Jeudi 26 décembre 2024

Environnement

Le calvaire des rescapés de Gabaniro

07/05/2024 1
Le calvaire des rescapés de Gabaniro
D’énormes dégâts ont été causés par le glissement de terrain de Gabaniro

Environ cinq cents familles sont actuellement rassemblées au Centre d’enseignement des métiers de Gitaza. C’est après le glissement de terrain de Gabaniro en commune Muhuta de la province de Rumonge qui a causé des dégâts énormes. Insuffisance d’assistance alimentaire, une vie en promiscuité et d’autres mauvaises conditions. Voilà la situation que traversent ces déplacés environnementaux qui en appellent à l’aide. Reportage.

La désolation, le désespoir et la peur. Tel est le climat qui règne sur la colline Gabaniro, après le glissement de terrain de la soirée du 19 avril 2024.

La colline, jadis verdoyante, avec des champs de manioc, des arbres fruitiers, des bananiers à perte de vue et des habitations en tôles est actuellement méconnaissable. Tout a été soit balayé soit enfui dans le sol.

Quand tu arrives là-bas, ce sont des grosses pierres, des étangs d’eau qui s’étalent sur plus de 500 m, des orangers, des manguiers qui t’accueillent.

Quelques rares toits de maisons en tôles sont visibles, le reste étant totalement enfui. Des paires de chaussures, des nattes usées qui servaient de matériel de couchage, des vieilles moustiquaires, des ustensiles cassés, des fenêtres ou des portes sont éparpillés partout, dans les décombres.

Face à ce méchant glissement, même des infrastructures en dur comme les bâtiments du projet Kirasa Energy n’ont pas résisté.

Des installations de la Regideso comme les poteaux électriques, des tuyaux d’alimentation en eau potable n’ont pas non plus été épargnées. L’endroit est devenu une zone fantôme.

Des scènes qui perturbent le sommeil de Divine Ntakirutimana, 20 ans. « C’était vraiment terrible. Je n’avais jamais vu des choses pareilles. Je pensais que c’était la fin du monde », raconte-t-elle. « Nous avons entendu des gens crier au secours là en haut. Je suis sortie dehors. J’ai vu toute la colline bouger. La terre tremblait. On entendait des explosions comme des bombes. Je me suis directement sauvée en courant et ma mère a été sauvée par ses petits-enfants. On a couru jusqu’en bas, sur la route goudronnée. », poursuit-elle.

D’après cette jeune dame, rien n’a été sauvé de la maison, des ustensiles de cuisine au matériel de couchage. « L’urgence était de sauver notre peau », souligne-t-elle. Aujourd’hui, Mme Ntakirutimana affirme qu’elle dort difficilement. « Pendant la nuit, je fais des cauchemars. Je vois toujours des arbres défiler, des maisons s’effondrer, des montagnes bouger. Je passe souvent des nuits blanches. »

Elle n’est pas la seule à vivre ce cauchemar. Le prénommé Bosco, un autre rescapé, affirme en effet que cela lui prendra du temps pour oublier cette soirée fatidique. « En tout cas, seul Dieu sait pourquoi on est encore en vie. Il y avait moyen que tout le monde soit enfui. Mais, on est encore là, par la grâce divine. », évoque-t-il. Il se souvient que c’est aux environs de 18 h que le glissement a commencé. « On pensait que ça allait se limiter là en haut. Mais, au fil du temps, le mouvement s’est amplifié », raconte-t-il.

Il signale que de grosses pierres se sont déplacées. « Des grondements et des explosions se faisaient entendre. Si c’était en temps de guerre, on aurait pensé à des bombes. Vraiment, c’était pour la première fois que j’entendais cela. C’était très terrifiant. »

Parmi les dégâts, il signale qu’il y a eu un enfant de 5 ans qui est mort. « En fait, on était voisin. Quand nous avons entendu des gens lancer des alertes, sa mère est rentrée dans la maison pour récupérer quelques habits. Son enfant l’a suivie. Quand la maman est sortie, elle s’est sauvée sans se rendre compte que son fils était à l’intérieur. Malheureusement, la maison s’est effondrée sur lui. On a retrouvé son cadavre le lendemain du drame », rapporte-t-il.

Des centaines de maisons détruites

En plus des champs agricoles emportés, Aimable Sibomana, chef de la colline Gabaniro indique que plus de deux cents maisons ont été totalement détruites. « En fait, sur notre colline, nous avions quatre cent quatre-vingt-dix-huit ménages. Seules des maisons se trouvant en bas de la route Bujumbura-Rumonge ont été épargnées », précise-t-il.

Le bilan fourni par l’administration communale le lendemain de la catastrophe faisait état d’une personne morte, de 2.485 sans-abris, de 375 maisons détruites et de 500 hectares de champs agricoles détruits.

Sans préciser son nom, le chef de la colline Gabaniro souligne qu’il y a une autre sous-colline qui n’a pas heureusement été touchée ainsi qu’une école et quelques robinets qui restent fonctionnels.

Il signale que beaucoup d’animaux domestiques ont péri dans cette catastrophe. Il cite des porcs, des lapins, des chèvres et des cobayes. « Certains ont été retrouvés morts et d’autres se trouvent encore sous les décombres », déplore-t-il tout en reconnaissant qu’aucune vache n’y a péri.

