Pour Pr Gervais Gatunange, un des législateurs de la Constitution en vigueur et Sylvestre Ntibantunganya, ancien président de la République, il n’y a pas de place pour le troisième mandat du président actuel. Selon eux, la lecture de la Constitution doit être faite parallèlement avec l’Accord d’Arusha.
Du choc des idées jaillit la lumière, dit-on. Malgré la clarté de l’Accord d’Arusha et de la Constitution, constate Janvier Bizimana, secrétaire général du Forum pour la Conscience et le Développement (Focode), des controverses sur le troisième mandat de Pierre Nkurunziza subsistent.
C’est dans ce contexte que le Focode a convié, ce mercredi 25 mars, à l’hôtel Sun Safari Club, différentes personnalités, dont des experts, des politiques, des diplomates, des défenseurs des droits de l’Homme, etc. Objectif : échanger sur base des exposés de Sylvestre Ntibantunganya, un des protagonistes d’Arusha et du Pr Gervais Gatunange, ancien membre de la Cour constitutionnelle et membre de la Commission chargée de confectionner l’actuelle Constitution.
Les deux experts affirment qu’ils avaient refusé de répondre à cette demande du Focode : « Nous estimons qu’à la lecture des articles 96 et 302 alinéa 1 de la Constitution ainsi que d’Arusha, ce débat devrait être clos. » Il faut, explique M. Bizimana, toujours rappeler, répéter ce que dit la loi pour lever toute équivoque car les gens sont fatigués.
« Il n’y a pas de place au troisième mandat »
Pr Gervais Gatunange n’y va pas par quatre chemins : « Ceux qui soutiennent l’autre mandat du président de la République en avançant que conformément à l’article 96, il a été élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ont tort. »
L’analyse de cette disposition, souligne Pr Gatunange, montre qu’elle énonce deux principes : celui du nombre de mandat et le principe du mode d’élection.
Concernant le nombre de mandats, il estime que l’article 96 les limite à deux. Quant au mode d’élection, le même article, précise Pr Gatunange, opte pour le suffrage universel indirect. « L’article 302 alinéa 1 apporte une exception relativement au premier mandat de la période post-transition car le président est élu au suffrage universel indirect par les élus du peuple. » L’ancien membre de la Cour constitutionnelle insiste que l’exception porte uniquement sur le mode d’élection et non le nombre de mandat.
Il va plus loin et renvoie à l’article 8 de la Constitution qui stipule que « le suffrage est universel, égal, secret, libre et transparent. Il peut être direct ou indirect selon les conditions prévues par la loi. »
Le suffrage universel indirect, explique-t-il, est un procédé démocratique au même titre que le suffrage universel direct. « L’on pourrait même se demander si elle n’est pas plus appropriée dans le contexte d’une population analphabète qui n’est pas en mesure d’apprécier les qualités des différents candidats. »
Quant à l’opinion qui accrédite la thèse que le président Nkurunziza n’avait pas les pleins pouvoirs en 2005 parce qu’il ne pouvait pas dissoudre le Parlement, Gervais Gatunange réplique : « Cet argument ne tient pas la route parce que ce droit de dissolution n’est pas essentiel dans un régime présidentiel. »
L’ancien membre de la Cour constitutionnelle donne l’exemple du président des Etats-Unis : « Il n’a pas de pouvoir de dissolution du Parlement, pourtant, personne ne conteste sa force. »
« Nul n’est autorisé à dépasser deux mandats »
Sylvestre Ntibantunganya a accompagné le processus de paix jusqu’à la signature de l’Accord d’Arusha. Il se veut sévère : « Si le premier mandat du président Nkurunziza n’en était pas un, qu’il nous le dise et lui donne un nom. En 2005, moi Ntibantunganya, je l’ai élu et il m’a représenté parce qu’il était président full !»
