Arrêt des cours à l’Université du Burundi. Quatre représentants des étudiants sont toujours dans les cachots du Service national des renseignements. Une situation qui ne semble pas émouvoir le recteur de cette institution.
«La grève continue car aucune de nos revendications n’a été satisfaite.» C’est la réaction de certains étudiants de l’UB. Au Campus Mutanga, ce mercredi 5 avril 2017, plusieurs auditoires étaient vides. Seuls ceux qui sont dans la période de sessions étaient présents. La même situation s’observe au Campus Rohero et Kamenge. «Beaucoup d’étudiants sont retournés chez eux à l’intérieur du pays», indiquent les étudiants. Dans une correspondance envoyée le 24 mars 2017 au président de la République, les représentants des étudiants avaient annoncé la suspension, ce 5 avril dernier, des activités académiques au cas où le décret portant réorganisation du système de gestion des bourses d’études et stages n’est pas abrogé.
Ce lundi 3 avril 2017, les étudiants de l’Institut national de santé publique (INSP) ont emboité le pas à leurs condisciples de l’UB en envoyant une correspondance au chef de l’Etat. Ils demandent la suppression définitive de ce même décret. Ils annoncent eux aussi la suspension des activités, le 14 avril 2017, au cas où il n’y aurait pas une issue satisfaisante à leurs revendications. A l’Ecole normale supérieure (ENS), ils sont en grève depuis le 24 mars dernier.
Des étudiants au SNR et le recteur minimise
Depuis cette lettre, les représentants des étudiants de l’UB se disent traqués par la police. Quatre d’entre eux sont dans les cachots du SNR. Selon le porte-parole de la police, Pierre Nkurikiye, ces étudiants sont poursuivis pour incitation à la violence à l’UB. Les signataires de ce préavis de grève qui sont encore libres vivent cachés, de peur d’être arrêtés. Toutefois, ils assurent qu’ils vont aller jusqu’au bout.
Gaspard Banyankimbona, recteur de l’UB, considère l’arrestation de ces étudiants comme normale car «tous sont majeurs.» Et de signaler que rarement cette institution n’a fonctionné sans qu’il y ait un étudiant en prison. Cependant, il trouve plutôt anormal l’initiative des représentants des étudiants d’écrire au président de la République.
Gaspard Banyankimbona dit que les autorités habilitées ont procédé à l’authentification des signatures figurant sur le document envoyé au président de la République. «Bien que les résultats ne soient pas encore au complet, les résultats préliminaires font état d’une escroquerie ou de faux et usage de faux dans les signatures annexées à ce document.» La plupart des signataires, poursuit-il, n’étaient pas au courant du contenu du document et du destinataire de ce dernier. D’après le recteur, certains noms ne portent pas de signature, mais des numéros de téléphone et d’autres sont signés P.O. «Ce qui montre que les signatures ont été collectées dans le cadre d’une autre réunion. Certains signataires commencent à venir retirer leurs signatures en dénonçant des cas d’escroquerie.»
De fausses allégations?
Gaspard Banyankimbona fait savoir que les responsabilités sont en train d’être rétablies et que les coupables seront punis conformément aux règlements, sans exclure la sanction pénale. Dans la foulée, le recteur distingue, à partir de leurs sources de financement, trois groupes d’étudiants de l’UB. Le premier groupe est constitué des étudiants qui n’ont plus droit à la bourse (communément appelés sinistrés) qui, d’après le recteur, est prêt à accueillir toute sorte de financement. Le 2ème est celui des boursiers qui vivent hors des résidences universitaires. «Ce groupe est confronté aux réalités de la vie. Ils accueilleraient volontiers ce prêt-bourse qui leur permettrait de joindre les deux bouts.» Enfin, le 3ème groupe comprend des étudiants boursiers, nourris et logés par l’UB. Selon le recteur, c’est dans ce groupe où se trouvent les contestataires du nouveau système.
«En déclarant cela, le recteur à ses propres motivations. C’est pas étonnant», répondent les représentants des étudiants. Selon eux, les allégations du recteur ne sont pas fondées. «Au moment de la signature, certains étaient à l’intérieur du pays ou absents. Ils ont alors demandé à leurs camarades de signer à leur place ou de mettre leurs numéros de téléphone. Mais, ils ne sont pas très nombreux» Ils invitent le recteur à faire un saut à la présidence de la République. «Nous avons déposé là-bas une pétition contre ce système de prêt-bourse signée par plus de 7000 étudiants.» Ils s’étonnent d’ailleurs que Gaspard Banyankimbona parle de sanctions sans mentionner la faute qu’ils ont commise. «Le plus important et le plus urgent est de trouver une solution aux problèmes qui minent notre institution», souligne un d’entre eux.
Du riz pour l’achat des consciences?
