Rien de nouveau sous le soleil ou presque… Le Rwanda aurait décidé de passer à la vitesse supérieure. « En dépit de toutes ces plaintes déposées, jusqu’à présent sans suite, le Burundi vient d’être, cette fois-ci, victime d’une attaque perpétrée par l’armée rwandaise dans la nuit du 16 au 17 novembre 2019, dans la commune Mabayi, en province de Cibitoke, occasionnant ainsi des dégâts matériels et humains », soutient Gitega dans un communiqué lu par le secrétaire général et porte-parole du gouvernement, jeudi 28 novembre, « suite à l’agression du Rwanda contre le Burundi ». Le présupposé de l’escalade verbale de Gitega est la croyance que Kigali oeuvre à la chute du gouvernement sous la houlette du parti de l’Aigle. Au point d’inciter le président Nkurunziza, dans sa correspondance du 4 décembre 2018 au président de l’EAC, son homologue ougandais, a demandé un « sommet spécial » pour régler le conflit opposant le Burundi à son «ennemi », le Rwanda.
Une accusation balayée d’un revers de main par l’ambassadeur Olivier Nduhungirehe, secrétaire d’Etat en charge de la Coopération et de la Communauté Est-africaine : « Nous savons très bien que la crise burundaise est une crise interne entre Burundais, qui est d’ailleurs sous médiation de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Donc que le Burundi prenne le Rwanda toujours pour un bouc-émissaire nous importe peu. »
Autre nouveauté, Gitega ne tolérera plus une autre « agression » du voisin d’outre Kanyaru. « Le Gouvernement de la République du Burundi profite de cette occasion pour mettre en garde le Rwanda pour ces agressions multiformes répétitives contre le Burundi et prend à témoin toute la Communauté Internationale. En cas de récidive, le Gouvernement de la République du Burundi se réserve le droit de légitime défense. » Qui invoquera le droit de légitime défense en seconde position sera celui qui aura sollicité les « faveurs » d’Arès, le dieu de la guerre.
Cette logique de montée aux extrêmes de la rhétorique anti-Kigali, de quoi est-elle le nom? Gitega semble s’être embarqué dans le bateau d’une prophétie autoréalisatrice, dans le sillage du putsch manqué du 13 mai 2015. Pointer du doigt Kigali comme «ennemi du Burundi » pourrait le conduire à regarder ces « hommes armés » qui font des incursions sur le territoire burundais comme une option stratégique, et ce faisant faire advenir la réalité dénoncée. Une fausse définition de la situation au départ pourrait alors passer pour vraie.
La mise en garde de l’anthropologue René Girard est édifiante : « La loi de l’imitation nourrit l’emballement guerrier et peut mener au pire. »