Même si le déficit budgétaire frôlera plus de 182 milliards BIF, le gouvernement se dit satisfait de la croissance économique réalisée en 2018. Le budget 2019-2020 est un simple document de propagande politique, assure le président de l’Olucome.
Le gouvernement a adopté, en conseil des ministres du 3 avril, un projet de loi des finances pour l’exécution du budget de l’Etat pour l’exercice 2019-2020. Ce budget fait apparaître un déficit record depuis 2010.
D’après Prosper Ntahorwamiye, le porte-parole du gouvernement, le déficit de l’État devrait se creuser de 189,2 milliards BIF contre 163 ,5 milliards de BIF l’année passée, soit une augmentation de 25,7 milliards de BIF.
Par rapport à l’exercice précédent, les ressources totales augmentent de 7,3 %. Elles sont estimées à 1.327,1 milliards BIF contre 1.237,1 milliards BIF pour l’exercice 2018-2019. Quant aux charges, elles passent de 1.400,7 milliards BIF en 2018-2019 à 1.516,2 milliards BIF pour l’exercice 2019-2020, soit un accroissement de 8,2%.
Selon le porte-parole du gouvernement, le nouveau budget a été préparé dans un contexte de reprise de la croissance économique.
Prosper Ntahorwamiye fait remarquer que « le taux d’indépendance budgétaire est estimé à 83, 6 % contre 81,2 pour l’exercice 2018-2019 ».
Pour maximiser les recettes, poursuit-il, le Burundi compte élargir l’assiette fiscale, lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, recouvrer les arriérés et maîtriser les exonérations.
Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, juge que ce budget est irréaliste. Cet activiste de la société soutient que cette loi de finances n’est pas crédible : « Le budget n’est pas au service de la population. Ce n’est qu’un simple document de propagande politique. » Et d’ajouter que ce budget est un trompe-l’œil pour montrer que le pays est capable de s’auto- financer.
« Selon la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, le taux de pauvreté est à plus 72% et celui de la croissance de l’économie est de 0,4% », détaille-t-il avant d’enchaîner : « Plus de 83 % du budget proviendra de recettes intérieures. C’est la population qui en fera les frais.»
Par ailleurs, il soutient que, depuis des années, l’Etat viole la loi des finances. Il rappelle que pour le montant des 18 milliards d’exonération prévus en 2017, l’exécution au 30 septembre affichait un montant de 111 568 000 000 BIF soit un taux d’exécution de 619,9%. Attendons le rapport d’exécution budgétaire de la Cour des comptes, prophétise-il, les exonérations ont de loin dépassée 18 milliards de BIF.
Au lieu de continuer à ruiner la population, les banques commerciales, les entreprises publiques et privées, cet activiste propose au gouvernement d’instaurer une taxe sur la fortune, l’impôt sur les salaires des dignitaires et les recettes issues des minerais.
Jusqu’à quand l’Etat continuera-t-il à pédaler à vide ?
Le déficit budgétaire se creuse, depuis ces cinq dernières années. Celui-ci est passé de 54,9 milliards de BIF en 2013 à 189,2 milliards de BIF.
Les nouvelles ressources douanières et fiscales ne couvrent pas les besoins. Pour financer le gap, ce dernier recourt à l’endettement intérieur. Comme l’Etat veut à tout prix une indépendance budgétaire, seul l’endettement intérieur permet de maintenir la barque à flot.
Aujourd’hui, la dette publique intérieure est constituée en grande partie par l’accumulation des déficits antérieurs. Elle a continué d’augmenter : de 2013 à 2018, le cumul de la dette publique intérieure est passé de plus 597 à 1911 milliards de BIF.
Pourquoi les dettes s’accumulent ? Soit les emprunts n’ont pas créé de richesses, soit ils ont été orientés vers des secteurs improductifs pendant toutes ces dernières années.
Le recours à la dette est un mal nécessaire. La gouvernance économique est comparable avec une bicyclette. Si on ne pédale pas, on tombe. Si on ne dépense pas, on ne produit pas de richesse. Il faut alimenter la machine économique avec des financements nouveaux comme le cycliste fournit l’effort pour avancer. Une dette maîtrisée peut être bénéfique, à condition que les dépenses créent des richesses pour l’avenir. Pour paraphraser le Nobel d’économie Paul Krugman en 2015, l’endettement est une façon de payer pour des choses utiles. Quid pour le cas du Burundi ?