Le drame s’est produit ce 22 juin, à 4h du matin. Bilan : deux personnes mortes, trois autres hospitalisées, argent et téléphones volés.
Banirwa Marcel, un habitant du coin affirme que beaucoup de coups de feu ont été tirés : « Sur place, quelques minutes après, nous avons trouvé un bus en flamme, une personne à l’intérieur, les autres étaient allongés par terre. La police est intervenu une heure après, alors qu’il y a une position militaire à 500 mètres », regrette-t-il. Après le forfait, ces hommes se sont repliés vers la frontière de la République Démocratique du Congo, à 1 km de la rivière Rusizi. Le bus transportait quatre commerçants de la commune Buganda vers Rumonge pour acheter des petits poissons (Ndagala) à revendre. Les deux commerçants tués sont Girukwishaka, propriétaire du bus, brulé à l’intérieur du bus, l’autre est son chauffeur, Bongwanubusa, mort pendant qu’on le transportait à Bujumbura. Tous les deux étaient membres du Cndd-Fdd.
Des téléphones et de l’argent ( plus de 8 millions de Fbu) ont été volé par ces « bandits » armés en tenues militaires et civiles, affirme avec peur un des rescapés, Eric Ndahabonimana : « Après nous avoir arrêté de force, ils nous ont fait sortir du bus et nous ont obligé d’enlever tous nos vêtements. » L’autre rescapé est un fou qui passait par hasard au moment de l’embuscade. Le grand-frère de Girukwishaka, en pleurant à chaudes larmes, affirme que l’embuscade était bien destinée à ce bus. « Pourquoi deux camionnettes sont passées avant le bus mais n’ont pas été arrêté ? » s’interroge-t-il.
« Mon frère a reconnu les hommes en armes, et ces derniers ont décidé de le tuer. » Rappelons que le 20 juin quatre autres personnes, accusées par la police d’être membres des groupes armés et d’y emmener de nouveaux recrus, ont été arrêtés : deux démobilisés, Dieudonné Niyonzima et Eric Ndikuriyo (Buganda) et un professeur du lycée communal de Murwi, Désiré Ndikumana. Leurs familles disent que c’est pour des raisons politiques qu’ils ont été arrêtés et sont détenus au cachot de Buganda. Anselme Nsabimana, gouverneur de Cibitoke conseille à la population de ne plus se déplacer les heures tardives dans la nuit ou très tôt le matin. « Ces heures sont réservées aux seuls militaires et policiers pour leurs patrouilles. »
« Une embuscade contre un véhicule n’est pas un combat »
Gaspard Baratuza, porte-parole de l’armée, fait savoir qu’il est difficile de faire la chaîne sur tous les axes. Selon lui, avec les exigences de Brettonwoods, l’effectif des militaires est passé de 65mille à 25 mille hommes. En outre, le Colonel Baratuza indique que ces gens qui attaquent connaissent bien le terrain qu’il est difficile de les combattre tous : « Ils nous gardent à l’œil. » Ainsi, il appelle la population à être vigilante et aviser les corps de défense et de sécurité car la nuit, c’est la nuit. Interrogé sur le manque d’assistance des positions militaires des alentours, le porte-parole de l’armée indique que ce n’est pas un convoi militaire qui a été attaqué.
Visibilité politique
De l’embuscade de Mabayi, Salathiel Muntunutwiwe, politologue, fait deux observations. D’une part, c’est une façon de récolter l’argent suite à la situation de pauvreté que vivent les individus. D’autre part, c’est l’instrumentalisation de l’action pour montrer que l’Etat n’assure pas la sécurité de la population. Que ça soit politique ou pas, l’Etat est interpelé à agir parce qu’il est le responsable, le garant de l’ordre public.
Selon l’analyste, même si les auteurs des forfaits ne réclament pas haut et fort, les gestes qu’ils posent marquent leur existence : « L’important pour eux, c’est qu’il y ait un désordre public qui appelle l’action de l’Etat. » Cependant, poursuit-il, si l’Etat ne réagit pas, cela produit son illégitimité.
Alors que certains pensent que c’est une façon de demander à la communauté internationale de faire pression aux autorités pour enclencher les négociations, M. Muntunutwiwe précise : « Celle-ci peut lui demander de résoudre ce problème de sécurité pour ne pas perturber l’ordre dans la sous-région. »
Toutefois, il constate que l’Etat burundais reste souverain dans son espace de légitimité politique. D’où il devrait répondre aux doléances de la population pour assurer sa sécurité physique et morale conformément à la Constitution.
Pour arriver à cette fin, Salathiel Muntunutwiwe indique que le gouvernement devrait emprunter trois voies : la confrontation qui n’aboutit jamais à la paix ; les négociations qui peuvent, sous certaines conditions, apaiser les tensions et la coopération qui est la voix idéale recherchée par tous.
Ainsi, il reste à savoir si les deux parties disposent de la capacité de dépasser les subjectivités égoïstes vers la paix, la légitimité de l’Etat et de ses locataires.