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Le CSM garantit-il l’indépendance de la magistrature ?

05/05/2013 Commentaires fermés sur Le CSM garantit-il l’indépendance de la magistrature ?

L’un des mandats que la Constitution confère au Conseil Supérieur de la Magistrature, CSM, est de garantir l’indépendance des magistrats. Pourtant, pour une certaine opinion, cette institution n’est qu’une chambre d’enregistrement du pouvoir exécutif.

<doc7909|right>Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) est un organe chargé d’exercer huit missions essentielles : veiller au bon fonctionnement de toutes les institutions judiciaires, pour garantir l’indépendance des magistrats du siège et la discipline de l’ensemble du corps de la magistrature, assister le Président de la république et le gouvernement dans l’élaboration de la politique en matière de justice, dans le suivi de la situation du pays en matière judiciaire et de respect des droits de l’homme, ainsi que dans l’élaboration des stratégies en matière de lutte contre l’impunité. Il s’agit également de gérer la carrière des magistrats par des avis sur les avancements et les nominations, analyser les recours des magistrats, analyser les plaintes contre les magistrats, donner des avis en matière de grâce, et rédiger un rapport annuel sur la situation nationale de la justice.

L’organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature sont déterminés par la loi n° 007 du 30 juin 2003. Ce Conseil est composé de 17 membres. Pour se conformer au contenu de la Constitution, la loi n° 1/01 du 20 janvier 2006 a modifié l’article 1/007 du 30 juin 2003 portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature. Ses membres sont, en premier lieu, les plus hautes autorités politiques de l’Etat, à savoir le Président de la République qui, préside ledit conseil, le ministre de la Justice et garde des sceaux, qui est le vice-président et qui de droit peut suppléer le président.

Fonctionnement du CSM

Il y a ensuite 15 membres (voir encadré) répartis comme suit : cinq membres désignés par le gouvernement, trois juges des juridictions supérieures, deux magistrats relevant du ministère public, deux sièges des tribunaux de résidence ; et trois membres exerçant une profession juridique dans le secteur privé. A cette liste, il faut ajouter le secrétaire permanent qui, sans faire parti du conseil, assure le secrétariat administratif du conseil et est assisté par autant de conseillers que de besoin.

Présidé par le Président de la République ou par le ministre de la Justice, en cas d’empêchement du premier, le CSM se réunit en séance ordinaire une fois par trimestre. Des séances extraordinaires peuvent être tenues autant de fois que de besoin sur convocation de son président ou du vice-président, ou lorsque huit membres en font la demande. Le CSM ne délibère valablement que lorsque, outre le président ou le vice-président, huit membres sont présents, et les délibérations du conseil sont secrètes. Tout membre qui aura révélé le secret des délibérations du Conseil sera passible des peines réprimant la révélation du secret professionnel.

Cependant, les membres du Conseil émettent leurs avis et votent en toute indépendance et ne peuvent pas être poursuivis en raison d’une opinion qu’ils auraient défendue au cours des réunions du Conseil. Le CSM peut inviter toute personne étrangère au conseil à participer à ses travaux, à titre d’expert ou de témoin. Le conseil prend ses décisions par vote et à la majorité simple des membres présents. En cas de ballottage, la voix du Président est prépondérante. Les avis du Conseil sont motivés et ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours.

Des missions nobles…

La Constitution burundaise du 18 mars 2005 est explicite, comme en témoignent les alinéas 1 et 2 de son article 209, quant au pouvoir judiciaire : « Le pouvoir judiciaire est impartial et indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Dans l’exercice de ses fonctions le juge n’est soumis qu’à la Constitution et à la loi. Le Président de la République, Chef de l’Etat, est garant de l’indépendance de la Magistrature. Il est assisté dans cette mission par le Conseil Supérieur de la Magistrature ».

