Depuis la crise de 2015, la communauté internationale a toujours appelé au dialogue inter burundais inclusif. Une demande qui semblait être une épine dans le pied de Bujumbura. Cette semaine, deux événements politiques qui, de près ou de loin, ont des liens, permettront à Bujumbura- qui a accepté de participer au dialogue qui se pointe à l’horizon-d ’imposer « sa volonté inclusive. » Il s’agit de la mise en place des nouveaux organes du Cnared et l’élection de la nouvelle équipe de la Ceni.
Le choix du tout nouveau bureau exécutif du Cnared, naguère réputé être une plateforme de l’opposition radicale surtout en exil, a fait couler beaucoup d’encre. L’élection de Jean Minani comme président sera interprété par ceux qui s’y opposaient comme un deal entre Bujumbura et le parti Sahwanya Frodebu dans la perspective de réunification des deux Frodebu. D’après eux, les dirigeants actuels du parti de Ndadaye auraient scellé un deal à l’insu de Frédéric Bamvuginyumvira, son représentant en Europe, en donnant la procuration à une autre personne qui a voté Dr. Minani.
Selon des sources au sein du Cnared, ce dernier est favorable pour le dialogue alors que son rival y serait opposé. Pour ce dernier, l’idéal vient d’être trahi. « C’est le dernier coup qui tue », dit-on. Ce qui était plateforme de l’opposition radicale est plus que jamais divisé. L’aile élue va participer au prochain et dernier round du dialogue inter burundais, le dotant ainsi d’un caractère « inclusif », selon les standards de Bujumbura.
L’élection des membres de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a aussi créé une onde de choc dans l’opinion. « Sur quoi va-t-on alors dialoguer ?», s’interroge notamment la coalition Amizero y’Abarundi qui propose une Ceni dont les commissaires proviendraient des principales tendances politiques.
En décryptant la composition et l’origine de la nouvelle Ceni, Bujumbura pourra défendre sans ambages qu’elle reflète un caractère inclusif : Hutu, Tutsi, partis politiques, société civile, genre. «Nous n’avons pas été associés, contactés», s’indignera le président du groupe parlementaire de la coalition Amizero. Toutefois, un des leurs, et pas n’importe lequel, un ministre, fait partie de l’équipe. Au moment où j’écris ces lignes, il ne s’est pas désisté. Pour Bujumbura donc, même l’opposition intérieure est représentée. Quant à l’opposition extérieure, tout est négociable. L’équipe n’est pas inamovible. Pourvu que la nouvelle direction du Cnared soit favorable au dialogue. Remplacer un ou deux commissaires fera l’affaire.
Somme toute, Bujumbura se frotte les mains à la veille du 5ème et dernier round. Le caractère inclusif qu’a toujours clamé la communauté internationale sera justifié. Certes, d’autres points pourront être abordés. Notamment le retour des exilés politiques, des réfugiés.
Pourquoi pas un gouvernement d’Union nationale pendant cette période qui précède les élections générales ? Entre-temps, le train de Bujumbura sera libre pour arriver à 2020. Ainsi la médiation, accusée à tort ou à raison d’avoir failli à sa mission, aura un accord issu d’un « dialogue inclusif ». La Région, qualifiée de laxiste, incapable de trouver une solution au mal burundais, y trouvera aussi son compte. Pour Bujumbura, « la situation est sous contrôle .»