Mercredi 25 décembre 2024

Politique

Le double langage du gouvernement

12/04/2016 10

Au terme d’une visite de deux jours au Burundi, le secrétaire d’État adjoint américain pour la Démocratie et les Droits de l’homme, Tom Malinowski a une nouvelle fois dénoncé la situation extrêmement grave dans laquelle se trouve le pays.

Tom Malinowski : « Le gouvernement ne peut pas tenir un certain discours à la Communauté internationale et un autre à sa population»
Tom Malinowski : « Le gouvernement ne peut pas tenir un certain discours à la Communauté internationale et un autre à sa population»

«J’ai dit au gouvernement que la situation reste extrêmement grave à nos yeux. Il est évident que les atteintes aux droits de l’homme se poursuivent. Nous avons constaté que les personnes perçues comme sympathisants de l’opposition continuent d’être mises en prison ; nous avons constaté la multiplication des cas de disparitions forcées ; nous avons entendu de nombreuses allégations crédibles de torture de prisonniers». Le secrétaire d’État adjoint américain pour la Démocratie et les Droits de l’homme, Tom Malinowski, n’a pas mis de gants pour dénoncer la situation « extrêmement grave » du Burundi dans une conférence de presse le samedi 02 avril.

Pour la première fois, le double langage du régime burundais a été dénoncé. : « Le gouvernement ne peut pas tenir un certain discours à la communauté internationale et un autre à sa population. » M. Malinowski a notamment dénoncé les communiqués du Cndd-Fdd : «  Il ne peut pas nous dire qu’ils soutiennent un dialogue inclusif d’un côté et de l’autre, publier des communiqués comme celui du parti au pouvoir (..) : accuser tout le monde (…) d’être des ennemis du peuple burundais ne va pas nous mener à un dialogue réussi. Et cela fait douter de la sincérité du gouvernement». Tout en dénonçant ce discours fou et haineux, Tom Malinowski accuse le gouvernement de faire trainer le dialogue avec l’opposition, ce qui peut lui être fatal.

Une course contre la montre

Comme il fallait s’y attendre, Bujumbura n’a pas beaucoup apprécié cette remontrance, et a dénoncé, une fois de plus, un complot international contre le régime. « Je pense qu’il faut qu’il soit cohérent avec lui-même. Est-ce que c’est mauvais de dire ce qu’on pense, ce que certains acteurs de la Communauté internationale sont en train de faire contre le Burundi », a réagi Alain-Aimé Nyamitwe, le ministre des Affaires étrangères.

Pour le patron de la diplomatie burundaise, ’’il y a eu certains acteurs de la Communauté internationale qui ont eu un agenda de changement de régime au Burundi’’. Il souligne, une fois de plus, que le gouvernement et le parti au pouvoir n’ont pas dit qu’ils refusaient d’entrer au dialogue, bien au contraire. « Le 28 décembre 2015, on a été tous à Kampala pour ce dialogue justement. Nous attendons les propositions du président Mkapa qui fait encore ses consultations, je pense que c’est cohérent.» Mais il oublie d’ajouter que le gouvernement refuse toujours de s’asseoir avec les membres de l’opposition, en exil, qu’il qualifie de putschistes ou les accusent d’utiliser la violence, donc à ne pas fréquenter.

Dans un communiqué du 17 mars dernier, le ministère de l’Intérieur a indiqué que nulle part au monde un gouvernement n’a négocié avec des putschistes, et il a mis en garde ceux qui l’y inciteraient. Quant au parti au pouvoir, le Cndd-Fdd, dans son dernier communiqué du 26 mars dernier, il n’entend pas s’asseoir ensemble avec les terroristes putschistes dans le dialogue inter-burundais. Et sa détermination à ne pas dialoguer avec les terroristes putschistes reste de mise et doit demeurer inchangée, même si la Communauté Internationale veut forcer le gouvernement du Burundi à dialoguer avec les individus insurrectionnels qui ont participé dans la déstabilisation des institutions démocratiquement élues.


Analyse

Pour une fois, un officiel d’un pays, et pas n’importe lequel, les Etats-Unis, a osé dénoncer le double langage utilisé par le pouvoir de Bujumbura, surtout en ce qui concerne le dialogue. Pour l’extérieur, Bujumbura veut donner l’image d’un gouvernement ouvert à un dialogue aussi inclusif que possible. Cependant, dans les différentes descentes des dignitaires du pouvoir, transparaît le rejet de dialoguer avec ceux qu’ils qualifient d’insurgés terroristes.