Le sénateur à vie estime que l’Accord d’Arusha ne doit pas être dissocié de la Constitution : « Ces deux textes de loi doivent faire l’objet d’une lecture parallèle. »
M. Ntibantunganya ne mâche pas ses mots : « Il y a derrière cette troisième candidature des spéculations politiques. » Il rappelle les propos de Pascal Nyabenda, président du parti au pouvoir : « Nos militants ont déclaré que si Pierre Nkurunziza ne se présente pas, ils n’iront pas voter et le Cndd-Fdd n’aura pas la majorité. »
En outre, Sylvestre Ntibantunganya pointe du doigt l’entourage du président de la République : « Au Burundi, comme ailleurs, c’est une poignée de gens qui induisent en erreur les chefs d’Etat pour se maintenir au pouvoir.» Mais, il voit la Tanzanie comme un exemple à suivre : « La culture de l’alternance politique est tellement ancrée dans les esprits que même le président Jakaya Kikwete s’apprête à rendre le tablier au mois d’octobre. » Et d’appeler au sens des responsabilités du président Nkurunziza : « Dans certaines conditions, le président de la République doit agir et décider indépendamment des sentiments de son entourage pour l’intérêt de la nation. » Sinon, avertit-il, il aura ouvert une brèche au chaos politique qu’il va lui-même assumer devant le peuple burundais et la communauté internationale.
Jean de Dieu Mutabazi, président de la Coalition Copa, s’inscrit en faux contre ces deux analyses : « Le pays ne peut pas être gouverné sur base d’un pacte qu’est l’Accord d’Arusha. Il faut avoir confiance en la Cour constitutionnelle pour statuer sur ce mandat. »
Et Sylvestre Ntibantunganya de riposter que partout au monde, la Cour constitutionnelle est politisée.
J’ ai une petite question pour M. NTIBANTUNGANYA : Entre la Constitution et les Accords d’ Arusha, lequel des deux prime sur l’ autre !
Dans un pays qui se dit démocratique, peut-on accepter que la loi soit interprétée par les non initiés ou mandatés !
Merci et bonne compréhension .
MNF
Là où ce Monsieur « le constitutionaliste » se trompe en parlant de « la population analphabète qui n’est pas en mesure d’apprécier les qualités des différents candidats », c’est que justement la démocratie permet à toute personne de « voter selon ce qui lui chante », pour un candidat de son choix!
Un électeur vote pour un membre de sa famille dorecte ou élargie, pour un habitant de sa colline ou de son quartier, pour une connaissance, pour un voisin,… ou même parce qu’il en a envie…
On m’a un jour raconté l’histoire d’une femme d’un âge assez avancé en 1993, qui est arrivé au bureau de vote. Tout le monde autour, paraît-il, était convaincu qu’elle allait voter pour Buyoya. Vous savez ce que Madame a fait? Elle a regardé les photos des candidats et a dit à l’une des personnes assises sur la table où on enregistrait les votants, de cocher (noircir) pour elle la case à côté du nom de Ndadaye, et a dit ceci : « Je ne vais pas voter pour ceux qui ne sourient pas!» («Singenda ntoye abo batariko baratwenga!»). C’est fela qu’on appelle la liberté!… LA DÉMOCRATIE!
Juste au cas où vous n’auriez pas compris, chaque électeur a ses critères et valeurs par lesquelles il détermine si un candidat mérite son vote ou pas! C’est pour cela que le vote est personnel… et secret!… si possible 🙂 !
Vous dites que pour vous, ce sont les « qualités » qui comptent, mais cela me m’étonnerait pas que ce soit simplement ce que vous dites, mais non vos motivations réelles.
Si votre fils (ou fille, ou frère, ou cousin,…) se retrouvait candidat, refuseriez de voter pour lui (ou elle) parce que vous savez qu’il n’a pas les « qualités requises? »… Parce que vous, vous n’êtes pas analphabète, Dieu soit loué!…
Ne répondez pas!… Je connais déjà la réponse!
Mais je sais pourquoi, aprè la lecture de votre sortie médiatique, vous avez dit ce que vous avez dit, comme vous l’avez dit : c’est parce que vous êtes militant, et non constitutionaliste!… Encore moins démocrate!… Mais surtout, surtout
c’est parce que vous êtes ALPHABÈTE!…
Espérons seulement que c’était juste à cette occasion, et qu’il ne s’agit pas d’une manie chronique!
Avec tous mes respects!
Depuis un moment Willy Nyamitwe semble clairement être le premier défenseur du troisième mandat plus que le concerné d’ailleurs ; du moins manifestement. Je m’explique :
Il a eu l’audace d’interrompe hier la conférence de presse du Président alors que les services de protocole était là. Avait-il peur que le président annonce son désistement au troisieme mandat ? On le saura peut être un jour.
