Du 4 décembre au 6 décembre, le Burundi a accueilli la 15ème édition du Forum des marchés publics des pays de la Communauté Est-Africaine sous le thème : « Améliorer la commande publique en mesurant la performance, le secteur des marchés publics face à tous les défis ».
La commande publique occupe plus ou moins 50% du budget de l’Etat mais ce secteur fait face à plusieurs défis. Il s’agit notamment de la lenteur des procédures dans la passation de marchés publics, la corruption, le manque de transparence, insuffisance des compétences et performances des agents de la commande publique, manque d’indépendance de l’autorité de régulation, absence de digitalisation pour une dématérialisation des procédures, etc.
Jean-Claude Nduwimana, directeur général de l’autorité de régulation des marchés publics au Burundi, ARMP explique que le secteur engage des gros montants dont la disparition représente un danger. « Si ces sommes colossales venaient à être mal gérées ou un quart de ces montants est détourné, cela freine le développement et entrave l’économie ».
Au niveau de la Communauté Est-Africaine le Burundi se classe dernier dans la transparence dans la passation des marchés publics. Il l’est également dans la prise en compte des personnes à besoins spécifiques comme les femmes, les personnes vivant avec handicap et des jeunes.
L’EAC recommande également la mise en place d’une plateforme de gestion des marchés et la dématérialisation des procédures où le Burundi reste en arrière.
Le Rwanda est avancé sur toutes les résolutions de l’EAC en matière de gestion des marchés publics. Il est suivi par la Tanzanie et enfin par le Kenya.
Le directeur général de l’ARMP reconnaît que la transparence dans ce secteur reste un défi. « Au niveau du code des marchés publics, il est prévu la publication des résultats de passations de marchés publics pour savoir les attributaires des marchés publics. Les dispositions ne sont pas respectées par des autorités contractantes ».
Il explique que c’est en mettant en place une plateforme électronique qu’il sera possible d’essayer d’étaler les données des marchés publics. « Ce sont des données qui ne sont pas confidentielles, la population doit savoir comment son argent est utilisé. L’ARM est entrée de mettre en place ce système en s’inspirant des expériences de ceux qui sont avancés en la matière. Le système est dans sa phase de test des fonctionnalités et sa mise en œuvre effective est projetée pour la fin 2024 ».
« L’inefficacité des marchés publics rend du coup l’inefficacité de l’Etat »
Dans son mot d’ouverture, Audace Niyonzima, ministre des Finances, du Budget et de la Planification économique a reconnu les défis qui gangrènent le secteur des marchés publics.
Il a parlé du clientélisme, de la corruption et des malversations économiques. « Il faut toucher toutes ces faiblesses qui rendent le processus des marchés publics inefficace. L’inefficacité des marchés publics rend du coup l’inefficacité de l’Etat. Donc, un Etat inefficace c’est la source de tous les malheurs que nous avons en Afrique et la pauvreté ».
Il a indiqué que le Burundi est fortement engagé dans des réformes des finances publiques, notamment l’assainissement de la gestion des finances publiques, la lutte contre la fraude fiscale et douanière.
Le ministre des Finances a précisé également qu’un accent particulier doit être mis sur le processus de passation des marchés publics. « Le gouvernement a mis en place une stratégie de digitalisation de tous les services de l’État de manière générale pour améliorer la gestions des finances publiques ».
Des lois claires
Dr Youssef Farajallah, consultant indépendant marocain auprès d’institutions publiques et privées a travaillé dans le secteur des marchés publics pendant 27 ans. Il donné une présentation sur « le triptyque de l’économie industrielle dans le contexte des marchés publics ».
Il parle de la structure, le comportement et la performance qui forment ce triptyque. « Les conseils que je pourrais donner au système des marchés publics au Burundi pour s’améliorer sont les suivants. Il n’y a pas de solution miracle. Il faut la formation, la révision des textes et l’établissement d’une indépendance d’action de la justice ».
