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« Le commerce du centre-ville va devoir s’adapter »

05/05/2013 Commentaires fermés sur « Le commerce du centre-ville va devoir s’adapter »

Luc Toussaint* possède une longue expérience dans la gestion des villes et du commerce. Dans un entretien à Iwacu, il indique quelques mesures urgentes pour limiter les dégâts et quelques idées pour la reconstruction du nouveau marché.

<doc7092|left>{Iwacu : quelles seraient les mesures urgentes à prendre, comment et pourquoi ?}

Luc Toussaint : La disparition du Marché Central, c’est une véritable amputation dans l’activité commerciale de Bujumbura. Cependant, autour des ruines il existe des centaines de commerces établis, des galeries marchandes, d’innombrables petits commerces. Dans l’attente de la reconstruction d’un nouveau marché, cette activité commerciale est très affaiblie par la disparition des milliers de clients du Marché Central et l’éclatement – l’émiettement – de la grande gare routière en nombreuses petites gares.

{Ceci explique les petits marchés « spontanés » que l’on voit naître dans la ville ?}

Effectivement, le commerce établi du centre-ville va tenter de s’adapter et devoir se reconvertir. Il faut avoir à l’esprit que le Marché Central représentait une grande diversité de fonctions : commerces de micro-détail, de détail, de demi-gros, de gros sans oublier les zones de stockage et de réexpédition, mais aussi les zones de services et d’artisanat.

{Quelle serait donc la première préoccupation des autorités ?}

Récréer des espaces de vente ! Ne l’oublions pas, si le Marché Central compte plusieurs milliers de marchands et commerçants organisés au sein d’un syndicat, il compte également des dizaines de milliers d’acheteurs, donc des consommateurs. Or ceux-ci ne sont pas organisés aussi bien que les commerçants et ils se font moins entendre. La priorité est de permettre à ces milliers de consommateurs de retrouver des marchandises et principalement une nourriture de qualité. Je pense d’abord aux commerces de viande et du poisson. Il faut donc trouver un nouvel espace de vente – protégé et structuré pour des raisons d’hygiène et de santé publiques – pour ces produits et en même temps récréer une filière de distribution pour les éleveurs et pour les pêcheurs. Ensuite, il faut générer des conditions de vente adéquates pour les commerçants. C’est ici que, provisoirement, les commerces établis devraient partiellement jouer le rôle « de roue de rechange ».

{Voulez-vous dire que le commerce va se redéployer autour et alentour du sinistre ?}

Oui, c’est bien cela, mon expérience en cette matière me permet de dire que l’activité commerciale étant une activité induite, elle va « naturellement » se faufiler à travers les espaces vides aussi bien dans les rues commerçantes voisines des décombres que dans les espaces publics. On constate déjà aujourd’hui que des propriétaires de bâtiments parachèvent l’aménagement des étages restés vides ou en chantier. C’est très positif, ces initiatives doivent être développées et encouragées. Ceci vaut d’abord pour le commerce de micro-détail et de détails. Mais permettez-moi d’insister sur le fait que le commerce est une activité polarisante, qu’elle structure et façonne les villes. Ce n’est pas un hasard si les banques et de nombreux services comme les télécommunications se trouvent à proximité du Marché Central. Les milliers clients quotidiens du Marché Central se rendent également dans les banques, les services, les ministères et autres administrations.

{Mais il n’y a pas que le commerce de détail..}

C’est exact, il faut aussi permettre le renouvèlement des stocks de marchandises détruites et relancer l’activité de commerce de gros. Pour cela, l’implantation en centre-ville est moins adéquate. Autant le commerce de détail est dédié au centre urbain, autant le commerce de gros qui implique de grands volumes peut se situer en zone péri-urbaine. Enfin, le dernier élément primordial à mettre en évidence est la mobilité et plus particulièrement le transport des personnes. Chaque jour, plusieurs milliers de personnes venaient au centre-ville pour le Marché, pour les commerces voisins, pour les banques et les services, pour les écoles etc. La seconde préoccupation, après l’approvisionnement des populations, concerne leurs déplacements et la mobilité. L’un ne va pas sans l’autre : peu de mobilité, c’est peu de commerce, peu d’approvisionnement, moins de richesse !

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Lire aussi [Après l’incendie du marché central de Bujumbura, le centre-ville n’est plus le lieu préféré du business->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article4782]
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Tirer des leçons et « booster » l’économie : Pour M. Toussaint, toute activité humaine présente des risques, où que l’on soit. En Europe comme partout, les acteurs et intervenants doivent être responsabilisés, à tous les niveaux de pouvoirs.

C’est la meilleure mesure de prévention à mettre en place pour l’avenir. L’ancien échevin propose une suggestion à propos des fonctions à développer dans le nouveau et prochain Marché Central : « séparer le commerce de micro-détail et de détail par rapport au commerce de gros. L’activité de gros, le stockage et la réexpédition des produits et marchandises devraient se trouver en zone péri-urbaine à proximité du port. »
Pour « booster » l’économie, M. Toussaint indique le commerce est une activité induite, multiple et vivante. « Les acteurs principaux sont essentiellement les commerçants et le secteur bancaire ainsi que leurs institutions comme la Chambre de Commerce. Le rôle des Pouvoirs publics est d’encourager, réunir les parties et les soutenir en réunissant les conditions d’un succès. » Mais il faut des conditions : une monnaie forte face aux pays voisins, une bonne mobilité dans le pays et en ville, une accessibilité et une sécurité routières. « Enfin, le pays doit se doter d’un approvisionnement en énergie électrique solide », conclut Luc Toussaint.
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* {Luc Toussaint, ancien journaliste RTBF (radio et télévision belge), a été Echevin des Affaires économiques et du Commerce de Liège, durant près de 12 ans (1983-1994). Puis, il a été Député fédéral pendant 4 ans et a siégé dans les commissions parlementaires des transports, de l’économie et des pouvoirs locaux.
En outre, il a travaillé comme Conseiller du Ministre des Transports.}

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