Samedi 23 novembre 2024

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Le calvaire des journalistes d’Iwacu

JOUR 8

29/10/2019 Commentaires fermés sur Le calvaire des journalistes d’Iwacu : JOUR 8
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Par Abbas Mbazumutima

 

Tribunal de Grande Instance de Bubanza. Dans 48 heures, à partir de ce mardi 29 octobre 2019, la Chambre de conseil se prononcera sur la confirmation de la détention préventive ou la mise en liberté des 4 journalistes du Groupe de presse Iwacu et leur chauffeur.

Incarcérés à la prison de Bubanza depuis 8 jours, le sort d’Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Egide Harerimana, Térence Mpozenzi et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza reste suspendu à la décision de cet organe.

Mardi, il est 14 heures et demie. Le grincement de la porte de la salle de réunion du TGI Bubanza sonne la fin de deux heures de débats de cette Chambre de Conseil. Cette porte (sans poignets) vient de s’ouvrir, les magistrats sortent les premiers, têtes baissées.

«Ça craint. Est-ce un mauvais signe ?», chuchotent les journalistes d’Iwacu venus soutenir leurs confrères qui traversent un moment difficile. Ils viennent de passer deux heures d’attente du verdict, assis sur un banc entourés de deux policiers devant cette salle d’audience du TGI Bubanza.

Les juges se dirigent vers leurs bureaux laissant les trois avocats et leurs clients dans cette salle. Ils discutent encore, la voix d’Agnès domine. Elle est juriste de formation.

Quand nos avocats, en toge, sortent à leur tour de cette salle, curieusement eux n’ont pas les visages renfrognés. Le banc pousse un ouf de soulagement. C’est dans une détente relative que les trois avocats d’Iwacu et leur chauffeur, annoncent la nouvelle : «Nous sommes confiants, les juges doivent statuer sur la régularité de la détention dans 48 heures».

Me Clément Retirakiza, un de ces avocats est sans équivoque : « S’ils s’en tiennent à dire le droit, rien que le droit, nos clients seront relaxés ».

Au regard des accusations du ministère public et aux preuves qu’il essaie de fournir, argumente-t-il, nous espérons que si les juges lisent la loi, ces journalistes et leur chauffeur vont recouvrer leur liberté.

Selon lui, il faut se réjouir, au cours de cette séance à huis clos, les juges ont accordé la parole aux journalistes, leur ont donné le temps pour s’exprimer et s’expliquer, de répliquer aux accusations du ministère public. «Et cela a été pareil pour nous », dit satisfait Me Retirakiza.

C’est vrai que le débat a été vif. Du corridor, à un certain moment pendant cette séance on a entendu Agnès élever la voix. On a entendu une autre voix féminine, probablement celle de Christine, tenter de calmer le jeu.

Ce mardi, les quatre journalistes et leur chauffeur sous escorte, ont le visage rayonnant avec un petit sourire au coin des lèvres.

Les journalistes n’auront pas l’occasion de leur parler, les deux policiers chargés de surveiller les prévenus donnent l’ordre de se diriger vers la prison. Mais après une courte négociation, la permission d’accompagner les collègues incarcérés jusqu’à l’entrée de la prison est accordée.

Nos collègues profitent de ce court moment de liberté encadré pour s’acheter quelques petits articles : une bouteille d’eau, un dentifrice, de pauvres « bitumbura » (beignets)…

Ensuite, direction la prison. Longues accolades. On se dit au revoir. Soupir. Les deux groupes, celui des journalistes incarcérés et celui des journalistes « libres » se séparent. Les portes de la prison se referment. Pour les journalistes « libres », direction le siège d’Iwacu à Bujumbura.

Le chauffeur de notre voiture démarre et enclenche la marche arrière pour sortir du parking de la prison. La voiture qui recule émet un bip automatique qui sonne comme une plainte… A demain les amis.

Le mardi 22 octobre, vers midi, une équipe du journal Iwacu dépêchée pour couvrir des affrontements dans la région de Bubanza est arrêtée. Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi, Egide Harerimana et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza voient leur matériel et leurs téléphones portables saisis. Ils passeront une première nuit au cachot, jusqu'au samedi 26 octobre. Jusqu'alors, aucune charge n'était retenue contre eux. Mais le couperet est tombé : "complicité d'atteinte à la sécurité de l'Etat". Depuis l'arrestation de notre équipe, plusieurs organisations internationales ont réclamé leur libération. Ces quatre journalistes et leur chauffeur n'ont rien fait de plus que remplir leur mission d'informer. Des lecteurs et amis d'Iwacu ont lancé une pétition, réclamant également leur libération. Suite à une décision de la Cour d'appel de Bubanza, notre chauffeur Adolphe a retrouvé sa liberté. Ces événements nous rappellent une autre période sombre d'Iwacu, celle de la disparition de Jean Bigirimana, dont vous pouvez suivre ici le déroulement du dossier, qui a, lui aussi, profondément affecté notre rédaction.