Pour lui, les changements ne se produisent jamais de manière brutale. Il faut, dit-il, d’abord la révision des textes pour identifier les améliorations nécessaires et les changements à apporter. « Plus le texte est clair, précis et sans ambiguïté, plus il est adoptable et adaptable ».
Selon Dr Youssef Farajallah, il ne s’agit pas de faire une politique en fonction des moyens disponibles, mais plutôt adapter les moyens à la politique. « C’est-à-dire analyser la situation et procéder à une révision. Ensuite, tous les acteurs, y compris les entreprises, l’autorité de régulation, les organismes de contrôle et les décideurs doivent être impliqués ».
Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques déplore que le Burundi reste toujours en arrière, dans la logique des vieilles habitudes. « Le secteur des marchés publics est sujet à plusieurs enjeux. Ceux qui y travaillent et les bénéficiaires des marchés sont devenus plus riches que l’Etat ».
Pour lui, le Burundi doit combattre toute forme de corruption s’il veut avancer. Dans le secteur des marchés publics, il faut que la transparence soit garantie. On parle de la dématérialisation des procédures pour la soumission électronique. Cela permet de suivre tous les marchés mais ce n’est pas encore possible car la digitalisation n’est pas encore mise en œuvre ».
Le président de l’OLUCOME reste confiant que des choses vont changer avec cette volonté du chef de l’Etat. Cette volonté politique dans les marchés publics, dit-il, doit être accompagnée par des documents de politiques, des cadres légaux et réglementaires clairs et des individus pour la mise en œuvre.
Le Sénégal : un cas d’école pour la transparence dans le secteur des marchés publics
Selon Saër Niang, directeur général de l’autorité de régulation des marchés publics au Sénégal, le processus d’élaboration de la réforme de la commande publique a été engagé dans une dynamique communautaire et inclusive. Des règles ont été établies, dit-il, et des directives ont été prises.
En 2008, ils ont mis en place un nouveau système reposant sur trois piliers principaux. Tout d’abord, ils ont rompu avec le passé, car il y avait de nombreuses lacunes et un système corrompu. « Il y avait la surfacturation, on connaissait d’avance l’entreprise qui allait gagner le marché ».
Trois formations sont dispensées dont celle qualifiante, certifiante et diplômante. « Il fallait se débarrasser de ces pratiques qui empoisonnaient nos communautés en intégrant des personnes compétentes techniquement et maîtrisant la gestion de la commande publique et son articulation ».
Le deuxième pilier est l’indépendance de l’institution, facilitée par la volonté des pouvoirs publics. « Il ne faut pas de dépendance hiérarchique ni prise de décision sous pression, dictée par la hiérarchie. Elle n’est pas rattachée hiérarchiquement à une administration ; un autre élément, c’est une autonomie financière. Le gouvernement a accepté de relever une redevance de régulation payée par les entreprises qui gagnent les marchés », explique-t-il.
Saër Niang, l’Autorité de Régulation des Marchés Publics au Sénégal parle du troisième pilier reposant essentiellement sur le renforcement de la transparence, la modernisation du système de passation de marchés et la reddition des comptes. « Nous avons éliminé toute notion de confidentialité, tout doit être public. Chaque année, on fait un plan de passation des marchés publics. Le dossier d’appel d’offres est publié, l’attributaire est publié, le coût du marché est publié. Toutes les informations sont rendues publiques. Tout le monde sait qui a gagné le marché et à quel montant. Le coût de la commande publique a baissé et la qualité est augmentée », a-t-il précisé.
Un autre élément, c’est la redevabilité. Saër Niang fait savoir que tout le monde doit être redevable et un audit est commandité. « Le rapport n’est pas destiné aux autorités en cachette. Il est publié et présenté devant la presse. Cela a permis d’assainir le secteur de passation des marchés au Sénégal où plus de 85% des marchés passent par un appel d’offre ouvert ».
Marchés publics niyo mangements y ibihangange.
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