Neuf mois après le lancement officiel de l’anthologie à Bujumbura, le Rwanda accueillait ses écrivains par une lecture de leurs textes lors d’un café littéraire fin mars à la librairie Kirezi, à Kimihurura.
Les textes étaient lus par les comédiens d’Ishyo Art Center avec comme maître de cérémonie Carole Karemera, directrice d’Ishyo. A l’aide d’une guitare jouée par Noémie Ntahonkiriye, et les voix des comédiens qui s’accouplaient en harmonie ou en duo, l’entente était parfaite avec le public venu en petit nombre. Un public qui buvait littéralement les mots s’échappant des différents timbres de voix présente. Un coup de cœur pour le texte de John Rusimbi qui fut très bien lu avec vivacité par Flora Kayitesi. Son Roman « By the time she returned » où l’histoire d’un réfugié du nom de Sebagabo obligé de raccourcir son nom en «Seba » pour dissimuler son identité réelle afin de s’adapter à sa nouvelle vie à Kampala. Histoire touchante et captivante. Les écrivains étaient bel et bien présents tels Jacques Buhigiro, Kalisa Rugano ou bien encore Louis Basengo Munyaburanga… « Le choix des sujets était assez subjectifs. On a choisi ceux qui nous touchent, qui nous parlent et on espère que vous pourrez les emporter avec vous dans vos cœurs», confesse Carole. La plupart des sujets parlaient sans surprise des affres du génocide, sujet encore sensible comme l’explique l’écrivain Thimothy Njoroge : « La meilleure façon de se sentir libre c’est d’en parler parce qu’on vit avec, on dort avec, on mange avec. L’art, l’écriture est une thérapie.»
Un débat fort intéressant
Après la lecture, un débat fut suivi où le public pouvait poser des questions. Thierry Manirambona, Ecrivain-journaliste burundais (Prix Michel Kayoya 2010) s’est fait un malin plaisir en balançant d’affilée quatre questions pertinentes : « Quel est l’avenir du Français au Rwanda vu la prédominance de l’Anglais ? Pourquoi cette rencontre à la librairie et pas au Stade Amahoro (rires dans la salle) ? Existe-t-il une association des écrivains dans la salle ? Pourquoi la jeunesse n’est pas représentée parmi vous ?
Il faut dire qu’en voyant la moyenne d’âge des écrivains présent s, l’âge oscillait autour de la cinquantaine voire plus. Kalisa Rugano, écrivain, explique que « L’avenir du Français, c’est eux », désignant les comédiens et ajoutant que « Personne ne peut effacer cent ans de langue française. Il n’est pas normal qu’une langue écrase ou piétine l’autre. C’est une richesse d’avoir plusieurs langues. » Louis Basengo a bien fait rire la salle aussi s’exprimant avec un semblant d’air outragé « Mais nous ne sommes pas si vieux que cela, tout de même. » Le café-littéraire s’est terminé sur une belle note, conviviale entre les artistes et le public par un cocktail de bienvenue. Une collaboration qui s’est faite entre le Sembura Ferment littéraire (représenté par Anna Caldeira Tognola présente sur les lieux), la librairie Ikirezi, le ministère de la Jeunesse et des Sports ainsi qu’Ishyo Art Center. La librairie Kirezi est une petite bibliothèque fort sympathique avec pas mal de livres aussi bien en Français qu’en Anglais. Il y a de tout : la dernière biographie de Steve Jobs, des bandes dessinées, des livres pour enfants, des magazines, des dictionnaires, Danielle Steel forcément. Une belle décoration des lieux avec des tableaux Imigongo accrochés aux murs. La librairie, qui existe depuis 1998, est dirigée par Lijdsman Chiel.