Ce mardi 4 avril 2017, certains étudiants de l’ENS ont reçu une aide de 5 kg de riz. «L’opération a eu lieu entre 16h et 18 heures. Les bénéficiaires étaient les étudiants qui ont continué les cours après la grève déclenchée le 24 mars dernier», témoigne un des élèves de l’ENS. Le but de cette distribution était d’encourager ces étudiants pour avoir continué à suivre les cours alors que les autres sont en grève.
Certains étudiants bénéficiaires assurent ne pas connaître l’identité de leur bienfaiteur. «On nous a appelé par téléphone pour venir récupérer cette manne.» D’après eux, cette opération était supervisée par un des travailleurs de l’ENS et Ferdinand Ndayizeye, président, fraîchement nommé, de l’Association des Etudiants Futurs Educateurs (ASSEF-Imboneza.)
Révérien Simbarakiye, porte-parole du ministère des droits de la personne Humaine, des affaires sociales et du genre, fait savoir qu’il n’est pas au courant de cette distribution. Ferdinand Ndayizeye n’a pas voulu dire à Iwacu la provenance de cette aide. «Je n’ai pas d’informations à donner. Allez demander à celui qui vous a informé.» Et de déclarer que c’est compliqué.
Epipode Niyongabo, qui se réclame toujours président de l’ASSEF-Imboneza, parle d’un scandale. «A l’ENS, on ne cuisine pas. De plus, ce ne sont pas les étudiants de l’ENS qui ont plus besoin de l’aide. Beaucoup d’autres Burundais meurent de faim.» Pour lui, c’est tout simplement un achat de conscience. «C’est la politique de diviser les étudiants qui continue.»
Requête des étudiants de l’UB torpillée
« Appel des poilissimes patriotes » est un message circulant sur les réseaux sociaux depuis le 29 mars. Ses dix auteurs anonymes appellent leurs cadets du secondaire, les licenciés et les étudiants du public et du privé à entamer des actions de protestation contre ce décret instituant des bourses à crédit.
La logique de la confrontation et cet outrage au Primus inter pares (Nkurunziza signifiant « la bonne nouvelle » en kirundi devient Nkurumbi se traduisant en français par « la mauvaise nouvelle ») rendent la requête d’abrogation dudit décret définitivement inaudible. A plus forte raison dans un contexte politico-sécuritaire peu propice aux libertés publiques. Et le fait d’avoir tenté de faire jouer la fibre patriotique des forces de défense et de sécurité ne fera pas revenir les appareils répressifs de l’Etat (police et SNR) à de meilleurs sentiments à leur égard.
Pour les 178 signataires du préavis de grève adressé au président Nkurunziza, ne pas désavouer les auteurs de ce message, cela revient à apporter de l’eau au moulin des chantres du pouvoir. Ces derniers soutiennent mordicus que cette crise dans la crise est hautement politique : les « Sindumujas » (terme fourre-tout regroupant les anti-troisième mandat) seraient à la manœuvre. Désormais, ils auront beau jeu de dire qu’un appel à l’insurrection populaire pour déstabiliser les institutions républicaines révèle la véritable nature de la contestation de ce nouveau système de prêt-bourse.
L’absence d’une écoute attentive face à la requête légitime des étudiants de l’UB et partant la mise en branle de la machine répressive sont antinomiques aux méthodes de résolution pacifique des conflits, l’apanage des démocraties.
La paix positive suppose entre autres choses une dynamique efficace des mécanismes de gestion et prévention des conflits. C’est seulement à ce prix que les tenants de la communication gouvernementale sur la paix et la sécurité au Burundi ne seront pas considérés comme des vendeurs de vent.
Guibert Mbonimpa
Envoyer un document officiel à un Président de la République demande précaution et mesure, mais surtout conseils juridique.
Tout ce que l’on inclut dans un tel document de communication doit être vérifié et contre-vérifié pour évite des erreurs, autant sur le contenu que sur tout le processus.
Normalement, tout citoyen ou tout groupe de citoyen a le droit de s’adresser à son président, mais pas n’importe comment.
– Un préavis de grève qui concerne un groupe d’étudiants (même si pas tous) ne se prépare pas en clendestinité. Il doit ou devrait être soumis à une assemblée d’étudiants qui doit décider par un vote. Mais nous savons tous que toutes les grèves dans les écoles et universités du Burundi ont souvent été chaotiquement organisées. Il serait peut-être temps que les autorités dans les mimistères, les administrations territoriales et les établissements scolaires pensent à définir des règles et règlements qui encadrent ce genre de manifestations.
– Un préavis de grève concernant un seul établissement n’est pas envoyé au Président, mais à l’autorité désignée (de l’établissement svp!) qui en a la charge. À la limite, on peut adresser une lettre de sollicitation à un ministre dont relève l’établissement, ou au président pour adresser leurs doléances et démontrer le bien fondé d’une révision ou d’une abrogation de la décision contestée… Les préavis de grève restent à l’interne dans l’établissement. Mais rien n’empêche d’annoncer dans les médias, pour mettre un peu de pression, qu’on vient d’adresser ou qu’on va adresser un préavis de grève à l’autorité compétente… après le vote.
