Les marchés publics sont parmi les principales sources de corruption et de malversations économiques au Burundi. La réforme desdits marchés est l’un des piliers de la stratégie Nationale de Bonne Gouvernance et de Lutte contre la Corruption. Et c’est à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) qu’échoit la grande mission de veiller au respect du contenu du nouveau code des marchés publics.
<doc7017|left>Les marchés publics sont l’un des principaux domaines à risque, vu leur importance dans la vie économique d’un pays. En effet, la passation des marchés publics est une activité économique essentielle de l’administration ayant un impact majeur sur l’utilisation de l’argent des contribuables. Dans ce domaine, un système efficace joue un rôle stratégique pour les administrations qui doivent éviter les erreurs de gestion et le gaspillage des deniers publics.
De toutes les activités des administrations, les achats constituent l’un des actes les plus exposés au risque de corruption. Les efforts déployés pour améliorer l’intégrité dans les marchés font partie intégrante d’une gestion efficace et efficiente des deniers publics. La passation des marchés publics connaît ainsi des lacunes et des innovations.
La réforme des marchés publics (elle date de 2009, année de naissance également de l’ARMP) est venue d’un bilan des autorités burundaises mettant en exergue les faiblesses du domaine des marchés publics. Et la liste est longue: une règlementation désuète, une faible capacité institutionnelle, une lenteur des procédures, un manque de transparence, beaucoup de cas d’allégations de corruption, un emploi abusif du gré à gré ou de consultations restreintes cachant parfois des gré à gré, un emploi de spécifications techniques discriminatoires, un emploi excessif, de manière inappropriée et délibérée, un facteur prix comme seul critère d’évaluation des offres et une mauvaise qualité des dossiers d’appel d’offres.
Pratiques irrégulières de part et d’autre
Pourtant, selon Michel Masabo, professeur à l’université du Burundi et spécialiste en droit fiscal, le nouveau code des marchés publics affirme les principes directeurs de passation des marchés publics (la liberté d’accès à l’information et à la commande publique, non discrimination des candidats et transparence des procédures).
Dans ce document, sont également avancées des pratiques innovantes avec, entre autres, la planification des marchés publics, l’obligation de publicité, le recrutement d’observateurs indépendants pour participer à la procédure de passation des marchés publics, l’association de la société civile et du secteur privé à la procédure de règlement des différends, l’utilisation de nouvelles technologies de l’information, ainsi que l’échange d’informations relatives aux marchés publics. Sans oublier, souligne le professeur Masabo, l’introduction des sanctions à l’encontre des autorités publiques et des soumissionnaires.
Dans la passation des marchés publics, il s’observe des pratiques irrégulières dans le chef des autorités publiques mais aussi des soumissionnaires. Concernant le premier, on cite l’arbitraire dans le choix du mode de passation; l’omission délibérée des règles de planification; les spécifications techniques orientées; la non diffusion ou la limitation de l’information; l’abus de l’entente directe; le non respect de la confidentialité des offres avant leur dépouillement et l’attribution des marchés à des soumissionnaires fictifs, etc.
Du côté du second, on relève l’influence de ceux-ci (des soumissionnaires donc) dans la préparation des dossiers d’appel d’offres; les ententes entre soumissionnaires d’appel d’offres; les ententes entre soumissionnaires; la fourniture de fausses informations; les menaces; le clientélisme et la corruption.
Une ARMP pour mieux réguler …
L’autorité des régulations des marchés publics (ARMP) est une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie administrative et financière, mise en place en 2009.
Sa composition est tripartite (gouvernement, secteur privé et société civile). L’ARMP possède en son sein un comité de règlement des dépenses ainsi qu’une commission disciplinaire.
Elle a la grande mission de veiller au respect du contenu du nouveau code des marchés publics. Elle constitue l’organe de recours des soumissionnaires, et peut ester en justice. En effet, après investigation, elle peut ordonner la suspension des procédures des marchés si des irrégularités sont constatées, prononce des sanctions pécuniaires ou d’exclusion conformément à l’article 144 du code des marchés publics.
L’ARMP transmet au Président de la République, aux deux VP, au Parlement, à la Cour des Comptes, un rapport annuel sur l’efficacité et la fiabilité du système de passation, d’exécution et de contrôle des marchés publics et délégation des services publics assortie de toute recommandation susceptible de l’améliorer.
Cependant la pratique est toute autre
La nomination du directeur de l’ARMP reste émaillée par des critères politiques, ce qui altère son indépendance, en témoigne la dernière nomination en date où la recherche de l’efficacité a été reléguée au second plan.
Que ce soit les plus hautes autorités et les hauts cadres de l’Etat, ils n’ont pas encore intériorisé la place de l’ARMP. Malgré les interpellations régulières de cette institution, certains établissements publics et certaines entités territoriales décentralisées ne respectent pas le contenu du code des marchés publics. D’autres refusent carrément de se conformer à l’article 15 du Codes des marchés publics qui exige de tous les concernés par le code de communiquer leurs marchés en vue de l’élaboration du plan prévisionnel des marchés publics.
Certaines autorités, ministres y compris, n’hésitent pas à remettre en cause les décisions de l’ARMP alors qu’ils n’ont pas les prérogatives de le faire, comme le démontre des exemples.*
Cependant, selon M. Masabo, ces pratiques ont des conséquences néfastes non seulement sur la gestion des deniers publics, mais aussi sur l’intégrité du système de gestion des marchés publics et sur la qualité des prestations et fournitures à mettre à la disposition des usagers des services publics. Ainsi, il recommande aux organes de contrôle et de régulation des marchés publics de rendre opérationnel le journal des marchés publics qui ferait connaître notamment les abus dans la passation des marchés. Il faut également adopter des mécanismes spécifiques pour surveiller les marchés publics ainsi que déceler les fautes commises et les sanctionner. Il recommande aussi de traiter les réclamations des fournisseurs potentiels de manière équitable et dans les délais prévus.
__________________
{Rapport sur l’état de lutte contre la corruption (8/2010 – 8/2012) : deux ans de tolérance zéro à la corruption [PARCEM, Septembre 2012]}
– Le cas du marché de Nyabugete en dit beaucoup. (Aménagement du site Nyabugete)
– En 2010, un contrat secret de plus de cinq millions de dollars américains, d’équipements de communication a du être annulé
– Tentative d’accorder un marché gré à gré au cout d’un montant élevé à une entreprise de télécommunication chinoise,
– La gestion opaque des contrats miniers.
– L’ARMP reste dépourvue des moyens, elle ne peut pas organiser des descentes pour faire des investigations et audits afin d’établir les irrégularités dans la passation des marchés publics, dont celui du projet l’APV Ruyigi d’un montant de plus de 8 milliards de Fbu. Même pendant la récente révision budgétaire, l’ARMP a vu son budget réduit. Et jusqu’aujourd’hui, aucun audit n’a jamais été fait.
– Les rapports envoyés aux autorités et au parlement ne sont que des rapports narratifs dépourvus de tout résultat d’analyse et audit pouvant permettre au parlement et à la Cour des Comptes de se saisir de certains cas et réagir.