Avant hier sur Bonesha FM, il a carrément limogé Leonidas Hatungimana pourtant nommé par décret Présidentiel en disant qu’il n’était plus le porte-parole du Président
Puis d’après le site officiel de la présidence, reçu par le Chef de l’Etat, Madame Zuma a aujourd’hui tenu les mêmes propos que tout le monde sauf Nyamitwe en disant textuellement : ‘’ L’U.A tient à cœur le Burundi, ce pays qui a durement recouvré la paix. La Constitution Burundaise, les Accords d’Arusha et le Code Électoral doivent être respectés pour parvenir aux élections crédibles et apaisées. »
Cependant en faisant le briefing de la visite du Chef de l’UA, le super conseiller y est allé de son propre point de vue aux medias (chose inhabituelle pour un porte parole ou chargé de la communication) en indiquant qu’à ce sujet qu’en plus de la Constitution, des Accords d’Arusha et du Code Électoral, il importe d’interroger d’autres instruments juridiques pour aboutir à des élections transparentes et inclusives.
Personnellement, je pense que notre Président a déjà entendu et qu’il a probablement déjà répondu à l’appel des burundais et la communauté internationale mais qu’un groupe autour de lui le dissuade de forcer et de briguer coûte que coûte ce mandat illégale et majoritairement contesté. Willy doit en être le cerveau et le fait qu’il de plus en plus entreprenant sur ce dossier ne fait que confirmer cette hypothèse
De toute façon, l’avenir nous permettra d’y voir plus claire mais le chef de l’Etat doit prendre les choses et arrêter de suivre les conseils de ceux-là qui ont lié leur avenir à cette candidature.
« « L’on pourrait même se demander si elle n’est pas plus appropriée dans le contexte d’une population analphabète qui n’est pas en mesure d’apprécier les qualités des différents candidats. » »
Là je crois qu’il va un peu trop loin, à mon avis, notre spécialiste: c’est ce genre d’argument que les aristos avançaient en Europe du 19e siècle pour exclure des élections les pauvres et les femmes. Au pays de l’Apartheid, on se justifiait de la même manière probablement.
Il n’est pas concevable d’infantiliser des gens adultes. Même dans les pays les plus démocratiques les populations sont manipulées lors des élections via différents moyens de communication: demandez à Burlusconi quelle magie il a utilisé pour se faire élire plusieurs fois alors qu’il y a plein de gens qui ne trouve en lui qu’un rigolo!
Les burundais (tous) sont sûrs d’une chose: de ce qui est bon pour eux; jusqu’à la preuve du contraire!
On les appelle des constituants.
Madame Élyse, il n’est pas législateur de l’actuelle constitution mais législateur s’il a fait partie du groupe qu’il a rédigée. Le législateur vote des lois et dans le cas de démocratie actuelle c’est le parlement. Juste pour les prochains articles.
Ce MUTABAZI est un mendiant politique, c’est clair!
Et toi avec moins d expérience que ce Mutabazi? tu es mendiant de quelle catégorie?
Ese iyaba vyakunda ko haba hariho un enregistrement video du débat disponible sur Youtube…
Merci pour le reportage tout de même.
Chere Elyse, ton article n’est pas equilibré. Serait ce focode qui n’a pas invité au debat l’autre camp?!
Le Professeur Gervais Gatunange est un illustre Juriste et qui maitrise la science juridique. C’est un homme d’une grande integrite et je suis tres satisfait de sa prestation lors de ce debat ou de cette conference. Il vient de prouver qu’il y a encore d’emminent juristes dans cette Universite du Burundi qui sont mus par le seul souci de dire le droit et rien que le droit au dela des speculations politiciennes.
J’ai beaucoup de respect pour son integrite morale et professionnelle et je peux garantir qu’il est un des rares Professeurs de droit qui m’a enseigne les premiers principes de droit.
Me Pacelli Ndikumana
Personne ne lui nie son éminence!… Si on peut le dire ainsi. Mais comme vous dites qu’il a été votre professeur à l’Université du Burundi à l’époque où vous y étiez, vous devriez sérieusement être au vourant de ceci : il se pourrait qu’il n’existait de démocratie que dans les manuels scolaires et académiques!
C’est-à-dire une démocratie sur papier uniquement, et non en pratique!
L’entrée dans la faculté de droit à l’époque était discriminatoire. Et nous sommes en droit de questionner les enseignements qui y étaient dispensés.
Et rappelez-vous que ce sont pour la plupart des lauréats de cette Université du Burundi qui nous ont pondu le texte de cette Constitution qui est en train de causer tous ces tracas.
«Dire le droit, rien que le droit», c’est bien! Ce qui me dérange, c’est quand on veut «dire le droit, rien que le droit», avec une touche personnelle… « à la burundaise »!
Avec tous mes respect! « Je le jure! »