« Jamais sans les médias… Never without media ». Ce slogan reste gravé dans la mémoire des professionnels de l’information. Le 28 janvier 2021, le Président Évariste Ndayishimiye, surnommé affectueusement Neva, avait enjoint le Conseil national de la communication à résoudre la question des médias sanctionnés depuis la crise de 2015.
Ce message du Chef de l’État avait été accueilli par une salve d’applaudissements de la part des responsables des médias, publics comme privés. La rencontre s’était tenue à Ntare House, la Présidence. Tout un symbole. Par cet engagement, le président venait de poser les jalons de la réouverture des médias fermés six ans plus tôt. Chose promise, chose due : un mois plus tard, les premières radios reprenaient leurs émissions. Une volonté manifeste de tourner la page de 2015, période où les relations entre le pouvoir et la presse indépendante étaient exécrables. Certes, tout n’a pas été parfait depuis, mais un certain apaisement semblait s’être installé entre les autorités et les médias indépendants.
Hélas, la récente déclaration du ministre des Finances risque de fragiliser cet équilibre précaire. Lorsqu’il a été interrogé par des journalistes sur l’instauration de la Carte d’Assurance Maladie (CAM), prévue dans la loi budgétaire 2024-2025, il a opposé une fin de non-recevoir catégorique :
« Je ne donne pas d’informations aux médias privés, surtout lorsqu’il s’agit d’informations officielles. »
Des propos qui ont provoqué un tollé. Une attaque frontale contre la démocratie, une gifle à la transparence, à la redevabilité et au droit fondamental à l’information, dénoncent plusieurs observateurs. Pour une organisation œuvrant pour la transparence dans la gestion des affaires publiques, cette attitude revient à instaurer une censure déguisée, un filtrage de l’information où seuls certains canaux seraient autorisés à informer les citoyens.
Or, la loi régissant la presse au Burundi garantit aux journalistes et aux médias le droit d’accéder aux sources d’information, d’enquêter et de commenter librement les faits de la vie publique. Dans un État qui se veut démocratique, le droit à l’information des citoyens est inaliénable. En refusant de répondre aux médias privés, le ministre prive une large frange de la population de son droit de savoir comment elle est gouvernée. Tous les citoyens ne s’informent pas par le biais des médias publics.
Un professionnel des médias le souligne avec justesse : « Ce sont les réalisations du gouvernement qui en pâtiront en termes de visibilité. » En démocratie, les médias indépendants ont autant de légitimité à rapporter les faits et à analyser la gouvernance que les médias d’État. Refuser de leur fournir des informations essentielles ne fait qu’alimenter la suspicion et la défiance. Si le gouvernement ne communique que par ses propres canaux, il renforce l’idée qu’il a quelque chose à cacher.
Les journalistes sont souvent qualifiés de « chiens de garde de la démocratie ». Ils ont pour mission de garantir la bonne marche des institutions, de protéger la liberté d’expression et de prévenir les dérives du pouvoir. Plutôt que de les considérer comme des adversaires, les autorités devraient les voir comme des partenaires essentiels à la vie démocratique.
En définitive, l’information n’est pas un privilège à accorder à certains et à refuser à d’autres. Elle est un droit fondamental, inscrit dans les principes d’un État de droit. Il appartient donc aux pouvoirs publics de veiller à son respect et de garantir aux journalistes, sans distinction, un accès libre et équitable aux sources officielles.
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