L’annonce de cette nouvelle rébellion n’a pas vraiment été une surprise pour les observateurs de la politique burundaise. Elle vient battre en brèche la version gouvernementale des "bandits armés". N’en déplaise au gouvernement qui avait toujours imputé toutes les attaques à des bandits armés, plusieurs sources faisaient état d’un ou des groupes ayant tous les traits d’une nouvelle rébellion. Depuis le mois d’avril, des embuscades ou des attaques sur des positions de la police ou de l’armée avaient eu lieu dans les provinces de Bujumbura rural, Bururi et Cibitoke. Puis des proches d’insécurité sont apparues à Cankuzo et Ruyigi, plus récemment. Et si le gouvernement continuait à parler de bandits armés, c’était en partie parce que personne n’avait encore revendiqué ces attaques. Mais avec l’apparition de Kabirigi, cette version des faits tiendra difficilement la route. Une communication légitimante Les spécialistes en conviennent. L’apparition de quelqu’un qui assumé la paternité d’un mouvement rebelle est de nature à entamer la crédibilité du pouvoir qui avait, jusqu’ici, avancé la version de bandits armés. Et cela ne peut pas être sans impact sur les bailleurs de fonds et les investisseurs potentiels. Par ailleurs, la conférence de presse du chef d’Etat major de la Force de Défense Nationale n’en a pas moins confirmé la menace du phénomène. Pour minimiser Kabirigi, ce n’est pas un officier de son rang qui aurait dû faire ce genre de sortie médiatique. Pour parler de ce « garçon », « bandit » ou « escroc » le pouvoir aurait été mieux inspiré de confier la tâche au porte-parole de la police ou, à défaut, à celui de la FDN. De même, pour avoir eu un passé trouble comme celui d’un escroc ou bandit, on n’en devient pas moins nuisible quand on est armé. Des chefs de guerre comme Charles Taylor s’étaient rendus coupables de vol. Problématique base arrière pour le FRD Malgré les tares du pouvoir et les hommes qu’ils combattent, Pierre Claver Kabirigi auront la tâche plus difficile pour cause de moins de soutiens extérieurs que le Cndd-Fdd à l’époque du maquis. Géopolitiquement parlant, la Tanzanie pourra difficilement devenir ou rester une base arrière de mouvement à l’heure où l’on parle d’accélérer l’intégration régionale dans l’EAC par fédération politique et défense commune interposées. Il est vrai qu’à partir d’un territoire aussi vaste que celui du pays de Jakaya Kikwete, des incursions sur le territoire burundais sont possibles. Mais, très probablement, ce ne sera pas avec l’assentiment de son gouvernement. Restera alors la possibilité d’un front à partir de l’Est du Congo. Car ce territoire est réputé difficile à contrôler. Plusieurs groupes armés y pullulent. Et c’est, de l’avis de plusieurs spécialistes des Grands Lacs, un marché d’approvisionnement et un débouché pour les marchands d’armes. A quoi pourrait servir dans ce cas la coopération dans le cadre du Pacte sur la paix et la stabilité signé par les pays membres de la Conférence internationale pour la Région des Grands Lacs ? Pas à beaucoup de choses, à moins d’améliorer d’abord la gouvernance en luttant contre les détournements, malversations et autres violations des droits de l’homme.