La journée internationale des droits de la femme au Burundi a pris une autre tournure. Certains en tirent profit au moment où la majorité des femmes fonctionnaires tirent le diable par la queue.
A l’Hôpital Prince Régent Charles, ce sont les femmes de « Femmes Intwari », une association des femmes anciennes combattantes et femmes des anciens combattants, qui effectuent la collecte de l’argent des pagnes du 8 mars avec un caractère obligatoire implicite. « Ce sont les femmes de l’association Femmes Intwari qui font la liste pour la commande des pagnes, et parmi elles, il y’a nos chefs hiérarchiques qui nous cotent d’où l’intérêt de le payer », raconte une employée de l’HPRC sous couvert d’anonymat.
Et d’ajouter : « Avec le peu qu’on gagne, nous sommes obligées de nous partager un pagne. Celles qui le peuvent donnent directement l’argent à ces femmes qui font la collecte en 2 tranches, c’est-à-dire 5500 BIF, ou elles se font inscrire sur une liste pour que l’argent soit retiré sur leur salaire en deux mensualités aussi.»
Afritextile a produit pour, ce 8 mars, 135 000 mètres de pagnes sur la seule commande du ministère de la Solidarité Nationale, des Affaires Sociales, des Droits de la Personne Humaine et du Genre, ce qui revient à 45 000 pagnes si on considère qu’un pagne est de 3 mètres, à raison de 18 000 BIF. Mais le pagne qui est déjà sorti de l’usine est acheté 22 000 BIF.
C’est le prix de ceux qui s’approvisionnent audit ministère. Les 45 000 pagnes totalisent une somme de 810 millions BIF si on s’approvisionne directement à Afritextile pour 18 000 BIF du prix unitaire, tandis qu’ils atteignent 990 millions BIF si on s’approvisionne au ministère au prix unitaire de 22 000 BIF, soit une différence de 180 millions de nos francs.
Un luxe pour beaucoup de femmes
K.R., une enseignante, n’y va pas par quatre chemins : « Un pagne a 22 000 BIF, c’est beaucoup ! Rajoutez encore 15 000 BIF pour la couture, c’est énorme vu la conjoncture. C’est un luxe que je ne peux pas me permettre.» Le 8 mars est une journée où toutes les femmes devraient se sentir impliquées, mais cela n’est pas de l’avis de l’enseignante : « Les femmes qui occupent de hautes fonctions et qui ont les moyens reçoivent le pagne gratuitement, mais nous, nous sommes contraintes de l’acheter.» Et d’enchaîner : « On me l’a proposé gratuitement, mais j’ai refusé. Pourquoi l’avoir gratuitement par quelqu’un qui ne l’a pas payé ? J’ai d’autre priorité. »
N.D., une autre enseignante, a passé la commande d’un pagne : « Je veux être comme les autres femmes et porter le pagne. J’ai payé les 22 000 BIF, mais c’est cher pour nous les enseignantes. J’ai toujours aimé porter le pagne le jour du 8 mars, mais notre gouvernement devrait faire en sorte que chaque femme, sans aucune distinction de classe puisse sentir que cette journée est la sienne sinon le 8 mars va finir par perdre son sens.»
Une autre fonctionnaire livre son vécu de cette journée : « Chaque fois que le 8 mars arrive, je pense à ma mère en train de travailler aux champs. C’est pour moi la vraie femme par excellence. Le pagne coûte cher, mais quand j’entends tout ce qu’on dit sur le vrai sens du commencement de cette journée, je lui achète un pagne, sans considération du prix excessif.»