Une vingtaine de cas de choléra a récemment été identifié dans deux provinces du pays. Il s’agit de Bujumbura-Mairie et la province Cibitoke. Pour les habitants de localités affectées, cette situation est liée à l’insuffisance ou manque d’eau potable. Ils demandent que l’or bleu soit disponible et accessible.
Au 1er janvier 2023, à 12h, le ministère de la Santé publique et de la lutte contre le Sida a fait état de 12 cas de choléra identifiés, dont sept de guérison et cinq encore sous traitement au Centre de traitement de choléra de l’hôpital Prince Régent Charles.
Dans son communiqué du 1er janvier 2023, ce ministère a signalé que jusqu’au 30 décembre 2022, le district sanitaire de Bujumbura nord a enregistré neuf cas suspects avec des symptômes de diarrhée et vomissement. Et tous ces cas sont originaires du quartier Bukirasazi I, zone Kinama.
Le ministère a aussi indiqué que le 31 décembre 2022, deux autres cas ont été signalés à Cibitoke et Mutakura, zone Cibitoke.
Toujours en marie de Bujumbura, dans le district sanitaire Centre, dans la zone Buyenzi, un autre cas a été identifié. Après enquête, on a constaté que cette personne avait rendu visite à l’un des malades déjà répertorié au nord de Bujumbura.
La mairie de Bujumbura n’est pas la seule à être touchée. Du 15 au 28 décembre 2022, 15 cas de choléra ont été identifiés en commune Rugombo, province Cibitoke. D’après l’administration provinciale, les localités touchées sont Rubuye de la colline Mparambo II et Mbaza-Miduha de la colline Rukana II.
Heureusement, se réjouit Mme Léocadie Nkurikiye, titulaire du Centre de traitement du choléra à Rugombo, il n’y a pas eu de pertes humaine. Et d’ajouter : « Toutes ces personnes ont été traitées et sont actuellement chez elles, guéries. »
Elle assure que cette maladie a été vite maîtrisée. Et ce, grâce aux multiples sensibilisations réalisées par les leaders communautaires, la Croix-Rouge, Médecins Sans Frontières et l’administration.
Néanmoins, Mme Nkurikiye appelle la population à continuer à observer les mesures d’hygiène. Une tâche qui ne s’annonce pas facile pour les collines qui ne disposent pas d’eau potable.
Rendre disponible l’eau potable
D’après le ministère de la Santé publique et de la lutte contre le Sida, cette résurgence du choléra est consécutive aux fortes précipitations de décembre dernier. « Elles ont fait déborder les toilettes », déplore-t-il.
Une explication peu convaincante pour les habitants des zones affectées. Pour eux, le manque d’eau potable en est à l’origine.
A Bukirasazi, mercredi 4 janvier, devant un robinet sis près de la route Bujumbura-Bubanza, des femmes, des jeunes hommes et filles font la queue avec leurs bidons en mains. Ils attendent d’être servis en eau potable. « C’est suite à cette épidémie du choléra que la situation est ainsi. Pour le moment, on peut puiser en permanence et gratuitement. Mais avant, il y avait un horaire d’ouverture et de fermeture et on devait payer de l’argent pour puiser », confie Ida, une jeune fille rencontrée-là.
Elle observe que n’eût-été cette maladie, l’alimentation en eau n’est pas permanente dans son quartier : « L’eau venait pendant la nuit et seulement pour deux heures. On devait veiller pour puiser. » Elle indique que certains ménages utilisent de l’eau puisée dans des puits creusés dans leurs parcelles. « Et cette eau n’est pas propre, surtout après de fortes pluies », déplore-t-elle. Or, ajoute un homme rencontré sur place, pour avoir une bonne hygiène, bien se laver les mains… il nous faut de l’eau propre.
Quant à Juliette, une tenancière d’une gargote, elle avoue que l’approvisionnement en eau potable est un sérieux problème : « Parfois, on peut passer toute une journée sans une goutte d’eau dans les robinets. Ainsi, la situation hygiénique se détériore. » Rendre disponible l’eau potable, estime-t-elle, est la seule solution durable pour ne plus parler du choléra. « Si la Regideso n’est pas capable de le faire, il faut permettre aux privés d’investir dans le secteur eau », propose-t-elle.
