Vendredi 22 novembre 2024

Politique

« Le langage des accusations incite à la haine, la vengeance et des violences de masse»

05/11/2019 Commentaires fermés sur « Le langage des accusations incite à la haine, la vengeance et des violences de masse»
« Le langage des accusations incite à la haine, la vengeance et des violences de masse»
Dismas Ndayikengurukiye, coordinateur national de Greenland Alliance (ASBL)

Lorsqu’un événement malheureux se produit, les groupes se rejettent souvent la responsabilité. Ils cherchent un bouc-émissaire. C’est un langage des accusations. Dismas Ndayikengurukiye, coordinateur national de Greenland Alliance(ASBL), explique ce langage et comment y faire face.

Comment peut-on reconnaître un langage des accusations ?

Par langage des accusations, on entend la tendance à imputer le crime à un groupe ou une catégorie de gens. Dans la plupart des cas, elles s’avèrent infondées. C’est un langage qui élabore des versions pour trouver une explication à un évènement qui s’est produit. C’est un désir humain de trouver les auteurs. Par-là, les gens en profitent pour inventer des histoires. Un groupe entier est incriminé comme ennemi du pays. Les gens n’attendent pas que des institutions habitées fassent des enquêtes, établissent des responsabilités. Ils sombrent directement dans la globalisation.

L’exemple de 1993 est probant. Quelques jours après l’assassinat du président Melchior Ndadaye, sans avoir la version officielle des faits, des Hutu  se sont mis en tête qu’il a été assassiné par les Tutsi. Mais ce ne sont pas tous les Tutsi qui se sont réunis pour décider ce crime. Jusqu’à nos jours, la vérité n’a pas encore éclatée.

Le langage des accusations aurait eu des conséquences ou peuvent en avoir au Burundi ?

Le langage des accusations incite à la haine, la vengeance et des violences de masse. Ceux qui consomment ce message le considèrent comme un appel à l’action.  D’emblée, un groupe s’apprête à affronter l’autre camp considéré comme ennemi tandis que celui-ci  reste sur la défensive. Le sang des innocents a été versé. Après l’assassinat du président démocratiquement élu, les gens se sont entretués, à l’intérieur du pays. Des familles de l’ethnie Tutsi ont été des victimes. La population n’a pas attendu une version officielle. Cela a été l’élément déclencheur de la tragédie que le Burundi a connue.

Est-il possible d’éviter  ce langage? Et comment ?

Il y a deux choses pour prévenir ce langage. Premièrement, il faut que les leaders  politiques prennent leurs responsabilités et fassent attention à leurs propos. Qu’ils réfléchissent d’abord en mesurant leur impact sur l’audience, c’est-à-dire les membres de leurs catégories et ceux accusés injustement. Leurs adeptes peuvent considérer leurs adversaires comme incarnant le mal.

Pour la population, il faut avoir un esprit de discernement. Essayer de savoir ce qui se cache derrière ces accusations. Etre patient et donner du temps aux organes compétents pour apporter la lumière sur les crimes. La responsabilité pénale est individuelle. Dans cette période post-conflit, il est extrêmement dangereux d’utiliser ce langage car il y a risque d’éveiller les vieux démons.

 

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