Plus de 11 jours que des habitants venus de Mutambara campent devant le bureau de l’Ombudsman. Ce dernier leur avait promis de résoudre leur problème ; mais rien n’y fait. Selon eux, huit mois après la destruction de leurs maisons, ils ne pouvaient plus rester les bras croisés…
<doc2221|left>Deux semaines et quatre jours que trois cents habitants dont 90 enfants, 110 femmes et 100 hommes venus de Mutambara, commune Rumonge, province de Bururi, passent la nuit à la belle étoile dans des conditions inhumaines, devant et aux alentours du bureau de l’Ombudsman, en plein centre de la capitale burundaise.
L’Avenue du 18 septembre est devenue comme un camping : des tentes en bleu accrochées à des murs des clôtures des bureaux situés sur cette avenue, des femmes qui font la cuisine en pleine rue. A coté d’elles, de vieux matelas et des affaires personnelles emballées dans des pagnes sales ou dans des sacs en plastic, des enfants qui jouent dans la rue. Sur les visages des passants se lit l’étonnement. Certains s’arrêtent pour demander ce que tous ces gens font et pourquoi. D’autres continuent leur route, indifférents. Sensible à cette misère, certains donnent un peu d’argent ; d’autres partent en leur promettant de revenir avec un petit présent.
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{Des maisons des habitants du site de Mutambara ont été détruites par l’administrateur communal de Rumonge sur ordre du gouverneur de la province de Bururi, le 25 mai 2011. Par la suite, l’Ombudsman avait rencontré les « délogés » et promis de résoudre leur problème. Par après, une commission chargée de gérer cette question a été mise en place.}
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Des conditions de vie difficiles, puisque c’est la saison des pluies. Quand la pluie tombe, ceux qui n’ont pas de tentes s’assemblent en groupes de quatre sous un parapluie ; d’autres parviennent difficilement à se caser sous les tentes face aux murs. « Les enfants commencent à souffrir des conséquences nocives du froid », raconte une mère qui arrive difficilement à tenir en place son fils de quatre ans qui veut continuer à jouer sous une pluie battante. Le pire est l’insalubrité des lieux : ni poubelles ni sanitaires. Ils utilisent les toilettes des maisons avoisinantes; mais les propriétaires commencent à en avoir assez.
Désolation pour une partie de la population restée à Mutambara. La plupart d’entre eux dorment à même le sol. Leurs maisons ont été brûlées ou démolies. Assise à côté des restes de sa maison, Delphine Nizigiyimana n’a plus d’espoir : « Je crains pour la santé de mes enfants qui n’ont plus de quoi se couvrir pendant cette période pluviale. » Cette mère de quatre enfants indique que tout a été emporté par le feu, le 25 mai de cette, quand la police a brûlé leurs maisons sous les ordres du gouverneur de Bururi. Sous une pluie fine, Frédéric Siniremera, lui aussi resté à Mutambara, raconte que l’Ombudsman burundais leur avait promis de vivre sous les tentes en attendant que leur situation se débloque: « Nous n’avons rein reçu et certains d’entre nous ont alors décidé de retourner au bureau de l’Ombudsman. » Ces sinistrés de Mutambara demandent à Muhamed Rukara d’honorer ses engagements dans les meilleurs délais.
Y rester coûte que coûte…
Selon eux, c’est par désespoir, impuissance, protestation contre les promesses non tenues des autorités qu’ils ont quitté Mutambara : « Nos problèmes ont été jetés dans les oubliettes. Qu’avons-nous fait pour mériter une vie pareille ? Qu’une autorité administrative détruise nos maisons et que le gouvernement cautionne cela, c’est incroyable. Pourtant c’est ce qui nous est arrivé! »
Ces habitants venus de Mutambara sont de deux groupes : ceux dont les maisons ont été brulées puis détruites et ceux qui ont été délogés du « village de paix » de Mutambara II. Ceux du dernier groupe affirment avoir des parcelles avec documents en bonne et due forme attestant que ces parcelles leur appartenaient : « Paradoxalement, ce sont seulement les résidents qui ont été expulsé alors qu’avant la construction du « village de paix », nous y vivons. »
Ils regrettent qu’après plus d’une semaine passée sur l’Avenue du 18 septembre, aucune autorité administrative ne soit venue les voir. A défaut de trouver une solution à leurs problèmes, elles auraient dû, au moins, leur apporter de quoi se mettre sous la dent. Ils demandent à être rétablis dans leurs droits, sinon ils ne quitteront les lieux, quitte à y laisser leur vie. « Tant qu’on ne nous aura pas rendu nos parcelles, nous resterons ici. C’est le gouvernement qui a voulu qu’on vive ainsi. Il devra aussi nous donner des tôles et des arbres. »
Une destruction illégale
Pour Emmanuel Ntakarutimana, président de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH), c’est déplaisant que des citoyens burundais vivent dans de telles conditions. Il affirme que la destruction de leurs maisons est illégale. Selon lui, le problème aurait du être réglé à l’amiable sans le recours à la force. Comme l’Ombudsman a été saisi de la question, le président de la CNDH ne veut pas s’ingérer ou intervenir dans cette affaire. Toutefois, il promet de suivre de près la question.
Nous avons tenté de joindre le bureau de l’Ombudsman. Mais la promesse que ses cadres nous avaient donnée n’a pas été tenue.