Des assemblées générales suspendues, des accusations qui fusent de toutes parts et un bilan en demi-teinte, la présidence de la Fédération de Football du Burundi est dans l’œil du cyclone. Depuis deux mois, plus de capitaine à bord. Le football burundais va sombrer.
<doc7835|left>Qui sera le prochain président de la Fédération de football du Burundi (FFB) ? La réponse ne sera pas connue le 5 mai comme attendu puisque l’assemblée générale prévue à cet effet a été suspendue ce 15 avril.
Le conflit empoisonne la vie du football burundais depuis maintenant cinq ans et s’est encore renforcé ces deux derniers mois. En effet, le mandat de l’organe dirigeant de la FFB a expiré en février dernier. Celui des présidents des associations provinciales de football en 2008, déjà.
Suite à l’expiration de tous les mandats des organes dirigeants, désormais personne n’a de prérogatives pour organiser une quelconque activité. L’Assemblée nationale a donc demandé la mise en place d’un audit interne et externe au sein de la FFB, le vote de nouveaux textes de loi (notamment sur le sponsoring) et l’actualisation des statuts et règlements de la fédé de football.
Gestion frauduleuse et opaque
Mais en dehors des mandats expirés, c’est bien la gestion de la présidente sortante, Lydia Nsekera, qui est remise en cause. « Les journalistes, qui dénonçaient cette mauvaise gouvernance, m’ont poussé à démissionner le 25 février dernier. Je me sentais coupable d’avoir participé à faire régresser le football burundais », témoigne Emile Ngwabayinkovu ancien président de l’Association de football de Muyinga.
<doc7833|left>Durant son premier mandat, raconte Emile, Mme Lydia Nsekera virait tout l’argent de fonctionnement sur nos comptes respectifs : « Mais, en 2008, elle décide d’opter pour une gestion opaque. Nous recevions des chèques, nominativement de la Fédération, salaire et bonus inclus. Elle veut que personne ne contrôle. » Il ajoute que la présidente a également prolongé leurs mandats pour arriver en 2013. C’était une stratégie, note le président démissionnaire, pour assurer son élection en comptant sur nos voix.
Cette gestion opaque est aussi décriée du côté des clubs. Le président de l’Inter FC, El Hadj Hussein Nzisabira, appelle la FFB à faire preuve de transparence dans la gestion des fonds et dans les rapports financiers relatifs. « Ces derniers devraient être accessibles à tous les membres de l’Assemblée générale. Or, seules deux personnes ont le droit d’apposer leurs signatures sur les documents en rapport avec les fonds. C’est le président et le vice-président de la FFB », regrette-t-il.
Absence de résultats probants
M. Nzisabira énumère une partie des sommes d’argent qu’il juge être mal gérées : plus de 500.000 $ de bonus de la Coupe du monde en Afrique du Sud, 250.000 $ du Programme d’Assistance Financière de la FIFA, des subsides de 37.000 $ venant de la CAF presque chaque année, l’argent que la Brarudi octroie pour les compétions d’Amstel et Primus ligue, etc.
Avec un air renfrogné, il rappelle que le football burundais n’a jamais connu de résultats satisfaisants durant le mandat de Mme Nsekera. Que ce soit les équipes d’âge, le football féminin ou olympique. Aucune n’a dépassé les tours préliminaires à part Lydia Ludic.
Le président de l’Inter FC propose l’organisation d’un forum en la matière : « C’est du choc des idées que jaillit la lumière. » Ce dernier propose que soit nommé, par l’assemblée générale, un trésorier comptable "compétent, professionnel et honnête" pour être la troisième personne à signer les documents budgétaires. Si les deux présidents sont absents, le trésorier comptable co-signerait avec des commissaires aux comptes.
<doc7832|right>L’Honorable Révérien Ndikuriyo, président du club Aigle Noir FC et candidat déclaré à la succession de Mme Lydia, abonde dans le même sens que son homologue: « Notre combat se base sur la loi. La présidente de la FBB fait souvent des appréciations personnelles et décide sans aucun consensus avec les membres de l’assemblée générale. » Même son de cloche chez Alphonse Rugambarara, président de Prince Louis, ancien secrétaire et président de la FFB. « Le football burundais va très mal. Quelqu’un qui tente de réclamer ses droits, de dénoncer les malversations, est irrémédiablement condamnée et pourchassée. »
Le 25 janvier 2009, les grands opposants de Lydia Nsekera, M. Rugambarara en tête, ont été exclus de la Fédération pour une période variant d’une année à sept ans. Ceux qui suivent de près le football burundais, indique l’homme fort du Prince Louis, savent tout le mal que la présidente inflige à ce sport.
L’entourage serait à incriminer !
Face à cette volée de bois vert, certains prennent la défense de la présidente démissionnaire. C’est le cas de Déo Ngendahayo, président du club Inter Star : « Je n’ai jamais entendu de plaintes avec preuves à l’appui, à l’endroit de la FFB. Ce conflit est généré par des ambitions électorales de ceux qui veulent la remplacer. Ils veulent la démotiver. » Pour lui, il faut surtout remplacer l’entourage de la présidente de la fédération, ils ont un niveau très bas. Il ne comprend pas pourquoi la FIFA, la CAF,… peuvent continuer à donner de l’argent sans recevoir en retour des rapports : « Ils ont les moyens de contrôler. S’il y a eu des malversations, les coupables doivent être punis, les erreurs peuvent se corriger. »
Il félicite Mme Nsekera pour sa direction de la FFB. Le président d’Inter Star énumère certaines des réalisations accomplies grâce à elle : construction d’un centre technique, d’un bureau de la fédération, des entraîneurs sont venus s’occuper de nos équipes, beaucoup de stades construits pour la première fois avec des standards internationaux. Pour lui, ce dynamisme, aussi remarquable, doit continuer.
<doc7834|right>En attendant, Lydia Nsekera se tait et lance sa campagne électorale pour être reconduite. Lors d’une conférence de presse tenue il y a moins de trois mois, elle s’était étonnée que, sur les 23 fédérations sportives au Burundi, la fédération de football était la seule à subir une telle pression (allusion aux différentes correspondances reçues du ministère de tutelle et de la présidence de la République). Pourtant, a-t-elle ajouté, il y a au moins neuf fédérations qui sont dans ce même cas d’irrégularités électives. Elle a cité à titre d’exemple le cas des fédérations de gymnastique.
Rappelant que la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) n’avait pas donné de date limite, Lydia Nsekera a indiqué que les élections de 2009 avaient eu lieu au mois de juin : « Il n’y a pas de maison qui brûle ! » Il suffit tout simplement de consulter le calendrier afin de voir le moment opportun, avait-t-elle affirmé. Mais voilà, l’élection est suspendue et avec elle tout le football burundais. Mme Nsekera a néanmoins décliné toute responsabilité en cas de naufrage.