En cette période pluvieuse, les gens ne se rendraient pas au marché de Kamenge s’il pouvaient faire leurs courses ailleurs. Contrairement aux autres bien construits dans plusieurs communes urbaines, ce marché est répugnant, dégage des odeurs nauséabondes. D’une insalubrité notoire.
<doc1991|left>Tout le monde patauge dans la boue dans ce marché. Il est situé tout près de la seule route goudronnée traversant la commune Kamenge, sur la rive ouest de la rivière Nyabagere, à l’est du Centre Jeunes Kamenge .
Une odeur suffocante provenant des restes des feuilles des choux, des patates douces pourries, des écorces d’avocats, des excréments humains et des chèvres qui circulent dans le marché,… provoque la nausée . On se demande comment ces petits commerçants parviennent à y passer toute la journée, derrière leurs marchandises. Des mouches attirées par l’odeur des brochettes des porcs grillés en face d’un tas des déchets ont investies l’endroit comme un essaim d’abeilles. Une monticule de déchets se constitue petit à petit et les chèvres s’y rassemblent pour dévorer les restes des choux,…
A la moindre petite gentille pluie, le marché devient bourbeux, glissant…
Dans sa partie orientale, de petits étalages sont érigés. Obsolètes, ils sont construits en vieux tôles rouillées et couverts de sacs usés. Ces petites boutiques de fortune très vulnérables au moindre courant de vent, sont installées tout près d’une fosse qui grignote de la terre vers la rive ouest de la rivière Nyabagere. Un danger dont personne ne semble mesurer l’ampleur. Dans ce marché, il y a quand même des commerçants qui ont pu construire des kiosques en planches…. dans la boue.
« Le malheur ne vient jamais seul »
Sur la rive de la rivière Nyabagere, un grand fossé se creuse de plus en plus et s’approche de ces petits étalages. Quelques commerçants ont déjà vidé les lieux de peur d’être noyé un jour: « Nous nous demandons où vont les 200Fbu que nous payons chaque jour, » s’interroge une commerçante d’huile de palme. Elle indique qu’ils n’ont pas d’autres choix que de tenir: « Quand il pleut, nous sommes obligés de rentrer puisqu’il n’y a pas des hangars ou de maisons pour nous abriter. Même la maison qui servait de hangar a été détruite pendant la crise de 1993 et personne n’a jamais songé à la réhabiliter », s’indigne Emmanuel Ndikumana un autre commerçant.
Les rares latrines sur place sont toutes bouchées par manque d’eau. On se demande donc où se soulage tout ce monde au moment où le marché a presque doublé d’espace d’occupation. D’autres commerçants ne cachent pas leur colère contre l’administration, les députés et sénateurs natifs de Kamenge : « On se demande ce qu’on a fait pour mériter tous ces malheurs. Où sont nos parlementaires et nos sénateurs ?» Ils crient au secours, car, selon eux, la commune Kamenge semble être oubliée alors qu’elle devait être prioritaire: « Nous avons tant souffert pendant la crise. Et voila même ceux qui ont contribué à la destruction de notre commune n’y pensent jamais.»