Vendredi 22 novembre 2024

Santé

Le Burundi attend désespérément un centre de référence en cancérologie

20/10/2020 Commentaires fermés sur Le Burundi attend désespérément un centre de référence en cancérologie
Le Burundi attend désespérément un centre de référence en  cancérologie
Légende: Le dépistage précoce reste un des grands défis dans la lutte contre le cancer au Burundi

Hormis le diagnostic difficile, le coût onéreux des soins. Son traitement est un calvaire. Anne Kamana*, une malade du cancer, partage son expérience. Un témoignage qui rappelle combien il est difficile de se faire soigner lorsqu’on souffre du cancer au Burundi.

Si le cancer du sein dont elle se remet petit à petit a pu être diagnostiqué, mars 2016 en Inde, ce fut un véritable parcours du combattant. Depuis 2012, Anne Kamana sent des douleurs au niveau du thorax, du coup et de la tête. Ne sachant où donner la tête. Elle passe de cabinet médical à cabinet médical. « J’ai d’abord commencé à consulter un pneumologue. Comme je me tordais aussi des douleurs au niveau du cou, je me suis dit que je dois consulter un neurologue ou un ophtalmologue. Une peine perdue. Chaque fois, les médecins me disaient que je suis bien portante. Il n’y aucune anomalie dans mes examens ».

Toutefois, poursuit-elle, les douleurs ne cessent de s’amplifier. « Confuse, je n’ai pas cessé de me poser des questions sur l’origine de ces douleurs ». Sans solutions, elle confie qu’elle s’en est remise à Dieu le Tout Puissant.

Mais un événement tragique survient en février 2014. La mère d’Anne Kamana décède des suites d’un cancer du col de l’utérus. «A ce moment, j’ai commencé à me demander si ça ne serait pas le même cas. Parce que je savais que le cancer est parfois héréditaire.»

Une seule urgence: aller consulter chez un gynécologue. A sa grande surprise, ce dernier lui fera savoir qu’elle ne doit pas s’inquiéter. «Il m’a dit de ne même plus y penser», se rappelle-t-elle.

Loin d’être rassurée. Ce sont la peur et les soupçons qui vont crescendo. Mme Kamana sait pertinemment que le cancer hérité de ses parents peut changer de type. Non convaincue, elle décide toute seule de faire une mammographie. Après cet examen, toujours rien. «Pourtant, en lisant sur les affiches dans la salle d’examen, je m’étais rendu compte que les symptômes du cancer du sein correspondaient exactement à ce que je ressentais».

Pour se rassurer, explique-t-elle, il a que j’interroge Google sur les symptômes du cancer du sein. «Les résultats sur Google et ce que j’avais vu dans la salle de mammographie, m’ont convaincue que je devais souffrir du cancer du sein».

Sans diagnostic préalable, Anne décide de s’astreindre à une discipline alimentaire. Elle dit avoir pris, quotidiennement et sans aucune autre nourriture, le «Régime de Breuss», un jus issu d’un mélange de la betterave crue, du céleri, de la pomme de terre et de la carotte auquel on ajoute des tisanes.

Selon elle, les douleurs se sont alors considérablement réduites. Néanmoins, un répit de courte durée. Le temps de terminer la 1ère cure requise (la consommation du régime pendant 42 jours d’affilée), la maladie a ressurgi trois mois plus tard avec virulence.

L’abattement après le diagnostic

Bien qu’elle eût déjà soupçonné sa maladie, Anne Kamana affirme n’avoir pas su garder un sang-froid face aux résultats attestant le cancer du sein. «C’était l’abattement total.»

La première préoccupation, dit-elle, a été d’ordre financier. Comment s’en sortir, où trouver l’argent pour se faire soigner, où se faire soigner, etc. Une flopée de questionnements .Difficile aussi, dans un premier temps, de le communiquer à ses proches. «Je ne l’ai dit qu’à mon père spirituel pour qu’il m’aide dans la prière».

A son mari, elle dira que la maladie a été diagnostiquée avec succès, que des médicaments lui ont été prescrits mais sans plus de détails. «Je ne le lui ai clairement dit que deux jours après. Juste après que je remise entre les mains de Dieu. « Je me suis dit si c’est finalement par cette voie que Dieu a choisi que j’entre dans son royaume, que sa volonté soit faite».
D’après elle, des prières vite exaucées. « Quelques jours après, j’ai pu enfin avoir les moyens de retourner en Inde pour me faire soigner». Mise directement sur la chimio intensive, elle y passe 6mois (dès septembre 2016). Depuis, elle y retourne sans cesse pour les contrôles.

La prise en charge, un défi

Le coût de prise en charge annuelle en soins ambulatoires(non hospitalisés), oscillant autour de 25 mille dollars américains pour une personne atteinte de cancer, avec le pouvoir d’achat de la population en proie à un effritement sans précédent, le dépistage précoce reste la seule arme pour lutter contre ce mal pernicieux. « Toutefois, une bataille qui nécessite les efforts de tout un chacun », indique un épidémiologiste sous le sceau de l’anonymat.

La sensibilisation devant être la pierre de voûte de cette guerre, cet expert explique qu’à défaut de données fiables, la sensibilisation devient quelque peu difficile. « Dès lors, les prestataires de services de santé ont dû mal à plancher sur une politique de sensibilisation claire». Autre bémol, la disponibilité et l’inaccessibilité de médicaments anti-cancéreux. Outre leur coût onéreux, il trouve que ces maladies chroniques ne jouissent de la même attention que les maladies infectieuses (paludisme, VIH/Sida), pourtant en phase transitoire. « Hormis le gouvernement, les autres bailleurs ou partenaires ne semblent pas investis alors que les maladies chroniques constituent la 2ème cause de mortalité».

Et malgré les efforts de vaccination (vaccins contre le cancer du col de l’utérus…), il déplore cette réticence dans certaines localités de l’intérieur du pays à y adhérer facilement. « Ils ont toujours cette propension à toujours croire aux devins au lieu d’aller consulter précocement».

Mis de côté ce manque de sensibilisation de la population, cet épidémiologiste explique que la faible intégration de certaines structures de santé (exemple des CDS) dans la prise en charge de ces maladies chroniques est une autre embûche. « Pour de telles maladies avec des complications, c’est impératif que les patients puissent être soignés par un personnel médical spécialisé, dans de structures habilitées (appareils spécialisés) ». Hélas, se désole-t-il, un pas encore à franchir. Outre ce besoin de renforcement des capacités du personnel, selon lui, dans l’urgence, en plus d’une politique préventive, il faut redéfinir le paquet alloué à chaque niveau de la pyramide sanitaire. « Un plaidoyer pour que cette maladie soit incluse dans les soins de santé prise en charge par le FBP (financement basé sur les performances) s’impose ».Avant de conclure : «  D’où, la mise en place d’un centre de référence en cancérologie reste une urgence. »

*Anne Kamana est un nom d’emprunt. La source a refusé que l’on cite son vrai nom

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