– Signer avec le nom de quelqu’un d’autre, même avec son accord (par téléphone, procuration ou autre moyen), c’est illégal. Quand on doit signer pour quelqu’un par procuration, on dépose une preuve signée de son accord, et on signe avec son propre nom en prenant soin d’indiquer à côté que c’est pour cette personne qu’on signe. C’est pourquoi on peut trouver plusieurs signatures d’une même personne sur un même document. La ou les procurations doivent accompagner le document signé, lors de son dépôt ou envoi.
C’est facile de faire des erreurs, mais rien n’empêche que ces étudiants auraient pu avoir une meilleure préparation de leurs revendications et des moyens de les exprimer, sans les conséquences fâcheuses qu’on observe.
En conlusion, il est clair qu’ils ont eu recours à des méthodes qui portent une signature des anciens régimes : « kuriramwo mbege »! Quelqu’un d’autre peut traduire! La question est de savoir s’ils ont agi sans aucune influence externe ou si c’est juste une meilleure formation aux procédures d’usage dont ils ont besoin.
La cause était perdue d’avance. Car dans les dictatures, quiconque conteste les décisions d’une autorité s’attend à se faire écraser par elle. La forme et les « précaution et mesure, mais surtout conseils juridique » et tous les soins que vous pouvez prendre dans la rédaction de votre lettre n’y changeront rien. Nous avions déjà entendu un des étudiants affirmer froidement qu’ils étaient prêts à aller jusqu’au sacrifice. C’est la seule vérité qui se dégage de cette confrontation à armes inégales.
A la place des revendications teintées de politique les étudiants revendiqueraient leur droit d’avoir des enseignants qualifiés et le renforcement des enseignements. Ivyo nabonye mumakete n’ama communiqués yabo nakamuna. Naho ikete ryokwandikwa namakosa ico rishaka gushikiriza cotegerejwe kuboneka. Mfatiye kurwandiko rwokwitariki 10/04/2017 womengo nabana bomuri primaire bahimvye ntacoyimena. Birateye isoni kubona hasohoka abanyeshuri batagira raisonnement.
Nobahanura gusaba abigisha beza nindinganizo yivyigwa nzoza nayo bourse imara umwanya muto cane.
Ikindi ntumva nukuntu bashaka ko higa abaronse bourse gusa Hama abandi boronse prêt bourse bakayibura. Uko ni ukwikunda birengeje bigacika ubujuju. Ngira Nico gituma bataronka nivyo bandika bagaca banka vyose
J’espère que la justice a ouvert une enquête au sujet de cette affaire de distribution de kilos de riz à certains étudiants qui ont continué les cours. C’est un cas de flagrance de délit de corruption. Sachez bien que celui qui est dans la légalité n’a pas besoin de recourir à l’achat des consciences ou à la corruption pour convaincre.
Mais aussi les signatures extorquées à l’insu des concernés. Cela s’appelle escroquerie ou faux et usage d faux.
Pas de problème, une enquête est déjà ouverte sur cette affaire. Alors j’attends l’ouverture de l’enquête sur lesdits cas de corruption par l’état ou autre. Busorongo m’en dira des nouvelles.
Aho basha twakanegesheje kandi ntidusubira inyuma uyo recteur arahumba
« Ce mardi 4 avril 2017, certains étudiants de l’ENS ont reçu une aide de 5 kg de riz. «L’opération a eu lieu entre 16h et 18 heures. Les bénéficiaires étaient les étudiants qui ont continué les cours après la grève déclenchée le 24 mars dernier», témoigne un des élèves de l’ENS ».
C’est vraiment honteux de distribuer du riz pour acheter la conscience des futurs cadres!!! Quel avenir pour le pays dans ces conditions?? LE PAYS VA MAL … Comment voulez-vous que ces cadres soient honnêtes le jour où ils auront des responsabilités??
@Ntakaburimvo
« C’est vraiment honteux de distribuer du riz pour acheter la conscience des futurs cadres!!! »
C’est vrai que c’est facile d’acheter des affamés.
Mais j’aime bien votre optimisme: tous ceux qui passent par cette université sont des cadres en puissances, selon vous.
Il y a probablement beaucoup de prétendants à être cadres et peu d’élus.
L’époque où il suffisait de terminer ses études pour commencer à bosser est derrière nous. Il est vrai que ceux qui avaient la chance de faire ces études n’étaient que quelques 5% de privilégiés de l’ensemble des jeunes de leur âge. Pour dire que c’était mieux à cette époque, cela dépend d’où l’on se situait (dans les 5% ou dans les 95% de l’époque).