Le Cndd-Fdd a d’ailleurs parlé ces jours-ci de terroristes génocidaires. Selon le diplomate américain, le temps ne joue pas en faveur du gouvernement burundais pour trouver une solution à la crise qui dure depuis presque une année.

Mais Bujumbura continuer à jouer la carte de l’usure, comme si la Communauté internationale finira par se lasser et accepter les faits. Mais les USA ont prévenu que la stratégie du régime burundais peut se retourner contre lui et l’effet boomerang risque d’avoir un goût amer.

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Oui le diplomate vient de constater un double langage mais après combien de temps et de tergiversations? On ne vient pas de Jupiter Monsieur le diplomate! Une délégation du Conseil de Sécurité s’est rendue à Bujumbura deux fois en dix mois et, à chaque fois, elle est rentrée bredouille. Le Secrétaire Général des Nations Unies en a ramassé plein la figure lorsque son interprète lui soufflait non pas ce qui se disait mais ce qui lui plairait! Une « délégation de haut niveau de l’Union Africaine » qui, par la suite, s’est révélée de très bas niveau a effectué une mission fiasco à Bujumbura! En effet, le Chef de la délégation en la personne de Monsieur Zuma a fait preuve de bassesse comme on en a jamais vu. Au passage je signalerais qu’il est en passe de subir un « impeachment » qui peut lui coûter son poste de président au mois de juillet puisque plus corrompu que lui tu meurs! A toutes ces occasions Bujumbura a gagné et au vrai sens du mot. L’ONU a ensuite commis l’irréparable en accusant sans preuve le Rwanda. USA lui a emboîté le pas et la suite est connu: des manifestations d’ampleur nationale ponctuées de discours plus que haineux. Une semaine plus tard, l’envoyé spécial des USA dans les Grands Lacs et l’Ambassadrice des USA au Burundi participent aux travaux communautaires au côtés du Président. Qui peut gagner plus que ça? Le discours a toujours été le même et on ne change pas un discours qui donne des résultats comme on ne change pas une équipe qui gagne! Maintenant le diplomate se rend compte de quoi? Si ce qu’il vient de constater fait du mal, le mal est consommé même s’il vaut mieux tard que jamais!

  2. Fofo

    [Ndlr:les membres de l’opposition, en exil, qu’il qualifie de putschistes]. Tout le monde devrait éviter cette confusion qui favorise une certaine manipulation. Etre un opposant ne veut pas dire être putschiste mais s’il est prouvé qu’un opposant, un activiste de la société civile ou quelqu’un d’autre aurait participé dans le putsch, celui-là est automatiquement putschiste. Le Gouvernement doit également éviter de considérer tout opposant comme putschiste. Je pense aussi que le terme « DIALOGUE INCLUSIF » crée une autre confusion qu’il faudrait clarifier. Le Conseil de Sécurité de l’ONU parle un dialogue entre les acteurs paisibles mais elle ne précise exactement lesquels.

    De toute façon il faut faire attention avec un langage diplomatique qui est souvent difficile à comprendre et à interpréter!

  3. Jamahaar

    Le pouvoir CNDD-FDD-FNL/FDLR a de la chance que le Burundi presente tres peu d’interets strategiques pour les grandes puissances mondiales qui, au lieu d’agir pour faire respecter le droit international et les principes democratiques, se contentment seulement a voter des resolutions sans lendemain.Les jeunes et la societe civile ainsi que les « frondeurs » du parti au pouvoir avaient cru naivement qu’en dascendant dans les rues de Bujumbura et les collines de l’interieur du pays pour denoncer la violation des Accords d’Arusha et la Constitution de la Republique, la soit-disante communaute internationale interviendrait directement pour les soutenir et exiger le respect des lois e tconventions internationales.La jeunesse et les femmes qui ont brave les balles reelles, les gaz lacrymogenes se sentent ainsi trahis par la classe politique locale, mais aussi par les forces de l’ordre qui ont choisi de se ranger du cote du parti au pouvoir pour des interets materiels ephemeres au lieu de se ranger du cote du peuple.On peut comprendre cependant, les Burundais n’ont pas l’habitude de contester l’autorite jusqu’a ce que meme la Cour Constitutionnelle est tombee dans le piege et satuait de la legalite du 3eme mandat de Pierre Nkurunziza.Le regime use non seulement de la peur, violence, le clentelisme dans un pays ou c’est le gouvernement qui est le premier employeur du pays.Ceux qui sont descendu dans les rues pour denoncer le hold up institutionnel du President sortant Pierre Nkurunziza ne devraient pas etre decus et se decourager.Au contraire,ils ont marque un pas dans la democratie et la defence des droits et libertes publiques.Ils n’ont pas reussi cette fois a forcer un changement, mais l’histoire retiendra leur courage et bravour face a un regime repressif qui n’hesite pas a pas a user de la force pour se maintenir au pouvoir.

