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Le business au secours de la paix

20/10/2011 Commentaires fermés sur Le business au secours de la paix

Les appels répétés de diplomates, d’ONG internationales, de la société civile et de religieux ne semblent pas réussir à convaincre les protagonistes du conflit post-électoral burundais à préférer les moyens pacifiques et démocratiques pour résoudre le conflit actuel. Est-ce que les entrepreneurs ne pourraient pas s’impliquer et jouer un rôle positif et efficace auprès de la classe politique burundaise et rendre au Burundi l’image d’un pays attractif pour attirer les investisseurs ?

Financée par l’Organisation de l’Union Africaine (OAU), la Banque Mondiale, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), USAID et l’Agence Suisse de Développement, une conférence organisée à Pretoria du 14 au 16 décembre 1998 a abordé la même thématique : « Le secteur privé et la résolution des conflits » en Afrique. Treize ans après cette conférence, ses analyses et ses recommandations sont d’une brûlante actualité et s’appliquent parfaitement à la situation du Burundi. «Les conflits en Afrique, souligne l’introduction du rapport de cette conférence, ont créé une sorte d’instabilité structurelle qui a marginalisé le continent dans le commerce mondial au point que sa contribution ne dépasse guère 2% du volume des échanges mondiaux. Pour les Etats africains en guerre, le coût économique du conflit est extrêmement élevé. De lourdes dépenses militaires conduisent à des déficits de budgets, à la destruction des infrastructures et à d’importantes chutes de la production. Les conflits asphyxient le secteur privé en raison de l’augmentation du fardeau fiscal destiné à soutenir «l’effort de guerre».

En fait, dans le domaine de l’entreprise face au conflit, il existe trois cas de figure : les entreprises peuvent en être victimes, elles peuvent profiter du chaos qu’elles aggravent ou peuvent aussi s’investir dans la résolution des conflits.

Des entreprises victimes des conflits

On l’oublie souvent, les investisseurs privés figurent parmi les premières victimes des conflits dans un pays en guerre. Elvis Musiba, un homme d’affaire tanzanien, raconte sa mésaventure quand éclate la première guerre de Kabila en RDC. « Je me trouvais à Kinshasa lorsque le conflit a éclaté. Je gérais un projet avec une entreprise de construction sud-africaine et une société de financement des États Unis. Lorsque le conflit a éclaté, nous avons tous fui et perdu notre argent.  »

Les pouvoirs publics burundais ne cessent d’appeler, avec raison, les investisseurs étrangers à créer des entreprises au pays afin de contribuer à son développement, de créer des opportunités d’emplois et de lutter contre le chômage endémique. Avant de prendre une décision d’investissement, tout entrepreneur avisé analyse d’abord les facteurs de risque dans le pays dans lequel il souhaite développer une activité économique lucrative. Or, le Burundi, est marqué par la violence et l’instabilité politiques depuis plusieurs années. En outre, les crises politiques internes et régionales conjuguées aux crises économiques ont considérablement fragilisé le tissu d’entreprises industrielles. La Verrundi, industrie du verre et le COTEBU, industrie textile, entre autres, constituent les preuves qu’un investissement de grande envergure peut être fragilisé et même anéanti par les conflits politiques. De même, les grands chantiers annoncés aujourd’hui, l’exploitation du nickel, la construction du chemin de fer Gitega-Kigali, du barrage hydroélectrique de la Rusumo, de la dorsale de la fibre optique, pour ne mentionner que ceux-ci, exigent la stabilité et la paix sur le long terme.

Des entreprises profitent du chaos et aggravent les conflits

En 1997, l’embargo imposé par les pays de la région au Burundi a été cité au cours de la conférence de Pretoria comme un exemple type de situation chaotique dont des entreprises véreuses ont su tirer profit. Financée par USAID, une enquête menée par ESABO, une organisation régionale d’entreprises basée à Nairobi à l’époque, a révélé une réalité édifiante. Selon Alex Odero, alors Secrétaire général de cette organisation, « Esabo a conduit une délégation au Burundi pour évaluer l’effet et l’impact de l’embargo sur ce pays. Notre conclusion était que l’embargo était dénué de sens. En fait il encourageait la corruption, il encourageait d’inefficacité et il encourageait le conflit. Avec notre rapport, nous avons fait pression sur les chefs d’Etats du COMESA. Cela pourrait fournir un modèle pour les futurs travaux … » Daniel Arap Moi, alors président du Kenya, découvrant les résultats de cette enquête a aussitôt ordonné de briser l’embargo contre le Burundi. Ainsi, les premiers vols partant de l’aéroport d’Eldoret, à l’Ouest du Kenya, ont commencé à desservir Bujumbura.

«Avec l’embargo au Burundi, a ajouté Elvis Musiba de Tanzanie, beaucoup de personnes en Tanzanie et au Burundi ont perdu des affaires. Cet embargo étranglait les entreprises et, ce faisant, il ajoutait plus de conflit dans la région. Il y avait beaucoup de corruption et de contrebande entre la Tanzanie et le Burundi. Le Burundi disait: « laissez-nous alléger les formalités à la frontière afin qu’au moins quelque chose entre. Mais ce faisant, même des choses encore pires se passaient au Burundi. Les armes entraient comme des bonbons … ».

Des entreprises et la résolution des conflits

Francis Simenda de Zambie qui participait aussi à la conférence de Pretoria a posé un diagnostic très pertinent. « Je pense que pour que les politiques réussissent, a-t-il déclaré, vous avez besoin d’une plus large participation de tous les partenaires. Mais dans la plupart des nations, vous avez un gouvernement qui est élu sur certaines promesses. Ils prennent le pouvoir et disent «nous avons promis au peuple que nous ferons ceci quand nous serons au gouvernement ». Maintenant, quand nous essayons d’intervenir en tant que secteur privé et société civile pour tenter de faire certaines suggestions, (qui peuvent ne pas être favorables au gouvernement au pouvoir), nous sommes parfois pris pour des subversifs qui essayent d’interférer avec le mandat d’un gouvernement légitime. Si vous êtes un homme d’affaires, la machinerie de l’Etat peut venir déstabiliser votre entreprise et des choses comme ça. Cela affaiblit la participation de l’entreprise privée …  »

«Immédiatement après la sortie de prison du président Mandela, a ajouté Vasu Gounden de l’ONG ACCORD, nous avons eu le début des négociations dans le pays. Nous avons vu une très forte hausse de la violence en Afrique du Sud. Beaucoup d’entre vous se souviennent de ces journées où il y avait un niveau extrême de la violence dans le pays. C’est le secteur privé, à travers la communauté des affaires, qui s’est associé avec le secteur religieux et a créé l’Accord National de Paix. Parce que les politiciens ne pouvaient s’entendre sur la façon de mettre fin à la violence, le secteur privé est intervenu, a fourni les ressources… C’est grâce au secteur privé que nous avons aujourd’hui la stabilité en Afrique du Sud …  » A quand une conférence du secteur privé au Burundi, dans l’esprit de celle Pretoria, pour contribuer à instaurer la stabilité et la paix?

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