Mêmes doléances à Rugombo
« La plupart des sources ont tari et un grand nombre de ménages n’ont pas accès à l’eau potable », raconte un habitant de Mparambo I. Il affirme que beaucoup de personnes ont recours aux rivières Nyakagunda et Nyamagana pour avoir de l’eau pour la lessive, la cuisson, etc. Or, déplore-t-il, cette eau est sale et contient des substances et des produits chimiques nuisibles à la vie humaine. « Ces rivières servent à l’irrigation des périmètres agricoles », explique un agronome rencontré sur la colline Mparambo I.
Jean De Dieu Musiguzi, un jeune de la colline Rukana, près de la frontière Ruhwa, indique qu’ils se servent de l’eau de la rivière Ruhwa : « C’est avec cette eau sale et puante que l’on cuisine, que l’on se lave, etc. Ce qui fait que beaucoup d’enfants et des adultes souffrent de vers intestinaux. Sans doute que le choléra résulte de cette situation. »
Dans ces conditions, il juge difficile de respecter les mesures d’hygiène : « Comment être propre, laver régulièrement les ustensiles de cuisine… sans eau potable ? C’est impossible. » Il ajoute que certains ménages n’ont pas de toilettes appropriées. C’est pourquoi ils se soulagent dans les bananeraies.
« Le manque d’eau nous rend vulnérables à plusieurs maladies des mains sales, comme le choléra, les vers intestinaux », confie Pulchérie Nizigama, une habitante de cette localité. Elle observe que cette question de manque d’eau vient de durer plusieurs années. On réclame depuis plusieurs années, se lamente-t-elle, mais notre colline ne compte aucun robinet d’eau qui fonctionne en permanence. Les risques de résurgence du choléra s’en trouvent augmentés. Des inquiétudes partagées par une source médicale à l’hôpital de Cibitoke. S’exprimant sous couvert d’anonymat, notre source soutient que la persistance de la pénurie d’eau potable et l’usage de l’eau des rivières sont à l’origine de cette maladie. « Si rien n’est fait pour rendre disponible l’eau potable, attendons-nous à d’autres cas », lâche-t-il. Pour lui, l’approvisionnement en eau potable doit s’accélérer.
Des actions d’urgence
Pour faire face à cette résurgence du choléra, certaines décisions ont été prises. En mairie de Bujumbura, en commune Ntahangwa où des cas positifs ont été enregistrés, l’accès aux robinets publics est gratuit. Et ils sont ouverts toute la journée.
En compagnie du maire de la ville, de la Croix-Rouge, Sylvie Nzeyimana, ministre de la Santé publique et de la lutte contre le Sida, a effectué une descente dans les quartiers affectés. La population a été appelée à observer les mesures d’hygiène. Et à l’aide de mégaphones, des agents de santé, des leaders communautaires, en collaboration avec l’administration, parcourent les quartiers pour rappeler les mesures d’hygiène.
Et un centre d’isolement et de traitement des malades a été ouvert à l’hôpital Prince Régent Charles.
Dans les quartiers où il s’observe des perturbations dans l’alimentation en eau, la Regideso a promis de résoudre ce problème.
Dans la province Cibitoke, en collaboration avec l’administration, la Croix-Rouge fait des distributions d’eau potable. Mardi 3 janvier, un camion-citerne était garé près de la frontière Ruhwa. Beaucoup de gens des collines environnantes étaient là pour s’approvisionner en eau potable.
Une action très appréciée par la population. « C’est vraiment une grande fête pour nous. On va, cette fois-ci, boire de l’eau potable. Si on organisait ce genre d’interventions quotidiennes, il n’y aurait pas de cas de choléra », se réjouit Jean De Dieu Muvugizi.
Du côté de la Regideso antenne Cibitoke, on est en train d’aménager et de réhabiliter les différentes sources d’eau.