Dans les rues de Bujumbura, de nombreux enfants sont engagés comme vendeurs ambulants d’arachides, d’œufs et autres beignets. Ils sont mal payés, méprisés, parfois battus. Reportage
Vêtements crasseux et souvent en loques, tristes, corps maigres, chassies sur les yeux, lèvres sèches et fendillées pour la plupart d’entre eux … Ce sont les visages offerts par quelques enfants dans les rues de Bujumbura. Ils ont pour la plupart moins de 16 ans. On les rencontre devant les bars, sur les parkings des taxi-vélos, tout près des marchés, etc. Ils viennent des familles pauvres de l’intérieur du pays. Ils n’ont pas pu poursuivre les études comme Eric Kwizerimana, un de ces enfants rencontrés au marché de Kamenge : « Je n’avais pas d’autres choix. J’ai abandonné l’école à cause de ma marâtre qui me maltraitait. Je suis descendu à Bujumbura accroché sur l’arrière d’un camion parce que je ne pouvais pas me payer le ticket de transport. »
Âgé de 15 ans, il est originaire de Ngozi. Il était en 8e année de l’école fondamentale quand il s’est retrouvé dans l’incapacité de continuer l’école. Arrivé à Bujumbura, cet enfant dit que les choses se sont compliquées. «J’ai passé plusieurs mois errant dans les rues de Bujumbura. Je pouvais passer une journée sans rien mettre sous la dent. Et je dormais devant des boutiques, en plein air, sans couverture », raconte-t-il, ses yeux inondés de larmes. C’est par après qu’il a eu ce petit ‘’job’’ de vendeur d’arachides grillées. « Par mois, mon patron me donne 20 mille BIF».
Le « salaire » n’est même pas régulier : « Il arrive qu’il ne me donne rien prétextant qu’il n’y a pas eu de bénéfice. »
Eric n’est pas le seul à vivre cette situation. Jean-Bosco Bigirimana, un autre enfant de Kirundo, raconte : « Mon patron m’a chassé sans rémunération. » Âgé de 15 ans, il dit avoir quitté l’école à cause d’un directeur qui lui a refusé la place de redoublement. Lui aussi, malgré les efforts fournis pour écouler ses produits, arachides et œufs, il ne reçoit que 20 mille BIF par mois.
Ces enfants disent qu’ils sont exposés à toutes sortes de dangers. « Je suis tombé dans un groupe de trois policiers, un jour. Ils ont saisi mes beignets et les ont piétinés en pleine rue. Et je n’ai rien récupéré », se souvient Niyonkuru, un autre enfant âgé de 15 ans et originaire de Muyinga. Encore sous le choc, il ajoute qu’il a été par après emprisonné.
C’est après 48h qu’il a été libéré grâce à l’intervention de son employeur. D’autres enfants interrogés signalent qu’ils sont souvent attaqués par des voleurs. Parfois des clients prennent leurs produits et partent sans payer. De retour chez leur patron, les gamins doivent se justifier : « Souvent, nos explications ne sont pas entendues. Nos employeurs nous accusent de mentir pour voler leur argent. On est soit chassé, soit bâtonné. »
Interrogés, quelques employeurs rétorquent que ces enfants sont affectés à « des petites tâches. » Moïse Nkunzimana de Bwiza rejette les allégations de ces enfants : « Il ne faut pas généraliser. Peut-être qu’il y en a qui maltraitent ces enfants, mais de mon côté, ils sont bien payés et nourris. » Au sujet de l’âge, il se présente en sauveur et estime qu’il les aide plutôt : «Ces enfants viennent des familles pauvres, comment refuser un job à un enfant nécessiteux pour survivre ? »