Le dédouanement des produits fabriqués au sein de la Communauté Est-Africaine donne beaucoup de soucis à certains importateurs burundais, notamment les petits commerçants. L’Office Burundais des Recettes(OBR) leur demande des certificats d’origine de ces marchandises pour les exonérer de droits de douanes (25 ou 10% selon la nature du produit). Or ces papiers « magiques » ne sont pas faciles à trouver pour cette catégorie de businessmen ; et l’OBR en refuse certains parfois.
Grande était la colère de certains commerçants rencontrés au port de Bujumbura ce lundi 21 novembre. Ils y étaient pour prendre leurs marchandises importées mais se heurtaient un sérieux problème. « Nous n’avons aucun avantage avec cette OBR. Nous ne pouvons pas continuer notre commerce tant qu’il continue à percevoir des taxes comme il le fait actuellement ! », se plaint une dame. Elle s’insurge contre l’attitude de l’OBR face aux marchandises made in EAC : « Nous amenons nos marchandises accompagnées des certificats d’origine mais souvent, l’OBR ne les accepte pas. Il nous dit qu’ils sont falsifiés. Et sans tarder, il nous exige de payer des droits de douane comme si nos marchandises venaient de l’extérieur de l’EAC ».
Puis elle raconte le cas de ses collègues qui ont dû abandonner le commerce à cause de « lourdes taxes » de l’OBR. « Ces derniers temps, on se rencontrait ici nombreux pour recevoir nos marchandises, mais vous voyez qu’il n ya même pas une vingtaine aujourd’hui», se désole-t-elle avant de préciser que les taxes de l’OBR sont l’une des causes des hausses des prix des produits observées sur le marché. « Nous essayons d’ajuster les prix selon le coût de nos importations. Nous tenons compte du coût de la marchandise, de celui du transport ainsi que des différentes taxes de l’OBR. Si cette dernière nous exige des taxes sur des produits qui devraient être exonérés, vous comprenez le niveau des prix devient très élevé.»
La plupart de ceux qui se plaignent sont de petits commerçants : ceux dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 500 dollars américains, d’après l’OBR. Les grands commerçants interrogés disent ne pas éprouver ces difficultés.
Le protectionnisme tanzanien
Selon Polycarpe Kubwayo, Secrétaire exécutif de l’association des commerçants transfrontaliers du Burundi, la Tanzanie n’accorde plus de certificats d’origine pour ses denrées alimentaires : « C’est très dommage pour les importateurs du riz tanzanien ou d’autres produits agricoles. Ils se voient infliger des droits de douanes comme si leurs produits venaient de l’extérieur de l’EAC. D’où la flambée inquiétante des prix des denrées alimentaires.» La Tanzanie serait mue par le souci de protéger sa production intérieure : « Elle veut d’abord nourrir sa population.»
Du côté de l’OBR, Dieudonné Kwizera, le chargé de la communication, n’a pas voulu dire un mot par rapport aux plaintes de ces petits commerçants : « Combien de commerçants disent que l’OBR a refusé leurs certificats pour cause de falsification ? Amenez-moi un qui confirme cela avec son certificat d’origine et je m’explique après.» Iwacu ne pouvait pas le faire. Protection des sources oblige !
M. Kwizera s’est limité à souligner que l’OBR applique le code général des impôts du Burundi qui existait bien avant la création de l’office. « Nous avons seulement introduit la rigueur et la vigilance », explique-t-il avant de reconnaître que la plupart des petits commerçants burundais ne sont pas immatriculés. « Ce n’est pas possible d’accéder à ces certificats d’origine sans avoir le numéro d’immatriculation fiscale. Nous sommes en train de mener des campagnes de sensibilisation pour que tout le monde se fasse enregistrer.»
Au ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme, l’on promet de soumettre la question de non-délivrance des certificats d’origine en Tanzanie lors des rencontres avec leurs homologues de la sous-région: « Nous ne savions pas que la Tanzanie a pris cette mesure. La loi ne le permet pas, les ayant-droits devraient les avoir aisément», annonce Radegonde Nkengurutse, directrice du commerce extérieur. Et pour le cas de marchandises made in Burundi, elle indique que son ministère va très bientôt confier l’octroi des certificats d’origine à l’OBR : « Nous voulons créer plus de facilités d’obtention de ces certificats pour ceux qui en ont besoin. L’OBR pourra mieux le faire ; car il est présent dans plusieurs coins du pays.»
Rwanda : « Contacter d’autres offices de la région »
Le doute sur les certificats d’origine apportés par les importateurs n’est pas l’apanage de l’OBR. L’Office Rwandais des Recettes (RRA en anglais) l’a aussi expérimenté : « Nous devions contacter d’autres offices de collecte des recettes des pays membres de l’EAC pour qu’ils nous aident à vérifier l’authenticité de ces documents », confie Providence Iriza, directrice des Avantages fiscaux à la RRA. Elle suggère à l’OBR de passer par la même procédure avant de prendre la décision de taxer les produits : « Chez nous, nous n’avons plus de tels problèmes», témoigne-t-elle. Mais au sujet des produits agricoles tanzaniens, elle fait savoir que même les importateurs rwandais n’ont pas de certificats d’origine à présenter pour le moment. Régis, un Burundais faisant son commerce au Rwanda confirme les propos de Madame Iriza : « Si nous arrivons au RRA avec des certificats d’origine, on ne nous demande plus de droits de douane. Nos produits passent sans difficulté, sauf pour les produits tanzaniens», se réjouit-il.