Tout le monde a besoin de l’aide

« Vraiment, tout le monde a besoin d’être assisté. Même ces ménages dont les maisons sont encore intactes », plaide cet administratif à la base. En effet, motive-t-il, c’est sur cette partie totalement dévastée que ces ménages cultivaient du manioc, du haricot, des arbres fruitiers et bien d’autres cultures vivrières. « Aujourd’hui, ils sont démunis et ne font rien comme activité qui puisse leur permettre de vivre. »

Pire encore, déplore-t-il, même ceux qui faisaient la riziculture au bord du lac Tanganyika ou de la rivière Kirasa sont dans la même situation à la suite de la montée des eaux du lac et de la rivière. « Le risque de famine est grand », prévient-il.

Il craint d’ailleurs pour la sécurité des habitants des autres collines. M. Sibomana indique que le glissement de terrain les guette aussi.

Il fait en effet remarquer que de grandes fissures sont déjà là. Certains habitants ont d’ailleurs commencé à enlever les toitures de leurs maisons, les portes et les fenêtres. « Ils craignent de vivre ce que les gens de Gabaniro ont vécu. »

Il cite ici les collines Gasange, Gitaza, Mubone et Nkuba. Une information d’ailleurs confirmée par un administratif de l’une de ces collines citées. « Oui, il y a une grande fissure qui a même déjà commencé à faire des ramifications. Cette situation est très prononcée sur les sous-collines Rugenge et Rusovu », renseigne Frédiane Bigirumwami, cheffe de la colline Gitaza.

Jointe par téléphone, elle précise qu’une trentaine de maisons présentent déjà des signes d’effondrement. « Malheureusement, nous avons recommandé aux occupants de vider les lieux mais ils sont encore là. Car, ils n’ont pas où aller. »

Elle estime qu’il faut délocaliser ces gens d’urgence pour éviter des pertes en vies humaines. « Nous avons tellement peur. Imaginez si ce glissement se produisait pendant la nuit. Les pertes en vies humaines seraient énormes », avertit-elle, notant que si le cas de Gabaniro se serait passé pendant la nuit, quand les gens sont déjà en profond sommeil, les pertes en vies humaines auraient été beaucoup plus.

De déplorables conditions de vie

C’est au Centre d’enseignement des métiers de Gitaza que les rescapés du glissement de terrain de Gabaniro sont logés provisoirement. Nous sommes au bord du lac Tanganyika à une trentaine de kilomètres de Bujumbura, la capitale économique.

Les conditions de vie y sont très déplorables. Une vie en promiscuité où des hommes et des jeunes garçons se partagent une même salle pour dormir. Les femmes et les enfants passent la nuit ensemble dans des locaux qui servaient de salles de classe. Les conditions hygiéniques sont aussi précaires en termes notamment de disponibilité des toilettes.

Sylvana Ndihokubwayo : « Nous avons tellement besoin d’une assistance en ustensiles de cuisine, en habits et en nourriture. »

Toutefois, ces déplacés environnementaux remercient la Croix-Rouge qui fait de son mieux pour leur approvisionnement en eau potable. « A ce niveau, nous n’avons pas de grands soucis », confie Sylvana Ndihokubwayo, la cinquantaine.

Native de la sous-colline Kavunasuka, colline Gabaniro, elle indique que la vie n’est pas facile : « Nous dormons ensemble, sans matériel de couchage, sans moustiquaire ni de couverture. Les enfants dorment sur le ciment et il y a trop de chaleur. Ce qui augmente les risques de maladies. »

Elle mentionne qu’ils n’ont même pas d’ustensiles pour cuire le peu d’assistance alimentaire déjà reçu. « Il nous est très difficile de trouver ce genre de matériel parce qu’on n’a rien récupéré de nos maisons. On se rabat vers des familles environnantes de notre site pour avoir des casseroles, des assiettes et bien d’autres matériels. Nous avons tellement besoin d’une assistance en ustensiles de cuisine, en habits et en nourriture. »

Une autre déplacée trouve que chaque famille devait au moins avoir une tente. « Aujourd’hui, il n’y a plus d’intimité. Ce qui est vraiment très difficile pour nous les femmes », avoue-t-elle.

D’après Edmond Nsengiyumva, responsable du site provisoire des déplacés de Gabaniro, environ cinq cents familles y vivent. Les femmes y sont très nombreuses. Il affirme que ces déplacés éprouvent beaucoup de difficultés. « Nous avons reçu une assistance alimentaire mais elle reste très insuffisante. » souligne-t-il.

Edmond Nsengiyumva : « Nous avons reçu une assistance alimentaire mais elle reste très insuffisante. »

Et de préciser que beaucoup d’enfants ne parviennent plus à aller à l’école. Sauf ceux de la 9e année qui ont été délocalisés vers Gitaza. « C’est une grande perte pour nos enfants vu que le 3e trimestre venait à peine de commencer.»

En plus de leurs enfants qui sont sur le banc de l’école, il déplore que même les jeunes qui apprenaient des métiers dans ce centre aient été contraints de suspendre les apprentissages.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. hakizimana jean capistran

    Merci pour ce reportage et je me joint de coeur en ame et conscience avec ces rescapEs! Que Dieu allege leurs peines

    « Nous avons reçu une assistance alimentaire mais elle reste très insuffisante. » souligne-t-il.

    Mon commentaire.
    je demanderais aux pouvoirs publics de lancer un appel A la solidarite nationale . je suis de ceux qui y participeraient avec modestie.

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