  4. Jean-Pierre Ayuhu

    Après le soutien sans faille de cette communauté internationale à la société civile du Burundi qui n’avait ni plus ni moins que de contribuer au renversement des institution et à l’abolition du peuple qui ose voter contre la volonté de ce que souhaite les grands de ce monde….
    Après le soutien affiché au putch de mai 2015,
    Après des tentattives de dissoudre le CNDD-FDD à travers les fameux frondeurs,
    Après avoir alimenté les poches des frondeurs,
    Après avoir crée et recrée des oppositions à l’emporte pièce;
    Etc…..
    Et enfin après le génocide tant souhaité mais qui visiblement ne se produira;

    Que peut-on encore brandir contre le peuple? Une invasion militaire peut-être et là, la seule chose sur laquelle l’on de l’emprise, c’est le declenchement d’une guerrre. La fin est autre chose ( Libye, Irak, Afganistan, Syrie, etc…peuvent servir d’exemples).
    Que reste-t-il a

  5. SItuation extremement grave??? Hahahaha ca fait rire les oiseaux.

  6. congo

    Pour connaître un burun dais il ne faut pas le écouter , mais scruter seulement ses agissements. Peuple menteur va.

  7. Yves

    Après la stratégie de l’usure (la communauté internationale finira par se lasser de la situation au Burundi), après celle de l’écran de fumée (ce n’est pas notre faute mais celle du Rwanda et de la Belgique), maintenant la stratégie de la victimisation (c’est un complot international). Le gouvernement de Bujumbura est-il autiste ou suicidiaire ? Une chose est sûre, lorsque les caisses seront complètement vides (ce qui ne saurait tarder, la répression à l’échelon national ayant un prix) la prochaine stratégie sera de devoir ramper devant la communauté internationale et de faire amende honorable.

  8. duciryaninukuri

    Mais c’est quoi Guantanamo chez eux.
    C’est quoi les erreurs qu’on reconnais timidement aujourd’hui pour le cas de la lybie.
    Ont ils aussi un langage cohérent pour qu’ils soient crédibles. Si ils donnent un mauvais exemple mieux est de commencer par reconnaître que ce. Nest pas facile de diriger des peuples si difficiles commes nous.

    • Lambert

      Le temps va trancher.
      Burya naho Bagorikunda arya imanza rindira umwanya wo ntarwo azowurira.
      Panama papers commence son travail; tout sera étaler au grand jour et la faim va témoigner par son pouvoir de frappe sur cette majorité que vous brandissez comme si nous ne connaissons pas notre peuple divisé mais pillé sans oser lever le petit doigt. Mais le jour viendra mon peuple sera suffisamment outillé pour dire «  NON «  aux mensonges grotesques que vous proferrez pour lui voiler le visage afin de pouvoir commettre l`innomable crime contre l`humanité et piller tout ce que mon peuple avait comme ressources et aller les cacher dans les paradis fiscaux au Panama et ailleurs.
      Shame on you qui défendez ce pouvoir de gangs de criminels.

    • roger crettol

      En quoi les fautes des Américains justifient-elles celles du régime actuel du Burundi ?

      Dans beaucoup de sociétés, on considère qu’il est du devoir du frère d’attirer l’attention sur des comportements qui vont poser problème. Au Burundi, on préfère apparemment faire n’importe quoi en toute souveraineté.

      Jerrycan

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