Et, dans sa politique sectorielle 2011 -2015, le ministère de la Justice du Burundi, qui compte poursuivre la réforme du système judiciaire, vise à asseoir la place du judiciaire comme troisième pouvoir aux côtés de l’exécutif et du législatif. Il s’agira de donner les moyens au Conseil Supérieur de la Magistrature et à la Cour Suprême de remplir pleinement les mandats que leur confère la Constitution comme garants, respectivement, de l’indépendance des magistrats du siège et de la bonne application des lois par les Cours et Tribunaux.
Pourtant, Me Isidore Rufyikiri, président du barreau burundais, indique que, tel qu’il se présente de par la Constitution, le CSM ressemble beaucoup plus à un conseil suprême de la justice qu’à un conseil supérieur de la magistrature. Il indique que ce conseil est supposé être indépendant du pouvoir exécutif et législatif. Ce qui n’est pas du tout le cas malheureusement, déplore-t-il.

<doc7908|left>… mais une réalité autre

Au Burundi, précise Me Rufyikiri, le CSM dépend clairement et constitutionnellement du pouvoir exécutif, puisqu’il est présidé par le président de la République, secondé par le ministre de la justice. De même, poursuit-il, parmi les membres qui le composent, 5 sont désignés par le gouvernement, 3 juges émanent des juridictions supérieures, donc, sont proposés à la nomination par le ministre de la justice, 2 magistrats relèvent du ministère public et 2 autres des tribunaux de résidence et sont tous nommés par le ministre de la justice ainsi que 3 membres exerçant une profession juridique dans le secteur privé. Paradoxalement, a révélé Me Rufyikiri, ces trois derniers sont désignés unilatéralement par la volonté du pouvoir exécutif à base des conditionnalités ignorées par le barreau.  

Le bâtonnier estime que cette situation est regrettable, dans la mesure où ce conseil représente un pilier d’un triangle du pouvoir constitué  par le législatif, l’exécutif et le judiciaire, supposant que les 3 soient indépendants l’un de l’autre et ne font que collaborer. Le président du barreau burundais a profité de cette occasion pour rappeler que le barreau a toujours demandé que la disposition constitutionnelle régissant ce conseil soit rapidement amendée, car le Burundi reste le seul pays de la sous-région qui ne dispose pas d’un véritable CSM indépendant.

Des magistrats sans indépendance ?

Selon cet homme de droit, l’indépendance de ce conseil résulte d’au moins une condition. L’autonomie de gestion de la carrière des magistrats qui, actuellement, dépend de la volonté du ministre de la justice. Me Isidore Rufyikiri a souligné que le recrutement, l’organisation des stages, la promotion, les propositions de nomination et les sanctions disciplinaires devraient être conduits et contrôlés par le CSM.

L’autre manquement souligné par le président du barreau est que les magistrats lésés par les sanctions disciplinaires prises à leur égard, ou qui font des réclamations concernant leurs carrières professionnelles, portent plainte devant le CSM. Me Rufyikiri trouve qu’il s’agit d’un problème sérieux, puisqu’une mesure disciplinaire est généralement rendue ou décidée par le ministre de la justice qui est en même temps vice-président de ce conseil. Il estime d’ailleurs que, en pratique, c’est le ministre de la justice qui préside le CSM, parce que le président de la République est généralement appelé à d’autres fonctions.

<quote>Le Sénat a voté, le mardi le 6 novembre 2012, 15 membres du conseil supérieur de la magistrature. Il s’agit de Mmes Marguerite Nzitonda, Léa Pascasie Nzigamasabo, Claudette Mugirasoni, Yvonne Uwimana et Dévote Singirankabo et de MM. Jean Anastase Hicuburundi, Protais Cishahayo, Adolphe Manirakiza, Egide Sahabo, Egide Nahayo, Valentin Bagorikunda, Claude Nimubona, Sixte Sizimwe Kazirukanyo, Wenceslas Bandyatuyaga et Jean Pierre Amani. Selon le ministre de la Justice, M. Pascal Barandagiye, les équilibres genre et ethnie ont été respectées. Sur les 15 membres approuvés, on enregistre 10 hommes contre cinq femmes, et neuf hutu contre six tutsi. Sept membres proviennent des juridictions supérieures, du ministère public et des tribunaux de résidence, pendant que huit autres sont nommés.</quote>

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