être l’impuissance apprise se muant en culture de la résignation car étendue à la nation. S’unir revient ainsi à se ranger derrière l’ « homme fort » du moment. La contradiction est tolérée, le temps de la campagne électorale. Oui à la critique, à condition de finir par rentrer dans le rang. « Je pense qu’on est arrivé aujourd’hui à l’heure où on ne devrait plus parler des seuls militants du Cndd-Fdd mais comprendre que tous les Burundais, ensemble, nous formons une seule nation. » L’enjeu, c’est d’avoir raison de l’autre, ce n’est pas d’avoir raison.
«Un seul parti peut-il triompher sur la volonté de tout un peuple ?» Dans des conjectures politiques et historiques particulières, ce qui a été, c’est ce qui sera et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera.
Guibert Mbonimpa