Notes de lecture de « Hutsi, au nom de tous les sangs »
Par Becky Claude Ntahuga
Une pépite ! Je referme « Hutsi, au nom de tous les sangs », plein d’émotions et d’admiration pour ce récit bouleversant et touchant. Cette plume chargée d’humanité et de tolérance.
Je n’ai pas lu ce récit… Je l’ai vécu. Une immersion totale. Je me suis retrouvé plongé, emporté dans cette histoire dès les premières lignes.
J’ai vibré, pleuré, tremblé de peur, ri d’espoir tout au long des pages .
Car Hutsi est aussi mon histoire. Avec quelques nuances bien sûr.
En lisant ce livre, des souvenirs, des questions ont refait surface. J’ai pensé à mes frères et sœurs : Gédéon, David et Nadine. Comme Aloys, ils ont perdu leur père dans cette « crise de 72. »
Ils n’ont jamais su la destination finale de leur papa ! Il était parti au travail et il n’est jamais revenu.
J’ai tant de questions que j’ai eu toujours envie d’aborder sans y parvenir.
Ah, ma mère ! Quelle force incroyable ! Quelle histoire ! Elle, une Hutu, veuve, va tomber amoureuse d’un Tutsi deux ans après 72 qui venait de lui emporter son mari, un Hutu.
J’ai tant de questions, souvent sans réponse…Comment a t-elle vécu ma naissance, moi fils d’un Tutsi dans cette période et dans ce pays où les extrémistes ont la cote ?
Mes parents se sont remariés en 1974, mon père Tutsi venait de quitter sa femme Tutsi pour épouser ma mère hutu, veuve de 72. Et de ce fait, j’ai donc des frères et sœurs Tutsi 100%, des Hutu 100% et… des « Hutsi ». Une famille complexe dans notre Burundi divisé, un vrai cocktail ! Mais un cocktail d’amour ! Imaginez : en 1992, mon papa était affilié à l’Uprona et ma mère militante du Frodebu ! Mes parents étaient donc adversaires sur le plan politique, mais toujours dans la bonne humeur. Je tiens peut être de mes parents mon amour du débat contradictoire, cet attachement à la liberté et l’indépendance de la pensée. Je suis un homme libre.
Comme la mère d’Aloys, Maman a réussi à faire régner l’harmonie dans cette famille où tout se mélange…
A mon père qui nous a aimés, tous, ses enfants biologiques, les enfants du premier mariage, un amour sans distinction.
Papa est parti trop tôt, j’aurais aimé lui poser des questions qui me hantent encore aujourd’hui… J’aurais aimé qu’il me donne les codes et la source de sa force.
Autant de questions que la lecture de ce livre m’a permis d’aborder enfin. Et cela me donne envie d’avancer sur mon propre livre.
Il n’y a pas longtemps un compatriote Burundais m’a attaqué lors d’une fête, en me disant que j’étais Tutsi. Je lui ai répondu, à voix haute pour que tout le monde l’entende : « Oui, je suis fier d’être Tutsi et Hutu à la fois ! Je lui ai dit qu’il n’était pas plus Hutu que moi qui ai passé 9 mois dans le ventre d’une Hutu. Que ce mélange est une force, un atout qui m’a permis de traverser indemne les différentes crises qui ont secoué le Burundi… »
Cher Aloys, je peux te rassurer que notre beau pays guérira de toutes ces blessures. Toi et moi, comme plusieurs d’ailleurs, sommes la preuve vivante que le monde de demain appartient aux « métis » et autres « mélangés », ceux qui peuvent dépasser, casser les frontières qu’elles soient raciales, claniques, géographiques …
Merci à Aloys et Tony pour ce livre passionnant. Il est bien écrit et se lit facilement. Dès la première ligne, l’histoire d’ Aloys te captive et ne te lâche pas, jusqu’à la fin. Je vous le recommande chaleureusement…