Les élus du peuple se sont réunis en session extraordinaire ce mardi 11 septembre. Les débats portaient sur le récent rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi. Ils en rejettent les conclusions.
Près d’une semaine après sa sortie, le rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi provoque un tollé au parlement. Au palais des congrès de Kigobe, les parlementaires ne cachent pas leur colère.
Trois membres du gouvernement sont sur place. Les ministres ayant l’Intérieur, la Justice et les Droits de l’homme dans leurs attributions. Ils sont venus pour faire éclairer les élus du peuple sur les différents points évoqués dans ledit rapport. Ils recueilleront également les arguments de la part du parlement qu’ils avanceront à la commission. Ils sont en partance vers Genève. Pour rappel, ledit rapport retrace une situation sombre sur les droits de l’homme au Burundi. Des institutions de l’Etat dont le président de la République sont remises en cause.
Retransmis en direct sur la Radio-Télévision nationale, les débats se dérouleront pendant près de 5h. Presque tous les intervenants déplorent un rapport «biaisé», «bâclé», «vidé de tout esprit scientifique».
Tout au départ, le président de l’Assemblée nationale n’en revient pas. Pascal Nyabenda fustige des rapports incessants, toujours similaires depuis 2015. «Quiconque peut se demander si la crise de 2015 est la plus tragique par rapport aux autres que le Burundi a connues». Il s’offusque contre la ‘‘passivité’’, le ‘‘silence’’ de l’ONU lors de l’assassinat du prince Louis Rwagasore en 1961, de l’hécatombe de 1972 et de l’assassinat du président Melchior Ndadaye en 1993. «L’Onu était là, ses différents conseils également. Qu’ont-ils faits ?»
De son côté, Révérien Ndikuriyo, président du Sénat appelle les commissaires de l’Onu à avoir le courage de démissionner. A l’instar de leur prédécesseur, Fatsah Ouguergouz, qui a remis son tablier «après avoir remarqué qu’il ne pouvait pas demeurer dans le mensonge».
Pour ce président de la chambre haute du parlement, ledit rapport est d’autant plus faux qu’il diffère de celui de Michel Kafando, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies. Le rapport de ce dernier est positif du fait qu’il a été au Burundi. En plus, il a une équipe permanente au Burundi. «Les autres n’ont fait que relayer des rumeurs colportées par des sources biaisées».
Ce que reprendra Pascal Barandagiye, ministre de l’Intérieur. «Quel autre rapport pouvaient-ils produire vu l’échantillon choisi pour enquête ?» Il incrimine notamment le royaume de Belgique. «Ce pays n’est pas neutre par rapport à la situation au Burundi». Et d’exhorter les auteurs du rapport à demander pardon au peuple burundais.
«Il faut user d’un langage diplomatique»
Agathon Rwasa, vice-président de la chambre basse du Parlement et président de la coalition des indépendants ‘‘Amizero y’Abarundi’’, notera une «amélioration par rapport à la situation de 2015». Aussitôt de nuancer : «Cependant, l’intolérance politique persiste, et en pareil cas, il est impensable que de tels rapports ne soient pas produits».
Il demande ainsi au gouvernement de «mettre un terme à cette intolérance pour éviter des rapports qui le déplaisent». Pour lui, c’est aux Burundais de faire de leur mieux s’ils veulent échapper à telles accusations.
Des propos soutenus par Fabien Banciryanino, député indépendant. Selon lui, la situation n’a pas changé : «Simplement, il n’y a plus de cadavres éparpillés par-ci et par-là dans les routes». Du Couac et du silence dans l’hémicyle.
Des gens continuent de partir en exil. En guise d’exemple, il évoque les tambourinaires qui se sont récemment «volatilisés» en Suisse. «Qui en sait les motifs ?» Ce député élu dans la circonscription de Bubanza dénonce également une insécurité persistante. «En témoigne un couvre-feu à 20h en commune Gihanga de la province Bubanza».
Et ce n’est pas tout. Fabien Banciryanino parle également de l’emprisonnement des membres de l’opposition pour avoir appelé à voter le ‘‘non’’ au dernier référendum. Et d’ajouter ceux qui ont purgé leurs peines mais qui restent toujours sous les verrous.
Selon lui, le rapport de Kafando ne s’écarte pas du tout de celui de cette commission d’enquête. «Sauf que M. Kafando a su le présenter avec diplomatie». M. Banciryanino conseille le gouvernement d’user du langage diplomatique. Il devrait permettre aux commissaires d’arriver au Burundi afin qu’ils se rendent compte de la réalité prévalant au pays.
Cette intervention du député Banciryanino poussera la ministre de la Justice à durcir le ton. Aimée Laurentine Kanyana met en garde de «tels députés qui tiennent des propos non rassurants, et dont ils n’ont pas de preuves». Elle menace de les poursuivre en justice : «Nous allons demander au président de l’Assemblée nationale de les traduire devant la justice pour qu’ils donnent les preuves de leurs affirmations».
La séance, clôturée vers 14h, sera sanctionnée par une déclaration. Cette dernière demande au gouvernement de porter plainte contre les auteurs de ce rapport polémique et d’exiger la réparation du préjudice dont ils sont à l’origine.