Le Frodebu a difficilement pu tenir une réunion à Bubanza. Il accuse la jeunesse du parti au pouvoir. Le gouverneur de province parle de « mauvaise communication »…
« Des Imbonerakure ont intimidé nos membres afin de ne pas participer à notre réunion », accuse Ferdinand Sindayigaya, responsable provincial de Sahwanya Frodebu à Bubanza. D’après lui, l’incident survient dimanche 26 avril. Son parti organise une réunion pour renforcer les organes au niveau de toutes les collines. L’administration est informée comme la loi l’exige. « Le gouverneur, le commissaire provincial de police et l’administrateur communal de Bubanza étaient informés une semaine avant.»
La veille, indique le responsable du parti au niveau provincial, des rumeurs circulent quant à la perturbation de la réunion. Mais ce dernier ne leur accorde pas de l’importance.
Des intimidations
Dimanche aux environs de 7 h 30 minutes, un camion est en route vers Muramba pour transporter les tambourinaires et leurs tambours. Ce centre se trouve à 7 kilomètres du chef-lieu de la province. M.Sindayigaya assure que des jeunes du parti au pouvoir de cette localité vont bloquer son passage. Un combat est alors engagé. « Le convoyeur a été légèrement blessé à la bouche et le chauffeur a été descendu du véhicule et frappé », raconte Ferdinand Sindayigaya. Quelques minutes après, une vingtaine d’Imbonerakure venus du chef-lieu de la province arrivent sur les lieux pour renforcer l’équipe.
Certains militants de Sahwanya Frodebu affirment que des jeunes du parti au pouvoir se sont postés sur différents axes menant au chef-lieu de la province. « Ils se trouvaient à Nyamitaka, Gitanga, Kanama et Minyari. Pour arriver au lieu de rencontre, il fallait cacher les insignes du parti», indique N.H., membre du Frodebu. Malgré ces intimidations, poursuit notre source, la réunion a eu lieu, même si les membres étaient pris de panique.
Ferdinand Sindayigaya rappelle que les réunions prévues le 13/2/2013 à Murengeza, le 23/3/2013 à Gatura et le 30/3/2013 à Mitakataka ont été empêchées par l’administration.
« Les activités des partis sont autorisées »
Anselme Nyandwi, gouverneur de la province Bubanza, soutient que les partis politiques exercent librement leurs activités. Concernant le cas du Frodebu, le gouverneur Nyandwi parle d’une absence de communication. Pour lui, ce parti n’a pas de tambours et a voulu utiliser ceux du CNDD-FDD en corrompant quelques membres, ce que les militants du parti au pouvoir n’ont pas accepté. Cependant, le gouverneur reconnaît qu’il aurait résolu cette question s’il avait été mis au courant. Pour éviter des dérapages, Anselme Nyandwi a signalé qu’il a donné son numéro de téléphone à tous les responsables des partis politiques dans sa province pour l’appeler en cas de problème.
D’autres cas similaires…
Olivier Butoyi, représentant du comité des jeunes du MSD à Bubanza, a passé quatre jours au cachot de la zone Muzinda. Il a été libéré ce mardi. Des informations recueillies sur place font savoir qu’il a été arrêté par l’administrateur de la commune Rugazi. En province Cibitoke, des Imbonerakure sont en train d’effectuer un recensement pour savoir l’appartenance politique de chaque habitant. Néanmoins, Edouard Nduwimana, ministre de l’Intérieur nie les faits. Dans d’autres coins du pays comme à Bururi et Kirundo, des jeunes du parti au pouvoir et des membres des autres formations politiques en viennent aussi, quelquefois, aux mains.
Chauvineau Mugwengezo, porte-parole de l’ADC-Ikibiri, demande au gouvernement de prendre au sérieux ces menaces des Imbonerakure afin de prévenir la vengeance des jeunes autres partis.
Quid de l’esprit de l’atelier du BNUB ?
Malgré cette violence politique, la classe politique burundaise avait pris des engagements dans la feuille de route adoptée lors de la conférence tenue du 11 au 13 mars 2013 dans les enceintes du BNUB. Ils se sont convenus de s’assurer que la jeunesse affilée aux mouvements politiques contribue de manière constructive à un environnement propice pour les élections. Ils ont également décidé d’établir un environnement sécuritaire qui protège tous les acteurs politiques et qui facilite leurs activités, ainsi que la libre participation de la population au processus électoral.
« Une ouverture fermée »
Le professeur Jean Salathiel Muntunutwiwe, politologue, estime que la réunion du BNUB était venue faire pression sur les acteurs politiques surtout le gouvernement : « Il y a beaucoup de contestations et de dénonciations de la mauvaise gestion et la communauté internationale est également touchée. » Il constate que c’est la raison qui l’a poussé à céder à une partie des revendications des acteurs contestataires. Néanmoins, il fait remarquer que le même gouvernement a gardé une autre tactique de contrôler la mise en application de ce texte. Pour ce politologue, le compromis de l’atelier du BNUB allait permettre aux partis de l’opposition de diffuser leur idéologie sur le terrain, ce qui revenait à réduire la force politique du CNDD-FDD. Par conséquent, explique-t-il, ce parti va utiliser les Imbonerakure.
M.Muntunutwiwe parle alors d’une ouverture fermée des descentes sur terrain des partis de l’opposition : « Le gouvernement adopte une ruse d’instrumentalisation de la jeunesse Imbonerakure pour empêcher la tenue des réunions des partis. » Et d’ajouter que la liberté d’expression politique est encadrée par les autorités locales : « C’est le cas qui est arrivé au jeune du MSD de Bubanza, Olivier Butoyi. » Le politologue indique qu’elle est aussi fermée par le fait de contrôler les membres des autres partis politiques par un recensement illégal à Cibitoke.
Il assure que cette stratégie est contre productive parce qu’elle est interprétée comme un double langage du gouvernement : « Il reconnaît l’opportunité d’un espace politique apaisé lors des réunions officielles, mais sur le terrain il utilise des appareils répressifs de l’Etat, comme la police aidée par les Imbonerakure. » La conséquence, selon lui, est que la pression va continuer et des sanctions seront prises comme le blocage de l’aide bilatérale.